Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 avril 2011 6 09 /04 /avril /2011 17:29

http://i.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH225/rafale-marine-accident-mediterrane-dceca.jpg

 

Dit comme ça, on pense à une mauvaise blague, mais il n’en est rien.
Une réflexion sur la privatisation de nos forces armées est bien engagée au sein du gouvernement, dans les états-majors et au sein de « think tank » discrets et influents qui regroupent nombre d’officiers généraux et de membres éminents du lobby militaro-industriel.

Historiquement, les mercenaires ont une solide tradition pleine de hauts faits d’arme. Ils ont occupé des fonctions prestigieuses : pensons aux gardes suisses du Vatican. Ils incarnent depuis l’antiquité le culte du guerrier, commun à de nombreuses cultures, de la philosophie spartiate aux célèbres samouraïs.

Récemment, les États-Unis ont expérimenté les armées privées en Irak et en Afghanistan, à une échelle encore jamais vue, et avec succès : le vrai coût de la guerre peut être masqué aux parlements, et on peut toujours leur attribuer les bavures éventuelles. De toute façon, les drones sont dirigés depuis le pays par des civils sous contrat avec le Pentagone. Les guerres modernes ont de moins en moins besoin de soldats classiques : pourquoi salarier tant de fonctionnaires, quand l’heure est aux coupes claires dans la fonction publique ?

En France même, le développement des polices municipales a été très avantageux : la mégalomanie des élus locaux a été comblée par le fait d’avoir « leur » police, l’État s’est désengagé de certaines missions de service public trop coûteuses et a taillé dans les budgets formation de la police ; pourquoi gaspiller des centaines de balles en formation quand une seule bien placée suffit ?

Qui ignore la réputation de discipline des écoles privées ? Nos prisons seront demain en crédit-bail, et notre Pentagone à la française sera construit par Bouygues en location-vente. Tous les signes sont là.

D’une manière générale, sous l’impulsion des accords du GATT et de AGCS, relayés par l’UE, la notion même de service public s’efface devant celle de la marchandisation et de la mise en concurrence des biens et des services, y compris l’eau potable, l’éducation - et maintenant l’armée.

Le commerce des armes est, depuis longtemps, international : on ne marchande plus avec les Arabes comme des marchands de tapis, mais entre clients et marchands de mort : ti m’rachètes tes vieux zavions français tout pourris, et j’ti prends quelques Rafales, mais ti’m fais un prix pour l’ilectronique.

La guerre s’est internationalisée, professionnalisée ; après le matériel, il était inévitable que le commerce des hommes eux-mêmes s’ensuive au 21e siècle.
Les troufions ont cédé la place aux pros ; maintenant, les pros eux-mêmes deviendront les mercenaires des multinationales, bardés de « high-tech ». Après quoi celles-ci loueront leurs services aux États, au prix fort.

Areva, très bientôt privatisée, est pressenti pour « manager » (gérer, en français) la force de frappe nucléaire – ils ont une grosse expérience, tant pour frapper des citoyens au porte-monnaie que pour « subventionner » tous les réfractaires, citoyens, élus ou scientifiques. Ils connaissent le nucléaire, l’arme financière et la guerre psychologique n’ont pas de secret pour eux : ils sont fin prêts.

Avantage annexe : il sera facile de rentabiliser nos forces militaires privées. Là où jadis quelques scrupules ou d’obscures notions d’éthique bridaient les États, là où des accords internationaux nous empêchaient d’intervenir, seul le profit guidera nos décisions : la chose militaire sera enfin gérée comme une société, avec en balance les coûts et les profits, le retour sur investissement. Si telle mission paye bien, rapporte du gaz ou du pétrole, OK, on fonce ! Si c’est pour libérer des femmes voilées dont on ne sait même pas si elles sont jolies, tout en protégeant leurs trafiquants de drogue de maris, on passe !

Appliquant strictement le modèle marchand à notre défense stratégique, ils feront largement appel à la publicité pour baisser les coûts d’exploitation : nos missiles balistiques seront équipés de bandeaux publicitaires « Ce missile vous est offert par Pschittola, la boisson qui pétille ! » ou « Famas, le fusil qui vous rattrape ! », « Bad Luck, le drone qui vous voie », « le missile de croisière s’amuse », etc. Pourquoi la guerre serait-elle toujours triste, privée de la jeunesse et de la joie de vivre qui débordent de nos écrans ? D’ailleurs, avec de tels slogans publicitaires, ne vendra-t-on pas plus facilement notre production ? Eurosatory avec les nanas du salon de l’auto, ça aurait quand même plus de gueule, non ?

Mieux : Areva ou Thalès savent aussi rationaliser la production : pourquoi mettre tant de plutonium dans nos bombes atomiques ? Je prends le pari qu’en quelques mois, ils auront diminué de moitié la taille de nos missiles, et donc de nos sous-marins nucléaires, ce qui veut dire des ports plus petits, et au final une meilleure empreinte écologique.

Avec quelques brainstormings et en boostant les process, je pense qu’on pourra raccourcir la piste d’envol du Charles-de-Gaulle, au lieu de la rallonger comme des militaires subventionnés.

On peut prévoir quelques troubles sociaux, car, pour des questions de coût, les équipages de La Royale seront naturellement Maltais, Ukrainiens ou Indiens, comme dans la marine marchande. Honnêtement, les cargos font leur job correctement, non, avec leurs équipages cosmopolites et privés ? Ce sera pareil pour les sous-marins nucléaires et les porte-avions.

Naturellement, les centres de commandement seront externalisés, et le PC de Taverny transféré à Pekin ou New-Delhi.

Ultime étape de cette privatisation de la force de frappe, et de l’armée dans son ensemble : privatiser l’État, et transférer le pouvoir aux multinationales – ne riez pas, c’est en cours...

Partager cet article
Repost0
10 février 2011 4 10 /02 /février /2011 22:16

Stupéfaction dans la magistrature : certains délinquants s’inspirent des déclarations de Michele Alliot-Marie pour justifier leurs crimes impardonnables.

On sait la polémique sur son comportement en Tunisie, sa présence pendant une révolution populaire dont elle n’a rien vu, rien su, les circonstances d’un ou plusieurs vols dans un jet privé appartenant à un milliardaire probablement proche du pouvoir de Ben Ali. Mais qui s’attendait à voir un retentissement de cette polémique jusque dans les tribunaux les plus ordinaires ?

Voici, par exemple, le compte-rendu d’une audience parisienne à laquelle a assisté notre chroniqueur judiciaire :

 — M. X, vous êtes accusé d’avoir participé à un braquage. Et votre affaire de trafic d’armes n’est même pas encore jugée ! Vous voulez battre un record ?

— M’sieu le juge, je suis une victime, comme des millions de Français, je prends la voiture. Quand je suis chômeur, je suis chômeur. Quand je suis en vacances, j'ai le droit d'avoir des amis. L'un d'entre eux a effectivement un jet – euh... je veux dire une affaire de voitures. C’est un chef d’entreprise respecté dans la cité. Il m’a pris en stop. Il m’a rendu un service en m’évitant un trajet par la route, qui est un peu sinueuse et éprouvante.

— Maître, c’est une impression ou votre client essaie de se servir du malentendu autour du séjour en Tunisie de Mme Alliot-Marie ? Si c’est le cas, expliquez-lui que se comparer à un ministre de la république qui n’a commis, lui, aucun acte délictueux, n’arrangera pas ses affaires.

(Conciliabule, chuchotements)

— Monsieur le juge, mon client me dit qu’il a quitté le bahut - euh... l’école - très jeune, et que son français argotique risque de choquer dans cet auguste lieu, il a donc simplement utilisé des formules qu’il a récemment entendues à la radio.

— Admettons. Mais rappelez-lui qu’on ne se moque pas impunément des ministres - lesquels, quoi qu’en disent certains médias, sont présumés innocents.

— Mon client aussi !

— Admettons !

 (Sourire général, ce juge étant connu pour aimer plaisanter à l’occasion)

— Et pour le trafic d’armes, Monsieur le juge, ajouta soudain le prévenu, ce n'est pas du matériel de guerre, c'est du matériel de maintien de l'ordre.

— Voilà que vous recommencez ! N’est-ce pas M. Baroin, porte-parole de l’Élysée qui a dit cela à France Info ? Maître ! Faites quelque chose !

 (Conciliabules entre l’avocat et son client)

— Faites excuz’, M’sieu l’juge, depuis que l’aut-bouffon, euh... le président Sarko a supprimé la police d’à côté...

— La police de proximité ?

— Trop mixité ?

— Proximité.

— Promesses cuitées ?

— Promiscuité : quand il y a trop de gens dans un petit espace.

— Aaaaah, ouais. Faut dire qu’y a trop de zonards en banlieue – et à cause de ça, on doit faire nous-mêmes le maintien de l’ordre. Entre les bandes de rebeus, de renois, de Chinois et de Gaulois comme moi, j’peux vous dire qu’y faut aut’chose que la bombe lacrymo de la ménagère de cinquante ans. C’est pour ça qu’on trimbalait un peu de matos dans le coffre.

— Un peu de matos ? Six revolvers, deux armes automatiques, trois grenades et un gilet pare-balles ?

— Quand le désordre est grand, l’armement s’alourdit.

- Maître, pour un citoyen obligé de parler argot parce qu’il a quitté l’école très jeune, votre client fait des alexandrins ! Il ne se paierait pas notre tête, par hasard ?

— Non, monsieur le juge, il fait du rap francophone, et pas mal du tout paraît-il, presque professionnellement, ce qui lui a évité la préventive pour ces quelques armes trouvées dans une voiture – laquelle ne lui appartenait pas.

— Oui, Aziz m’a pris en stop pour m’éviter 20 minutes dans le RER.

— Et voilà, maître, il recommence : MAM n’a-t-elle pas parlé de 20 minutes dans le jet tunisien de son ami ?

— Si fait, mais sa ligne de RER est réellement une des plus surpeuplées, et le trajet entre son quartier et le lieu de l’arrestation fait...

— Bon, bon, admettons. Mais non contents de transporter de quoi armer un commando, ils se sont fait prendre à cause d'un excès de vitesse.

— J'essaie de respecter les limitations de vitesse, il m'arrive d'être arrêté et verbalisé, comme tout un chacun il ne reste plus que sept ou huit points sur mon permis.

— Maître, cette fois votre client cite Olivier Marleix, le conseiller technique de Nicolas Sarkozy, récemment flashé... Décidément, votre client a une bonne mémoire. Et pour son information, personnellement, j'ai tous mes points sur mon permis.

C'est un sujet qui est déjà derrière nous. Il a fait un mea culpa, et voila, l'affaire est close.

— Maître, vous frisez l’outrage à magistrat ! Je crois que vous venez vous aussi de citer Baroin...

— Vraiment ? Inconsciemment, alors, votre honneur. Je vous fais mes excuses. J’ajoute qu’ils voulaient monter une affaire pour se réinsérer – qui promettait d’être prospère.

— Ouais, sur ma vie. Notre savoir-faire est reconnu dans le monde entier – en tout cas la cité d’à côté, la race de ta mère s’ils ont pas peur de nous. En exportant ce matos, nos forces de sécurité peuvent régler des situations sécuritaires de ce type. La paix des banlieues, on allait la donner !

— Mouii. Quoi qu’il en soit, c’est votre participation au braquage que nous jugeons aujourd’hui. M. X, qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

— Que Aziz, c’est pas un membre du clan Ben Ali ! Il est du clan des Siciliens !

— Bin voyons : Aziz le Sicilien ! fit le magistrat, déclenchant l’hilarité générale. Et pour les émeutes de banlieue, vous n’étiez pas au courant, je suppose ?

— Je les ai mêmes pas vues ! J’étais en vacances, m’sieu.

— Et le troisième larron, ce Tony, n’est-ce pas lui qui a été condamné pour attouchements sur mineur dans un club de sports ?

— Oui, un club de boxe, mais il croyait que l’autre avait quarante ans, rapport à ses cicatrices.

— Ça me rappelle bien quelque chose, mais passons, nous nous égarons. On ne va pas juger toute la bande à la fois. Quoique, maintenant que nous avons créé un délit de vol en bande organisée, il faudrait songer à les juger en bloc !

(sourires au tribunal – à l'exception de l’avocat de la défense)

— Et si vous me parlez de vol de cigares, de prise illégale d’intérêt ou du laboratoire Servier, je vous inculpe d’outrage à magistrat ! Moi aussi, je suis l’actualité... Bon, revenons au braquage. Cet Aziz, c’est bien un chef de gang ? L’enquête de police est édifiante !

— Plutôt une victime. Il a dû céder 20% de ses parts de son affaire de voitures à Ben, le vrai chef. Et depuis que les keufs l’ont serré, Aziz a pu récupérer l'ensemble de ses parts ainsi que la présidence du garage.

— Vous appelez "garage" un parc de voitures volées ?

— Mmm.

— Donc vous, la victime, êtes monté dans la voiture de cette autre victime, qui vous prend souvent en stop comme un ami, voiture qui s’est arrêtée devant une bijouterie, où vous les avez attendus en pensant qu’ils faisaient une course ? Vous croyez qu’on va avaler ça ?

C’est le souvenir que j’en ai. D’ailleurs, j’ai même payé mon transport en participant à l’essence.

— Vous avez la facture ?

— Aziz, c’est pas trop le genre facture : tout son bizness est en liquide, M’sieu l’juge. Mais, juré-craché, elle a été réglée.

— Monsieur le juge, les médias ont fait une campagne indigne d’acharnement contre mon client !

-- Maître, n’exagérons rien : ce n’est quand même pas le casse du siècle !
-- De toute façon, s’insurgea soudain l’accusé, la polémique, ça suffit ! J'ai répondu avec franchise et honnêteté à tout, je ne répondrai plus à rien.

 

Voilà. Nous sommes aussi choqués par le comportement de ces voyous que le fut notre reporter judiciaire (stagiaire). Même si celui-ci a précédemment expliqué pourquoi les Français ne veulent pas d'un gouvernement honnête, il est honteux que les délinquants s’inspirent des déclarations de ministres présumés honnêtes pour échapper au courroux des citoyens et au bras vengeur de la justice. Où va notre société ?

D’ailleurs, notre président n’a-t-il pas promis de nettoyer les cités au kärcher ? Comme l’a fort bien dit MAM : Nous proposons que le savoir-faire qui est reconnu dans le monde entier de nos forces de sécurité permette de régler des situations sécuritaires de ce type  !

 

 Sources, références, documentation (en gros, toute la presse...) :

"La polémique, ça suffit ! J'ai répondu avec franchise et honnêteté à tout, je ne répondrai plus à rien", a notamment lancé à la tribune la ministre des Affaires étrangères. (Le post)

 “ Nous proposons que le savoir-faire qui est reconnu dans le monde entier de nos forces de sécurité permette de régler des situations sécuritaires de ce type. ”

 “ C'est la raison pour laquelle nous proposons aux deux pays [Algérie et Tunisie, ndlr], dans le cadre de nos coopérations, d'agir en ce sens pour que le droit de manifester puisse se faire en même temps que l'assurance de la sécurité. ”

 "Comme des millions de Français, je vais en Tunisie"

Pour Patrick Ollier, Aziz Miled est "une victime" du clan Ben Ali. "Certainement, il connaissait le président Ben Ali, mais il a construit sa fortune de ses propres mains" et a été "spolié" par les Trabelsi.

Cet ami "est un chef d'entreprise respecté en Tunisie", a renchéri Michèle Alliot-Marie. Son adjoint chargé des Affaires européennes, Laurent Wauquiez, a dénoncé une "campagne indigne d'acharnement" contre elle.

 "C'était à l'invitation de Aziz Miled, un ami depuis plusieurs années, qui est le propriétaire d'une compagnie aérienne appelée Nouvelair. Aziz Miled était dans l'avion et les a emmenés, avec ses parents et son conjoint"

 "Mais Aziz Miled n'est pas un membre du clan Ben Ali"

“ ne s'est produit qu'à la fin de mon séjour, c'est le souvenir que j'en ai ”(en parlant du suicide du Tunisien)

"Il s'est fait prendre par un membre de la famille Trabelsi 20% de ses parts dans la compagnie aérienne ainsi que la présidence de cette société"

 "M. Miled est d'autant moins un proche de Ben Ali que les nouvelles autorités tunisiennes, après le départ de ce dernier et de sa famille, lui ont restitué l'ensemble de ses parts ainsi que la présidence de Nouvelair"

"En aucun cas, il ne s'agissait d'une faveur du clan Ben Ali"

 "Quand je suis ministre, je suis ministre. Quand je suis en vacances, j'ai le droit d'avoir des amis. L'un d'entre eux a effectivement une compagnie aérienne.

 Pas par la route, qui est “ un peu sinueuse et éprouvante ”, selon Le Canard, et peut-être aussi un peu trop longue pour ces deux vacanciers aux agendas de ministres (trois heures). Ils acceptent donc, comme un “ service ”

 ” “ J'ai payé mes vacances ”, affirme-t-elle, indignée que l'on puisse soupçonner le contraire. La facture de l'hôtel de Tabarka (propriété du généreux Aziz Miled), MAM ne se souvient plus à quel nom elle a été établie, fait-elle dire au Canard. Alliot ? Marie ? Ollier ? Mais, juré-craché, elle a été réglée.”

 “ Michèle Alliot-Marie s'est expliquée, elle a même fait son mea culpa, elle a dit qu'elle ne le referait pas. Je crois honnêtement que c'est un ultra-épiphénomène au regard de la situation au Moyen-Orient qui nous préoccupe beaucoup plus" ” (M. Baroin, rapporté par L'Express)

"C'est un sujet qui est déjà derrière nous. Ça montre qu'elle n'est pas droit dans ses bottes, elle a fait un mea culpa, et voila, l'affaire est close", a-t-il ajouté.

 "Ce n'est pas du matériel de guerre, c'est du matériel de maintien de l'ordre. Le processus était normal, il n'y a rien de choquant à cela"

« Le 28 janvier dernier, Olivier Marleix, conseiller général et maire d’Anet, en Eure-et-Loir, et conseiller technique de Nicolas Sarkozy, est flashé à 119 km/h sur une route, près d’Abondant. Un secteur routier limité à 70 km/h.(...) se trouve alors au volant d’une voiture appartenant au parc automobile de l’Elysée. (…) Et le vice-président du conseiller général reprend sa route… sans PV. (…) Tout en ajoutant : "J'essaie de respecter les limitations de vitesse, il m'arrive d'être arrêté et verbalisé, comme tout un chacun il ne reste plus que sept ou huit points sur mon permis". (Le Post)

Partager cet article
Repost0
21 janvier 2011 5 21 /01 /janvier /2011 22:58

 

 Une pétition en faveur de la suppression des notes à l’école a récemment fait les beaux jours des médias, et fut souvent suivie de débats passionnés ; mais il est une note peu connue, bizarre et entourée de mystère : la note de participation.

Déjà, son existence même est une énigme : pas facile de trouver des explications officielles à son sujet sur les sites du Ministère. Certains vont plus loin et affirment qu’elle n’existe plus dans les établissements scolaires ; or, mon expérience actuelle de parent m’a prouvé le contraire.

Cette note est manifestement ensorcelante, voire maléfique, car elle possède l’étrange faculté de diviser le monde des enseignants en deux groupes opposés.

D’une part les professeurs de langue vivante, qui veulent de la participation, de l’oral, de la spontanéité, toujours plus d’oral, du moins pour ceux qui croient les nouveaux dogmes pédagogiques – car les plus prudents se rappellent l’aventure des maths modernes et de la méthode globale pour apprendre à lire. Ceux-là continuent d’utiliser les manuels et les dialogues préétablis type « This is the kitchen », associés à une dose d’oral judicieusement calculée selon la forme du moment et l’humeur générale de la classe... tandis que leurs collègues veulent que les langues étrangères surgissent quasi-spontanément dans la bouche des élèves : « participez : racontez votre weekend ! » Mais comment expliquer qu’on a fait de l’auto-tamponneuse quand on ne connaît pas le terme ?

Dans l’autre camp, on trouve quasiment tous les autres profs, qui donneraient père et mère pour que leurs élèves ne participent que lorsqu’on le leur demande, après avoir poliment levé la main et sollicité l’autorisation de parler, pour avoir une classe studieuse et silencieuse comme celle de notre bon Topaze...

D’ailleurs, ils se vengent des perturbateurs grâce à cette note  :
« Un élève qui bavarde beaucoup aura automatiquement moins de 10. »

Ils peuvent aussi par ce biais laisser s'exprimer des tendances sadiques latentes et méconnues en eux, en critiquant méchament les élèves après les avoir fortement incités à participer davantage :

- Hi, hi, hi ! (rire sardonique du professeur X ), ou encore : "Vous êtes nuls, vous ne parlez pas anglais, personne ne va vous comprendre comme ça..." (exemples réels, quoique il ne s'agisse pas d'anglais ni du professeur X ).

Cette étonnante note de participation possède donc aussi des vertus curatives pour les professeurs !

Bart Simpson devait nous apporter son témoignage, mais étant occupé à fixer un tourniquet d’arrosage de jardin sur le robinet d’eau froide des toilettes de son école, c’est notre Toto national qui va nous livrer son expérience de la participation scolaire, leurs personnalités étant d’ailleurs étonnamment proches :
c’est le premier jour d’école, la maîtresse explique à la classe comment lever la main pour demander l’autorisation de parler pendant le cours. Immédiatement, Toto lève la main.
- Oui, Toto, qu’y a-t-il ?
- Rien, M’dam’, je vérifiais juste le système.

Autre élément qui nous fait penser qu’il y a quelque maléfice sous roche : beaucoup de profs ne savent pas comment appliquer cette note. On pourrait croire qu’il ne s’agit que des affres inévitables des petits nouveaux : « Je me demande comment je vais m'y prendre pour mettre une note de participation cette année. Comment vous y prenez-vous ? Auriez-vous une grille qui pourrait peut-être me donner des idées ? Merci pour vos réponses. ».

Mais non, les professeurs expérimentés sont aussi tourmentés que les nouveaux par cette chose. D’ordinaire, c’est simple : copie juste - on a 20, tout faux - c’est le zéro ; c’est carré, net et impartial.
Là, rien de cette lumineuse clarté, celle qui a fait dire à Boileau « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement (...) », et sur les forums de profs, on sent à quel point ils sont perdus, car chacun y va de sa méthode personnelle.
Certains partent de 10 sur 20, puis ajoutent des points ou en retranchent selon le comportement positif ou anti-socail des élèves – on comprend à peu près. Mais d’autres appliquent une méthode qui montre bien qu’ils ont fait des études supérieures :
« A la fin du trimestre, le nombre de pointages devient le numérateur de la fraction et le nombre d’heures, le dénominateur. Certains ont par exemple 17/17, d’autres 0/17. Je n’intègre la note qu’avec un faible coefficient, et seulement si elle augmente la moyenne. »
Parfois, des éléments matériels sont ajoutés comme critère, par exemple si le crayon et la gomme sont bien rangés : « c’est-à-dire préparations à domicile réalisées, documents en ordre, matériel disponible demandé (...) »

On voit que le prof principal devra veiller à en préciser les modalités en début d'année :

- M'dam", si on a participé à un braquage, ça compte ?
- Seulement dans l'école...

Non content d’inquiéter les élèves, cette note maléfique culpabilise les profs : « J'ai honte mais ma note de participation est souvent faite à la dernière minute parce que je n'ai qu'1 ou 2 notes d'oral et elle est faite à la tête du client. »

« (ex : celui qui participe pas ou n'importe comment, qui bavarde...et qui a eu 18 en poésie et ben il aura une mauvaise note pour rééquilibrer la note d'oral !) Je sais c'est pas bien.

« Ma note de participation est aussi faite à la dernière minute (juste avant les bulletins) et basée sur mes souvenirs du trimestre, l'impression que m'a laissé chaque élève... J'ai cependant des critères précis : le volontarisme de l'élève , sa présence à l'oral / la pertinence de ses réponses (même si elles sont fausses, elles ont un rapport avec la question) / la clarté de son intervention (voix) / la correction du langage (phrases complètes, niveau de langage correct) / le respect des règles (lever la main...) et l'écoute, le fait de pouvoir rebondir sur ce qui a été dit. »

On salue l’artiste, dont la méthode est tout à la fois pifométrique ET basée sur des critères précis !

Enfin, malgré les angoisses et les soucis qu’elle a donnés aux profs, cette note de participation est tenue pour quantité négligeable durant les conseils de classe, la cinquième roue du carrosse (sur vingt), chacun connaissant pertinemment sa subjectivité - une note de seconde zone d’éducation prioritaire en somme. 

Soyons justes : malgré sa bizarrerie - la note étrange venue d’ailleurs - on peut aussi y voir la petite touche de poésie dans un monde qui ne jure que par l’évaluation et l’optimisation !

Partager cet article
Repost0
7 janvier 2011 5 07 /01 /janvier /2011 23:01

Il m’a paru intéressant de faire le point sur cette nouveauté scolaire (2005-2006) qu’un de mes enfants a expérimentée il y a peu. D’autant que France 2 vient d’en faire un reportage début janvier, assez mitigé, concluant que peu d’enfants trouvaient un stage en rapport avec leurs souhaits.

Personnellement, notre première impression en apprenant l’existence et les modalités de ce stage fut que c’était un grand n’importe quoi, opinion confirmée a posteriori !

Mais comme je suis un vieux grincheux, râleur, critique et négatif, donc subjectif, qui plus est un parent d’élève, donc un être protecteur ne comprenant rien à la pédagogie et à la nécessaire autonomisation de ses rejetons - c’est ce que pensent des parents bon nombre d’enseignants... - je suis allé faire un tour d’horizon des forums, où il n’a pas fallu longtemps pour trouver des échos de notre propre expérience :

« Mon fils est en classe de 3e et il doit trouver un stage en entreprise. Le problème, c’est que le collège n’aide pas. Si vous avez des idées, n’hésitez pas ! On ne sait pas très bien comment s’y prendre. »

« Mais cherche aussi dans tes relations, tes amis, voire ta propre boîte, pour ne pas qu'il se retrouve à faire un stage à la boulangerie ou au cybercafé du coin ! C'est ce qui arrive souvent... »

« Mais il faut effectivement être derrière eux et les aider à faire leur CV et leur lettre de motivation : je suis d'accord pour la légion d'honneur pour parents !!! »

« Et oui, c'est leur stage, c'est utile, c'est une bonne idée de l'éducation nationale, mais c'est encore sur nous parents que ça retombe ! »

« Bonsoir, Je suis en 3eme et je dois faire un stage seulement jai tjrs pas trouver,je pensai a l'INSEP , mais je ne sais pas si c'est possible , est-ce que, parmi vous il y en a qui en on fait un là ba ?? »

Forum Au coeur des écoles. De nombreux commentaires aussi sur Doctissimo , favorables comme critiques.

Certes, comme souvent, les mécontents s’expriment davantage que les satisfaits ; voyons donc les détails de plus près.

1. Tout d’abord, de quoi s’agit-il ?

« Une politique active de relations avec le monde de l'entreprise a été lancée au niveau ministériel afin que se développent des actions concrètes en faveur des élèves pour faciliter leur approche du monde économique. »

Pour les détails, ça se complique, car sur le site de l’EN on parle de 3 heures ou de modules de 6h hebdomadaires, alors que la télévision confirmait notre expérience de stages d’une semaine.

3h, 6h, 1 semaine, tantôt facultatif, tantôt obligatoire, allez y comprendre quelque chose ! Pour y voir plus clair, nous sommes allés lire le Bulletin officiel (BO) ainsi qu'Eduscol qui mentionne les textes de référence sur le sujet.

« Elle doit être proposée à tout élève à compter de la rentrée 2006. »
« La liste ci-dessous recense des propositions d’activités pédagogiques qui ne présentent aucun caractère obligatoire. Il revient à l’équipe pédagogique de concevoir et d’organiser, en fonction du contexte local et des centres d’intérêt des élèves, des activités favorisant l’acquisition des connaissances et compétences visées par l’option. »
« Comme tout enseignement, la découverte professionnelle donne lieu à une évaluation. Les résultats obtenus peuvent être pris en compte pour l’obtention du diplôme national du brevet, au même titre que les autres options facultatives. »

Tous ces textes sont assez embrouillés, mais, sauf ereur, Il en ressort qu'il y a deux types de stages : les stages d’observation (appelés séquences d’observation) et les stages réels, réservés aux formations en alternance et à l’enseignement professionnel.
Les modules hebdomadaires ne concernent que les classes justement appelées DP6 (découverte professionnelle 6 heures), préparatoires au lycée professionnel.
Ces deux types de stage sont très différents juridiquement, les premiers étant strictement limités à l’observation, les seconds bénéficiant d’un cadre juridique qui règlemente le travail des mineurs.
Cet article – de même que le reportage de France 2 – concerne seulement les stages ou séquences d’observation.
Les textes précisent bien « proposés » et « facultatif » – à notre avis les parents et les élèves sont libres de refuser ce stage.
La durée n’est pas déterminée : une semaine est le maximum, et l’équipe pédagogique a toute latitude pour définir les modalités, ce stage peut tout à fait être ramené à une demi-journée.

- Pour les stages réels :

"Les stages (d’initiation, stages d’application) ou les périodes de formation en milieu professionnel ne peuvent s’adresser qu’à des élèves qui suivent un enseignement alterné ou un enseignement professionnel. Les stages ne peuvent être proposés qu’à des élèves âgés de quatorze ans au moins, comme le précise l’article 8 du décret n° 96-465 du 29 mai 1996 relatif à l’organisation de la formation au collège. »


« Il importe que les établissements organisent un suivi des élèves en vérifiant que les tâches qui leur sont confiées sont bien conformes à ce qui est prévu par la convention et en veillant également à ce que les conditions dans lesquelles s’effectue leur contact avec le milieu professionnel ne mettent pas en cause leur sécurité. »
Plus facile à dire qu’à faire...

- Pour les stages d’observation :


« Leur durée ne doit pas excéder une semaine.
Elles ne peuvent être proposées aux élèves qu’à partir des classes de quatrième et de troisième, dans le cadre de la préparation de leur projet d’orientation.
Inscrites dans le projet d’établissement, elles peuvent s’adresser à tous les élèves d’une classe. Leur organisation est laissée à l’initiative des établissements.
En liaison avec les enseignements et les objectifs de formation de leur classe, les élèves peuvent, sous le contrôle des personnels responsables de leur encadrement en milieu professionnel, participer à des activités de l’entreprise ou de l’organisme d’accueil, à des essais ou des démonstrations sans toutefois accéder à quelque machine, produit ou appareil de production que ce soit, ni effectuer les travaux légers autorisés aux mineurs par le code du travail. »

Circulaire n° 2003-134 du 8 septembre 2003
 
2. En pratique :

Comme souvent, on a pondu en haut lieu des textes aux objectifs nobles et ambitieux, longuement précisés, sans réaliser que l’application sur le terrain relèverait du casse-tête chinois.

- Comment en surveiller la réalité ? On ne va pas demander à un observateur de quatorze ans de pointer comme un salarié, ni faire l’appel (le professeur n’étant pas sur place), ni vérifier ensuite la véracité du rapport de stage. A l’évidence, entre un enfant qui fera un stage très cool chez un pote de son père et celui qui ira consciencieusement matin et après-midi dans un grand magasin, le premier fera quelques courtes demi-journées quand l’autre se tapera une vraie semaine de travailleur. De toute façon, aucun dispositif n’est prévu pour contrôler le temps réel passé au stage ! C’est une rupture de l’égalité républicaine entre les élèves.

- Aucun transport scolaire n’est prévu ! Et pour cause : imaginez le casse-tête logistique pour déposer chaque enfant dans sa PME ou son entreprise... Impossible. Donc rupture du contrat tacite de transport scolaire, et transfert de cette charge sur les parents...

- Certains enfants ont réellement travaillé (manutention dans un grand magasin, participation dans un garage, shampooings dans un salon de coiffure), alors qu’ils sont censés n’être que des observateurs et ne sont pas couverts par la législation pour une participation active. Le dramatique accident récemment survenu lors d’un stage entrait probablement dans le cadre des stages réels, et on ne peut condamner tout un système sur la base d’un accident, aussi dramatique fût-il, mais cela montre au moins la nécessité de la prévention des accidents du travail et de l’encadrement juridique de ces activités, comme c’est prévu pour les stages réels :
« des situations pratiques et actives : visites d’information ou séquences d’observation en milieu professionnel dans les conditions définies par le décret n° 2003-812 relatif aux modalités d’accueil en milieu professionnel d’élèves mineurs de moins de seize ans ( B.O. n° 34 du 18 septembre 2003) »
(modalités d’accueil)

- Il s’agit apparemment d’une option (si l’on croit le Bulletin officiel, bien sûr !), alors que les établissements scolaires le présentent comme obligatoire, et ne prévoient aucun cours pour les élèves qui ne seraient pas intéressés.

- Un mystère demeure : que font les profs pendant que leurs élèves de troisième sont en stage ?

- Ces élèves n’ont pas de cours pendant une semaine – carence qui se rajoute aux séjours linguistiques avec des profs non remplacés, aux stages de formation professionnelle, aux arrêts maladie non remplacés et aux grèves. On nous rétorquera que c’est un cours sur la vie elle-même, sur la société ; certes, mais l’observation et/ou la participation au ramassage des objets tombés par terre dans un centre Leclerc ne mérite pas forcément une semaine de la vie d’un élève.

- Combien d’élèves de troisième savent ce qu’ils veulent faire plus tard – leur projet comme on dit en pédagol ? Et parmi ceux-ci, combien trouveront un stage en rapport ? Fort peu, c’était aussi la conclusion du reportage de France 2.
Bon courage aux parents d’une petite ville qui devront chercher un stage de concepteur en jeux vidéos, d’infographiste, de contrôleur aérien, de pilote de chasse, de vétérinaire de campagne, de moniteur de ski, de biologiste marin, de volcanologue ou d’archéologue :
« découvrir les métiers : le quotidien d'un pilote, d'un pâtissier, d'un webmestre, d'une infirmière, etc. »

Quant à courir toute la journée derrière une infirmière speedée ou un ambulancier...
« - qualitatif : de nombreux élèves ressentent des difficultés à trouver un stage, en dépit de l'appui de leurs professeurs, des équipes éducatives et de leurs familles. Cela est particulièrement vrai pour les élèves issus des milieux défavorisés ou victimes de discrimination. »

- C’est donc une véritable corvée pour les parents, qui doivent prospecter, solliciter les entreprises (le principal fournit une lettre d’introduction), expliquer la chose, puis faire signer une convention de stage au chef d’entreprise, et enfin la rapporter au secrétariat du collège avant le début stage. Après quoi il faut assurer toute la semaine le transport scolaire du domicile au lieu de stage – les parents malins auront donc tous cherché dans les entreprises les plus proches ! Le dernier qui se réveille risque d’avoir à transporter son gosse à travers champs à trente kilomètres.
Normalement, les parents échapperont au rapport de stage qui sera rédigé par les enfants. L’EN s’est bien gardée de demander un rapport de satisfaction aux parents...

"On a déjà cherché des stages à 15 entreprises du centre ville. Que 2 ont répondu qu'il ne prenait pas de stagiaire aussi jeune. Ceux qui ont trouvé dans sa classe vont chez des amis, famille, parents." (forum Doctissimo)

- Même pour les entreprises, il n’est pas forcément souhaité ni simple d’avoir des stagiaires d'un nouveau type, dont on devra s’occuper sans pouvoir lui confier une seule tâche ! Sans compter la peur qu'il touche aux machines. Chez les libéraux ou les PME, selon les circonstances professionnelles, il faudra par exemple demander l’autorisation à chaque client ou expliquer la présence d’un gamin de quatorze ans qui observe.

Je ne résiste pas à l'envie de citer ce message de invite_mas​sive, lu sur Doctissimo (lien plus haut) :

"Je suis un professionnel de l'informatique dans une entreprise et chaque année on me colle les "fils de" dans mes pattes. En me disant : "Tu sais, il adore l'informatique et il s’y connaît, il voudrait en faire son métier..." (Ah oui, ça sur msn il est plus fort que moi...) Et voila que je me tape pendant une semaine un collégien de 4e ou 3e 2 ou 3 fois dans l'année. Une semaine de productivité de perdue, mon travail qui n'avance pas et des heures à rallonge une fois qu'il est parti pour me mettre à jour.
En plus j'apprends que quelques profs de "mon stagiaire" profite de l'occasion pour partir au ski cette semaine avec les 5e et laisse les entreprises faire la nounou."


3. Vue d’ensemble : une usine à gaz ?

Soyons justes : à travers la France, il est probable que de nombreux élèves ont été satisfaits de leur stage (quelques exemples réels : dans une école maternelle, ou un salon de coiffure, un garage, un bureau, un cabinet vétérinaire, etc.) surtout si cela correspondait au milieu qu’ils souhaitaient découvrir. Mais systématiser le principe, le rendre obligatoire et l’étendre à une semaine, transforme ces stages en énorme machine : 

« - Quantitatif : chaque année, près de 11 000 établissements scolaires recherchent et gèrent des stages d'observation, d'initiation, d'application ou des périodes de formation pouvant aller jusqu'à 16 semaines par an, évaluées à l'examen pour certains niveaux. Les stages obligatoires concernent 815 000 élèves de troisième, 720 000 lycées professionnels et 115 000 étudiants en sections de technicien supérieur, soit environ 1 650 000 jeunes. Certains lycéens préparant un baccalauréat technologique sont également concernés. L'importance de ces nombres met en évidence la nécessité de renforcer et développer les liens, de l'Éducation nationale avec le monde économique »

Ainsi, un élève facétieux pourra écrire dans son rapport de stage : j’ai fait mon stage d’observation dans une usine à gaz !

Pour gérer ce bazar, on a créé des banques de stage dans chaque Académie, un peu comme les banques du sang, mais sans les sandwichs et les boissons :

« Les banques de stages font partie des mesures annoncées le 8 février 2008 par le président de la République en faveur des banlieues. Elles s'inscrivent dans le cadre de la mise en oeuvre du volet « Éducation nationale » de la dynamique « Espoir banlieues ». Après une phase d'expérimentation au cours de l'année 2008-2009, leur généralisation est une des priorités pour l'année 2009-2010. »

« 1) La banque de stages repose sur une application informatique qui permet :
- le dépôt d'offres par les acteurs du monde professionnel et de demandes de stage par les établissements ;
- la consultation de ces offres de stage par les différents acteurs engagés. »


L’informatique aplanit toutes les difficultés, c’est bien connu...

Par ailleurs, on lit souvent comme argument en faveur de ces stages qu'il est bon que les enfants connaissent la vie réelle, le monde du travail. Comme si l'éducation ne faisait pas partie de la vie réelle ! Mais admettons la critique : nos enfants ne vivent pas dans un monde clos, entouré d ebarbelés le sisolant du monde du travail ! Ils entendent leurs paretns parler boulot, ils voient des travailleurs tous les jours, à commencer par  leurs profs, la boulangerie, et quand ils montrent dans le bus scolaire, ils savent que le chaufeur ne s'est pas levé tôt pour son plaisir mais pour gagner sa croûte. Qu'apprendront-ils de plus en observant leur chauffeur une semaine ? D'autant qu'ils n'auront sûrement pas le droit de conduire le bus scolaire !

Et par la télévision, ils ont des notions de milliers de professions, de façon parfois très réaliste, quoique plus scénarisée et plus violente, mais quand même, les enfants de 14 ou 15 ans ont des idées assez précises du monde professionnel, si étendues en fait qu'on se demande ce qu'une semaine va leur apporter de plus - excepté s'ils trouvent dans la branche qui les intéresse a priori, ce qui est malheureusement  rare.

 

En conclusion

Il y a deux types de stage, les stages réels pour les classes en alternance (préparatoires aux lycées professionnels) et les stages d’observation dont la durée est d’une semaine maximum, les modalités étant largement laissées à l’appréciation du principal. Aucun travail ne doit être effectué durant les stages d’observation (comme leur nom l’indique !), les autres stages étant régis par le code du travail des mineurs, différence qui ne semble pas avoir été toujours respectée.

Selon le BO, ces stages n’ont rien d’obligatoire – ils peuvent donc être refusés par les parents ou élèves qui ne seraient pas satisfaits de leurs modalités. Comme le dit le récent et inattendu succès de librairie de Stéphane Hessel « Indignez-vous ! », du moins si tel est le cas.

Instaurer un premier contact entre l’école et le monde du travail n’a rien de choquant en soi, même si on peut contester la jeunesse des stagiaires, mais remarquons que depuis peu c’est le monde du travail qui ne veut plus des jeunes ! Selon le Monde du 1/01/11 et le Canard du 5/01/11, Nadine Morano vient de supprimer les aides aux entreprises pour les contrats en alternance et les autres contrats d’apprentissage... au motif que les patrons veulent moins d’apprentis en 2011.

Même le reportage de France 2 s’est fait l’écho de ces critiques, c’est dire à quel point ces séquences d’observation sont une grande pagaille, voire une véritable corvée pour les parents qui doivent démarcher les entreprises (ce qui peut être ressenti comme humiliant) et assurer le transport scolaire.

Aucun contrôle n’est prévu, certains élèves faisant le stage chez des potes de leurs parents, pas sûr qu’ils y passent toute la semaine comme les autres...

Et surtout, critique principale, les élèves ne trouveront que rarement un stage correspondant à la profession qu’ils envisagent, l’utilité du stage en devient dès lors très discutable.

Mais ne soyons pas négatifs et faisons une proposition pour garder l’esprit de la loi qui a instauré ce contact avec le monde du travail, tout en évitant les incohérences actuelles : il nous semble suffisant et plus simple d’organiser quelques demi-journées de visite, par petits groupes et dans divers domaines professionnels (un peu comme le fait l’école primaire), chaque élève pouvant choisir une ou plusieurs de ces  visites, selon son projet personnel.

On parle souvent de la simplification administrative - appliquons-la aussi à l’école !

Partager cet article
Repost0
20 novembre 2010 6 20 /11 /novembre /2010 15:45

 

 

Vous trouvez ça absurde ? Alors c’est que, comme votre serviteur, vous avez été éduqué selon des méthodes ringardes - par des enseignants qui ignoraient les avancées les plus remarquables de cette science (?) qu’on appelle la pédagogie.


Comme moi, vous avez dû apprendre qu’il y avait les unités, les dizaines, les centaines, les milliers, les dizaines de milliers, les centaines de milliers, les millions, etc.
Tout ça est dépassé ! De nos jours, par exemple, et même depuis des années, le nombre 365 appartient à la classe des unités. Étonnant, non ?

Cette classe des unités est suivie par la classe des milliers, comme indiqué sur le 2e tableau de ce site de mathématiques.

En fait, cette présentation systématisée, destinée à expliquer les grands nombres aux petits (CE2, CM1) est très logique, mais une certaine confusion est possible. Celle-ci est sémantique, pas mathématique, et vient de l’usage d’un même mot « unité » pour les unités, mais aussi pour la classe des unités, et encore après pour les unités des milliers – que je connaissais plus simplement comme "les milliers" !

A noter qu’il est beaucoup plus facile d’expliquer les petits nombres aux grands que les grands nombres aux petits !

Mais pour éviter toute ambigüité, certains ont eu une idée lumineuse : changer le nom des unités (les vraies) et les appeler « les unités simples » – compliquer le nom des unités pour simplifier, il fallait y penser !
Ainsi, comme dans l’exemple de ce site, le nombre 2 325 081 se compose de :
1 unité simple, 8 dizaines, 0 centaines, 5 unités de milliers, 2 dizaines de milliers, 3 centaines de milliers, 2 unités de millions.

 À ceux qui penseraient qu’il s’agit là d’une galéjade, d’un « hoax » comme Internet en pond chaque semaine, je donne aussi des références papier, à l’ancienne : Mathématiques CM2, éditions Hachette.

L’école Montessori semble néanmoins se méfier de la confusion et garder le vocabulaire classique :
« On écrit les unités en vert, les dizaines en bleu, les centaines en rouge et les milliers en vert de nouveau (parce que les milliers sont en réalité les unités de milliers, suivis par des dizaines de milliers, etc...) »

Ainsi, alors que la pédagogie traditionnelle va du simple au compliqué, aujourd’hui nos chers petits commencent par une explication complexe, ambigüe ou confuse (mais logique) ; puis, s’ils réussissent à comprendre cette présentation des grands nombres, ils se hisseront dans les classes où ce vocabulaire ambigu sera alors abandonné, où on leur enseignera la simplicité et l’épure.

A moins que ce soit une astuce : après tout, la France est réputée avoir un système quelque peu obsédé par la notation au demi-point et très sélectif.

Il est possible que cette façon de présenter les nombres au primaire existe depuis très longtemps. En tout cas, je peux témoigner que ce vocabulaire « classe des unités » a nécessité que je le ré-explique à ma fille, pourtant très à l’aise avec les maths.

Les questions que je me pose : est-on sûrs que cette présentation des grands nombres en « classes » est un progrès pédagogique sur la simple énumération des unités, dizaines, centaines, milliers, etc. ? A-t-on prouvé qu’elle permet une meilleure compréhension ?
 
2. Puisque c’est la rentrée scolaire, une autre remarque sur l’enseignement : après quelques années d’essais dans des établissements pilotes, le travail des langues étrangères en groupes de niveau a été généralisé.

Amateurs de simplicité, vous imaginez comme moi qu’on va répartir, par exemple, toutes les premières qui font allemand en niveau 1 et niveau 2, ou encore en niveaux A1, A2, B1 de la classification du CECRL  ?

Trop simple ! Selon les directives officielles, les élèves ne seront pas regroupés par groupe de niveau mais par groupe de compétence. Quézaco ?

Eh bien, dans une langue étrangère, presque tout le monde (sauf circonstances particulières) est plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral, et en compréhension plutôt qu’en expression active, en écoutant plutôt qu’en parlant.

Mais évaluer les compétences spécifiques de chaque élève - écrit / oral, compréhension / production, - puis les regrouper selon ces critères pourrait aboutir à des tas de groupes différents, formant un véritable casse-tête chinois (ou anglais, ou allemand, etc.), qui augmenterait inéluctablement la consommation d’aspirine des proviseurs et de leurs adjoints...
 
Il y a fort à parier que le malheureux responsable d’établissement va craquer devant son logiciel de gestion des emplois du temps, et conclure que, finalement, niveau ou compétences on s’en fout, on fera un niveau un et un niveau deux... et basta !
Partager cet article
Repost0
20 novembre 2010 6 20 /11 /novembre /2010 15:40

En voilà une drôle de question : ils sont interdits ! Imaginez qu’on se demande, par exemple : « Les cambriolages, pour ou contre ? »... Ça ferait jaser.
(Le Code pénal français punit les actes de bizutage de six mois de prison et 7 500 euros d’amende.)


Définition

Le bizutage est un ensemble de pratiques ou d’épreuves plus ou moins ritualisées, destinées à symboliser l’intégration d’une personne au sein d’un groupe social particulier : étudiants, militaires, professionnels, etc. - oui, j’ai plagié la définition de Wiki, je ne peux pas en inventer une différente ! Et leur article est fort bien fait.

En France, sa définition est autre :

« Le fait pour une personne, d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations, ou de réunions liées aux milieux scolaires et socio-éducatif. »
(article 14 de la loi du 17 juin 1998, à l’époque de la ministre Ségolène Royal)

La différence entre les deux définitions se trouve en toutes lettres dans la loi : l’humiliation. On y reviendra (et y revenir c’est du masochisme !)

Quant à savoir pourquoi je me permets de débattre d’une action réprimée par le code pénal, c’est parce que les bizutages existent toujours ça et là, mais sous un autre nom : les week-ends d’intégration (WEI, prononcer oueille), notamment dans les grandes écoles et apparentées.

Pourquoi les bizutages existent-ils ?

Selon Wiki, certains voient le bizutage comme une régression animale, d’autres comme un moyen d’établir une hiérarchie, une épreuve soudant un groupe ou un rituel de passage.

Pourquoi nier notre animalité profonde ? C’est bien l’explication anthropologique comme un rite de passage qui a ma préférence.

Les sociétés primitives, maîtres en matière de rituels structurants, en ont eu de nombreux qui marquaient chaque étape de la vie, aussi bien masculine que féminine (notamment les règles, le mariage, la maternité). La composante religieuse est variable (cf. la communion). Et ces rituels sont très variables selon les sociétés.
En outre, il est probable qu’une société guerrière ou un milieu naturel hostile aboutissent à des rituels très physiques. D’où la persistance de cette composante dans les bizutages militaires, chez qui l’endurance et la tolérance à la souffrance sont des qualités utiles.

D’ailleurs, un passage de Platon rappelle fortement la sélection et l’entraînement des commandos !

« Une scholie du passage de Platon insiste avant tout sur l’aspect éprouvant et solitaire de l’épreuve :
« On envoyait un jeune hors de la ville, avec consigne de ne pas être vu pendant tel laps de temps. Il était donc forcé de vivre en parcourant les montagnes, en ne dormant que d’un œil, afin de ne pas être pris, sans avoir recours à des serviteurs ni emporter de provisions. C’était aussi une autre forme d’exercice pour la guerre, car on envoyait chaque jeune homme nu, en lui enjoignant d’errer toute une année à l’extérieur, et de se nourrir à l’aide de rapines et d’expédients semblables, cela de manière à n’être visible pour personne. C’est pourquoi on l’appelait kryptie : car on châtiait ceux qui avaient été vus quelque part[13]. »
(Wiki)
L’armée russe a depuis des décennies un problème endémique avec le bizutage, comme on le voit avec cette affaire horrible en 2006 (âmes sensibles s’abstenir). ( La Libre Belgique)

Mais ces rites n’étaient pas faits que d’endurance, c’était aussi un apprentissage très utile à la survie du peuple concerné.
c’est bien raconté, par exemple, au début du roman « Racines » : avant que l’ancêtre du journaliste soit enlevé jeune adolescent par des marchands d’esclaves, on vient le chercher la nuit pour le conduire dans la brousse en un lieu forcément secret, où après quelques situations d’intimidation (obscurité, masques) l’initiation si redoutée consiste surtout à apprendre quelques notions de lutte et de chasse.
 Les rituels aujourd’hui

Venons-en donc au monde moderne : il est devenu difficile à Paris d’envoyer un jeune adolescent s’emparer d’une plume d’aigle, ou de le faire courir jour et nuit avec une gorgée d’eau dans la bouche avec obligation de la ramener intacte (trop de circulation dans les rues), et si on le suspend des heures par des crochets fixés sous la peau de la poitrine (la fameuse danse du soleil des Indiens des plaines), il va porter plainte pour maltraitance.
Bref, le monde moderne s’est adapté et diversifié, et on inclut dans les rituels toutes les cérémonies officielles comme la remise des diplômes, ou même les prises de risque que les ados se croient obligés de faire.

Mais le débat porte en fait sur les WEI, plus que sur l’entrée en 6e

Un intéressant article sur le site Éducobs, intitulé « Grandes écoles, grandes beuveries ! »
rappelle en effet que ces bizutages peuvent conduire à des excès : bagarres, comas éthyliques, possible viol (une affaire pas encore jugée) et remarque un fait nouveau :
« (...) l’industrialisation du phénomène  : des société spécialisées se sont créées pour exploiter le filon. Elles livrent, clés en main, des séjours résidentiels avec fourniture tout à la fois d’alcool en grande quantité et de vigiles pour encadrer les débordements, façon habile de gagner de l’argent sur deux tableaux. »

Il n’est pas précisé si un physionomiste refoule à l’entrée les voyeurs, les incrustes et les pervers :
« Non, pas vous, vous avez déjà été bizuté l’an dernier... ».

L’homme est un animal social, et nous avons besoin de nous sentir intégrés, que ce soit dans une société ou dans un groupe. Sauf exception, peu d’entre nous supporteraient des années une grande solitude, perchés sur l’ermitage du père de Foucault, en plein Sahara et sans connexion Internet. L’intégration apporte la reconnaissance d’un statut, la chaleur et la solidarité du groupe, et, pour les grandes écoles, un réseau très performant et très utile à la carrière professionnelle.
Inversement, le refus du bizutage peut aboutir à des difficultés durant la scolarité, des brimades, une exclusion du réseau social comme si l’individu était tatoué « mouton noir », marqué à vie même s’il obtient son diplôme. Il a d’ailleurs fallu une grande force de caractère aux quelques étudiants qui se sont individuellement opposés au bizutage.

Pourquoi les grandes écoles plus que les facultés ?

L’entrée facile en fac, le grand nombre et l’éparpillement des filières et des locaux font que l’impression d’intégrer un corps n’existe pas, d’autant que l’échec est possible, et même à un fort pourcentage dans certaines filières.
De même, il n’y a pas de bizutage à l’entrée des prépas, parce qu’on est encore nulle part, même si n’y va pas qui veut !
(Nota : un lecteur me signale que je fais erreur sur les prépas ; disons que c'est peut-être moins fréquent. En la matière, il est difficile d'obtenir de la direction des établissements des statistiques sur leur taux de bizutage !)

Inversement, dans les grandes écoles ou équivalent, le nombre d’admis est faible, et une fois le concours d’entrée réussi, l’échec est très rare.
En médecine, pharmacie, dentaire et apparentés, les conditions sont réunies, concours, groupe (peut-être trop important ?) pourtant c’est assez variable, ça se résumait parfois à des manifestations bon enfant dans les lieux publics, ou du folklore carabin ; problèmes pratiques d’organisations, de temps ? Autrefois, ces rituels étaient surtout présents au 2e concours, encore plus sélectif, l’internat des villes universitaires.

Différences entre bizutages et rites de passage. Pourquoi y a-t-il des dérapages ?

Les différences tiennent en quelques mots : humiliation, faible codification, jeunesse des organisateurs, absence d’apprentissage.
Finalement, le bizutage est un rite de passage mal organisé !

Ce sont ces différences qui rendent possibles les dérapages, aussi bien jadis dans les bizutages qu’aujourd’hui dans les WEI. Voyons ces différents points l’un après l’autre.

1. Humilation et procédés dégradants

Les qualités physiques ont été remplacées par l’humiliation et les situations dégradantes, comme une anticipation des petits chefs que le jeune adulte aura à supporter tout au long de sa carrière professionnelle !
Mais il s’y ajoute aussi des épreuves à connotations sexuelles et une fréquente alcoolisation - actes plus ou moins facilement acceptés (l’alcool semble facilement accepté !). Cela peut même être l’occasion pour la victime de manifester quelques attitudes exhibitionnistes.

En somme, les bizutages semblent favoriser la libération de pulsions profondes.
 
La composante sadomaso est inscrite en nous, mammifères omnivores vivant en meute – euh, je veux dire en tribus et quartiers. La chasse et la lutte pour la vie ont toujours nécessité force et courage, donc agressivité, et tolérance à la souffrance, donc masochisme ; même l’amour et le sexe en ont leur part, comme le montrent bien les parades et les combats des mâles.
Tout le monde connaît le pouvoir désinhibiteur de l’alcool, et si on y rajoute une situation qui favorise des comportements habituellement réprouvés, le vernis de civilisation et de morale craque, car les personnalités où ces traits de caractère sont plus marqués peuvent soudain s’exprimer plus librement lorsqu’elles se retrouvent en situation d’autorité (personnalités limites, ou « borderline »).

Même phénomène finalement que lorsque des chefs de guerre sadiques se livrent à des massacres sans objet durant les guerres. D’ailleurs, la solidarité des anciens soldats, fondée sur le souvenir des épreuves partagées, rappelle celle des camarades d’école qui ont vécu la même humiliation durant les bizutages : on l’a fait (ou plutôt subi), pourquoi pas eux ?

Voici ce qu’en disait la neurobiologiste Rita Levi Montalcini, prix Nobel de médecine 1986 :

"Beaucoup de gens ignorent que notre cerveau est constitué de deux cerveaux.
Le premier, archaïque, constitué par le système limbique, n’a pratiquement pas évolué depuis trois millions d’années. Celui de l’Homo sapiens ne se différencie guère de celui des mammifères inférieurs. C’est un cerveau petit mais qui possède une puissance extraordinaire. Il contrôle tout ce qui se passe en matière d’émotions. Il a sauvé l’australopithèque quand celui-ci est descendu des arbres, lui permettant de faire face à la férocité du milieu et de ses agresseurs.
L’autre cerveau, beaucoup plus récent, est celui des fonctions cognitives. Il est né avec le langage et, au cours des 150 000 dernières années, il s’est développé de manière extraordinaire, en particulier grâce à la culture. Il se trouve dans le néocortex.
Malheureusement, une bonne part de notre comportement est encore gouvernée par notre cerveau archaïque. Toutes les grandes tragédies – la Shoah, les guerres, le nazisme, le racisme – sont dues à la primauté de la composante émotive sur la composante cognitive. Or le cerveau archaïque est tellement habile qu’il nous porte à croire que tout est contrôlé par notre pensée, alors que ça ne se passe pas du tout ainsi."
(Interview réalisée par Paolo Giordano. Courrier International 963 du 16 au 22 avril 2009.) Ou ici.

2. Faible codification

Les bizutages étaient très variables selon les écoles et leurs traditions passées, mais, en gros, plus la tradition était solide, plus elle était reproductible. Cela pouvait aller d’une simple parade dans les rues, plus ou moins déguisés (dans les professions de santé), à des traditions de servitude envers les anciens durant des mois ; et aujourd’hui les WEI avec « open bars » où les activités sont très variables.

3. Jeunesse des organisateurs

Les bizutages étaient organisés par de jeunes anciens ou des dernières années, tandis que les rites de passage primitifs l’étaient par des adultes expérimentés qui suivaient strictement les traditions, avec parfois la participation de chefs ou de sorciers.
Comme signalé dans l’article d’Éducobs, il semble que la pratique des WEI ait amené un changement notable sur ce point, car ils sont de plus en plus confiés à des sociétés organisatrices d’évènements, qui ont l’avantage de connaître des locaux adaptés et de savoir gérer des weekends pour cadres pas assez dynamiques.

4. Absence d’apprentissage

Les rites de passage étaient aussi le moment d’un apprentissage social, par exemple les tabous associés aux règles, au couple, à la maternité, ou, pour les jeunes hommes, l’apprentissage de la chasse et du combat. Que ceux qui ont appris quelque chose durant leur bizutage (autre que dégrafer un soutien-gorge avec les dents ou étaler de la peinture sur un bout de chair) envoient leur témoignage au Ministère de l’Education nationale !

 Les « victimes » consentantes, celles qui doivent subir bizutage ou WEI, sont différentes les unes des autres, et nos sociétés sont moins homogènes qu’autrefois : ce qui pour quelqu’un est gênant mais faisable peut être pour une autre personne, de culture ou religion différente, un véritable traumatisme.
Il n’est donc pas facile de fixer la limite entre ce qui est acceptable et ce qui est un dérapage, même en tenant compte de la loi, qui ne donne de définition ni l’humiliation ni d’un acte dégradant.
 
Et demain ?
Pour les simples rituels, on peut envisager de les renforcer. D’ailleurs, cette tendance est déjà visible dans les écoles : petit discours, appel solennel des élèves et classes en rang lors de l’entrée en 6e, ou remise de dictionnaires en fin de CM2, bise du maire pour les filles, diplômes de secourisme, de circulation piétonne ou deux-roues, etc.

Malgré leur côté désuet et bien qu’ils puissent paraître ringards à des soixante-huitards ou des libertaires, ces rituels renforcent à la fois la cohésion sociale et l’autorité.

Le besoin de rituels est rappelé par le brillant psychiatre Cyrulnik  :

« Toutes les cultures ont inventé des rituels d’accueil et d’intégration. Il ne s’agit pas ici de bizutage et de rituels de nature sadiques. Or notre culture, durant deux générations, a ridiculisé ces rituels d’accueil. Et donc les adolescents s’inventent des épreuves bien plus cruelles que ce que la culture aurait pu leur proposer : des rituels de drogue, des rituels de contre-culture réels ou sous-terrains qui sont de très grande violence et qui n’intègrent pas les adolescents ou plutôt qui les intègrent dans des bandes contre-culturelles, contre-sociales. »

On pourrait imaginer qu’on revienne sur l’interdiction des bizutages, en y substituant une obligation de contrôle par un genre de « Comité des sages » chargé de veiller au grain, lequel pourrait même recruter un animateur extérieur. Ces « sages » pourraient être des anciens, des corpos, mais aussi des membres du corps professoral. Et comme les adultes sont de grands enfants, l’identité des membres du « Comité bizutage » pourrait être tenue secrète, une sorte de franc-maçonnerie du bizutage, avec réunions clandestines et tout le cérémonial adéquat. N’oublions pas que les rituels primitifs s’entouraient de secret et de mystère.
La perspective de devenir membre de ce comité pourrait devenir un jeu et un enjeu, une rivalité supplémentaire entre enseignants : quel professeur refuserait la perspective de faire un bisou sur la fesse d’un belle bizut, du moment qu’il serait masqué et anonyme ?
Inconvénient : gageons qu’en ces temps de principe de précaution, un tel comité aurait beaucoup de paperasse à faire, des protocoles de bizutage à signer, des rapports d’incident, des enquêtes de satisfaction et une traçabilité des séquelles psychologiques !

Bien que la prohibition de l’alcool ait jadis été un échec aux USA, et que l’alcool en France fasse infiniment plus de victimes que naguère les bizutages, il est peu probable que cette loi soit annulée.
L’avenir semble être les WEI, plus ou moins professionnalisés, plus ou moins en liaison avec les responsables d’établissements.

Conclusion

Selon la perspective anthropologique, les bizutages sont finalement des rites de passage mal organisés.
Bien que ces bizutages et WEI concernent souvent des hauts lieux de la pensée, ils paraissent fondés sur la partie animale de notre cerveau plus que sur notre cortex supérieur !
Un vernis de civilisation greffé sur une masse de pulsions primitives, un zeste de morale posé sur une cocotte-minute d’énergie primordiale ! Et à la moindre occasion, ça pète...
Les civilisations primitives ont su imaginer et gérer des rites de passage très variés, avec infiniment moins de dérapages que nous autres civilisés : peut-être faudrait-il tenir compte de leur expérience en la matière, avec une gestion par des adultes expérimentés, fêtards oui, mais sachant fixer des limites et contenir les situations humiliantes et dégradantes.

 Cette évolution semble d’ailleurs en cours avec l’organisation de certains WEI par des boîtes évènementielles. Locaux loués dans un hôtel avec piscine, vigiles à l’entrée, animateur branché, on sera certes très loin de certains bizutages de jadis, quand les aînés venant subrepticement infliger je ne sais quoi aux petits nouveaux, mais peut-être est-ce là le prix à payer pour faire perdurer ces rites de passage dont nous semblons avoir besoin.
Quoi qu’en dise Alceste ou les ermites, nous sommes un animal social.
Encore faut-il assumer cette part primitive de notre personnalité pour accepter ces rituels qui, s’ils disparaissaient, verraient la solidarité de groupe diminuer dans les réseaux sociaux.
Partager cet article
Repost0
2 novembre 2010 2 02 /11 /novembre /2010 23:23

Fini les bibliothèques, terme poussiéreux qui fleure bon son 19e siècle, "has been" les médiathèques, fussent-elles universitaires, voici venu le temps des "Learning Centers", les cathédrales européennes du savoir.


Annoncée au cœur de l’été par la Région Nord Pas-de-Calais, la multiplication des Learning Centers n’a peut-être pas eu la publicité qu’elle méritait.

La naissance en France de ce concept est difficile à dater, peut-être 2007 :

« Les Learning Centers, véritables bibliothèques du XXIème siècle, sont des outils permettant l’accès, la maîtrise de savoirs thématiques et leur diffusion.
A l’initiative du Conseil régional, un réseau de Learning Centers se met en place. Inscrit au Contrat de projets État-Région 2007-2013 et au Schéma régional des formations, ce réseau accompagnera, selon les orientations de la stratégie de Lisbonne, la transition vers une société et une économie fondée sur la connaissance. »

Je dois avouer que cette info me file un coup de vieux, car moi qui n’ai connu qu’une digne et antique bibliothèque universitaire lambrissée, aux parquets grinçants et aux lumières faiblardes (ainsi que tout de même une autre plus moderne et moquettée, soyons honnête), je me sens vieilli et dépassé devant ces descriptions futuristes, dont le sens m’échappe parfois totalement, comme dans ce passage :

« Les Learning Centers, qu’ils soient d’initiative régionale ou universitaires, devront revêtir une unité de fonctionnement dans le cadre des cheminements d’apprentissage de chacun ainsi qu’une unité d’aménagement visuel. »

A mon époque, le « cheminement d’apprentissage », c’était l’escalier, et « l’unité d’aménagement visuel » - une table (lunettes en option).
Quoique à la réflexion, cela semble indiquer qu’ils fonctionneront tous sur le même principe qu’ils auront tous grosso modo le même plan et le même aspect - c’est vrai que payer à chaque fois un architecte...

 Curieusement, le principe de ces Learning Centers ressemble à celui la médiathèque de ma ville (on prend un livre ou un document audio ou vidéo, et on bosse)... Il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour dire que quelqu’un a volé un concept déjà fort ancien, remontant au moins à la célèbre bibliothèque d’Alexandrie, concept qui n’était protégé ni par un brevet ni par la loi Hadopi – toujours cette distraction des savants.

J’espère que le Conseil régional du Nord Pas-de-Calais n’a pas payé l’idée trop cher...

D’ailleurs, à bien y regarder de près, ça ne semble pas si novateur :
« Les Learning Centers seront constitués de différents espaces :
 * des espaces d’accueil et de convivialité,
 * des espaces de consultation donnant accès à une large documentation diversifiée, sous la forme de collection papier traditionnelle ou de fonds numérisés,
 * des espaces de travail modulable, individuel ou collectif. »

En gros donc, une salle commune avec des tables, quelques emplacements individuels plus ou moins séparés, un bureau d’accueil avec du personnel, et un hall avec des bancs ou des fauteuils, sans oublier la touche de modernité : un distributeur de malbouffe et de boissons chaudes.

Au risque de paraître grincheux ou vieux con, je dois dire que de mon temps c’était mieux équipé, car dans cette liste il manque les toilettes, lieu indispensable à de longues heures d’étude s’il en est.

Mais peut-être que l’apprentissage soutenu de l’anglais modifie la physiologie humaine, allez savoir... La science progresse si vite.

Gageons que sous la pression des vessies populaires, ils ne tarderont pas à corriger cette carence – sans même me remercier, je parie.
(Suis-je bête : c’est inclus dans les "espaces d’accueil et de convivialité" : dans les temples du savoir, on ne pisse que par euphémismes.)
 
Après cette pause-pipi, revenons au vif du sujet : c’est probablement par sa proximité avec le cœur de l’UE que la région Nord Pas-de-Calais est à la pointe de la modernité. D’ailleurs c’est précisé en toutes lettres : « selon les orientations de la stratégie de Lisbonne ».

Mais si leur naissance fut discrète, leur ambition est grande, et les Learning Centers pourront se décliner selon diverses modalités :
« (...) et prenant en compte son histoire fortement attachée aux valeurs sociales, la Région Nord Pas-de-Calais a décidé de mettre en place un « learning center » Faits religieux. Il permettra à chacun de connaître, de s’approprier ou d’approfondir ses connaissances relatives aux faits religieux dans une approche non-confessionnelle. »
Enfin de véritables Temples du savoir !

Nul ne s’étonnera que les nouveaux étudiants ne communiquent pas dans le même langage désuet que vous et moi, le français. Il y a fort à parier que les dialogues à voix basse qui demain bruisseront dans ces lieux d’étude seront à jamais incompréhensibles aux gens de ma génération.
Quelque chose comme ça, probablement :


— Ah non, l’entrée est réservée aux Learning Students. Pour les simples étudiants, c’est là-bas : l’ancienne bibliothèque à côté du vieil Algéco qui sert aux travaux dirigés.

— Mais, comment, euh... je veux dire : how can I.. ?

— Allez au Secretary Office, ils vous feront une New Student Card, avec un European Erasmus Stamp, et vous pourrez enter.

— Thuck you. (confusion sémantique navrante entre Thank et f..k, due à l’abus de séries télé américaines)

Une fois entré grâce à son nouveau sésame anglophone, l’étudiant lambda devra naturellement moderniser aussi son langage, peut-être en s’inspirant de Martine Aubry et de sa société du « Care », expression qui a eu le succès médiatique que l’on sait :

— Where are the écouteurs, please, Mister Bibliothé-Care ?

Bref, the Europe must go on !

Laissons la conclusion (provisoire espérons-le) à un bibliothécaire qui, sur son blog , ne manque pas d’humour :
"Un learning center, au fond, c’est une Bibliothèque universitaire moderne qui fonctionne bien."
Partager cet article
Repost0
18 septembre 2010 6 18 /09 /septembre /2010 21:51

Vous trouvez ça absurde ? Alors c’est que, comme votre serviteur, vous avez été éduqué selon des méthodes ringardes - par des enseignants qui ignoraient les avancées les plus remarquables de cette science (?) qu’on appelle la pédagogie.


Comme moi, vous avez dû apprendre qu’il y avait les unités, les dizaines, les centaines, les milliers, les dizaines de milliers, les centaines de milliers, les millions, etc.
Tout ça est dépassé ! De nos jours, par exemple, et même depuis des années, le nombre 365 appartient à la classe des unités. Étonnant, non ?

Cette classe des unités est suivie par la classe des milliers, comme indiqué sur le 2e tableau de ce site de mathématiques.

En fait, cette présentation systématisée, destinée à expliquer les grands nombres aux petits (CE2, CM1) est très logique, mais une certaine confusion est possible. Celle-ci est sémantique, pas mathématique, et vient de l’usage d’un même mot « unité » pour les unités, mais aussi pour la classe des unités, et encore après pour les unités des milliers – que je connaissais plus simplement comme "les milliers" !

A noter qu’il est beaucoup plus facile d’expliquer les petits nombres aux grands que les grands nombres aux petits !

Mais pour éviter toute ambigüité, certains ont eu une idée lumineuse : changer le nom des unités (les vraies) et les appeler « les unités simples » – compliquer le nom des unités pour simplifier, il fallait y penser !
Ainsi, comme dans l’exemple de ce site, le nombre 2 325 081 se compose de :
1 unité simple, 8 dizaines, 0 centaines, 5 unités de milliers, 2 dizaines de milliers, 3 centaines de milliers, 2 unités de millions.

 À ceux qui penseraient qu’il s’agit là d’une galéjade, d’un « hoax » comme Internet en pond chaque semaine, je donne aussi des références papier, à l’ancienne : Mathématiques CM2, éditions Hachette.

L’école Montessori semble néanmoins se méfier de la confusion et garder le vocabulaire classique :
« On écrit les unités en vert, les dizaines en bleu, les centaines en rouge et les milliers en vert de nouveau (parce que les milliers sont en réalité les unités de milliers, suivis par des dizaines de milliers, etc...) »

Ainsi, alors que la pédagogie traditionnelle va du simple au compliqué, aujourd’hui nos chers petits commencent par une explication complexe, ambigüe ou confuse (mais logique) ; puis, s’ils réussissent à comprendre cette présentation des grands nombres, ils se hisseront dans les classes où ce vocabulaire ambigu sera alors abandonné, où on leur enseignera la simplicité et l’épure.

A moins que ce soit une astuce : après tout, la France est réputée avoir un système quelque peu obsédé par la notation au demi-point et très sélectif.

Il est possible que cette façon de présenter les nombres au primaire existe depuis très longtemps. En tout cas, je peux témoigner que ce vocabulaire « classe des unités » a nécessité que je le ré-explique à ma fille, pourtant très à l’aise avec les maths.

Les questions que je me pose : est-on sûrs que cette présentation des grands nombres en « classes » est un progrès pédagogique sur la simple énumération des unités, dizaines, centaines, milliers, etc. ? A-t-on prouvé qu’elle permet une meilleure compréhension ?
 
2. Puisque c’est la rentrée scolaire, une autre remarque sur l’enseignement : après quelques années d’essais dans des établissements pilotes, le travail des langues étrangères en groupes de niveau a été généralisé.

Amateurs de simplicité, vous imaginez comme moi qu’on va répartir, par exemple, toutes les premières qui font allemand en niveau 1 et niveau 2, ou encore en niveaux A1, A2, B1 de la classification du CECRL  ?

Trop simple ! Selon les directives officielles, les élèves ne seront pas regroupés par groupe de niveau mais par groupe de compétence. Quézaco ?

Eh bien, dans une langue étrangère, presque tout le monde (sauf circonstances particulières) est plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral, et en compréhension plutôt qu’en expression active, en écoutant plutôt qu’en parlant.

Mais évaluer les compétences spécifiques de chaque élève - écrit / oral, compréhension / production, - puis les regrouper selon ces critères pourrait aboutir à des tas de groupes différents, formant un véritable casse-tête chinois (ou anglais, ou allemand, etc.), qui augmenterait inéluctablement la consommation d’aspirine des proviseurs et de leurs adjoints...
 
Il y a fort à parier que le malheureux responsable d’établissement va craquer devant son logiciel de gestion des emplois du temps, et conclure que, finalement, niveau ou compétences on s’en fout, on fera un niveau un et un niveau deux... et basta !
Partager cet article
Repost0
18 septembre 2010 6 18 /09 /septembre /2010 21:48

Bien qu’anecdotique et marginale, cette initiative d’un pasteur étasunien fanatique et de ses ouailles un peu cinglées a fait le tour du monde, au risque d’énerver les intégristes islamistes – des gens un peu soupe au lait, comme chacun sait, toujours prêts à lancer anathèmes, bombes ou fatwas, sur des écrivains ou des caricaturistes.

 

« Le commandant des forces américaines en Afghanistan, le général David Petraeus, a fait une publicité un peu surprenante à une initiative locale d’un pasteur de Floride, qui compte brûler des Corans pour célébrer le 11 septembre, samedi prochain. “C’est exactement le genre d’actes que les talibans utilisent et qui pourrait causer des problèmes importants, explique le général Petraeus dans une interview au Wall Street Journal. Cela pourrait mettre en danger nos troupes et tout notre effort”. » (blog Great America, de L.Millot)

Comment atténuer l’effet désastreux de cette initiative ?

Afin de montrer que les « spin doctors » francophones valent bien ceux des USA, nous avons fait plancher un groupe de réflexion (« think tank ») sur les possibilités pour le gouvernement américain de contrer cette mauvaise publicité internationale. Voici leurs propositions :

— Annoncer qu’on ne brûlera que du papier ! C’est le message qui est sacré, non le papier, l’encre et la reliure.

— On brûlera des Corans, mais avec quelques exemplaires de la Bible et de la Torah, par souci d’œcuménisme.

— Insister sur le fait qu’avant de les brûler, le pasteur a dû acheter des centaines de Corans, contribuant ainsi à l’expansion de l’islam aux USA.

- Prétexter que ces gens ont voulu s’instruire, qu’ils ont acheté de grandes quantités de Corans, mais que leur illettrisme les a empêchés d’y comprendre quoi que ce soit ; ils se sont simplement débarrassés de vieux livres dont ils n’avaient pas l’usage, ce qui est le droit de chacun.

- Leur flanquer une amende pour pollution atmosphérique et incinération sauvage.

— Dire qu’il ne s’agit que de SDF qui se réchauffent en brûlant de vieux bouquins, parmi lesquels se sont malencontreusement glissés quelques Corans - usés à force d’avoir été lus par des citoyens américains.

— On peut au contraire choisir une défense spectaculaire, et annoncer qu’on brûlera en même temps que les Corans un fondamentaliste chrétien et un journaliste de Fox News (vraisemblablement en effigie, si on ne trouve pas de martyr volontaire), selon la vielle tradition historique du Ku Klux Klan. Après tout, au pays du showbiz, autant transformer cet incident regrettable en grand show à l’américaine – qu’ils pourront vendre aux télévisions du monde entier.

— Promettre la réimpression de chaque exemplaire brûlé, et sa livraison gratuite par avion ou par drone en Afghanistan : dès qu’un opérateur de drone repère une école, hop ! il largue un Coran gratos. Une action pacifique chaque jour, ça les changera des assassinats ciblés.

Si après ça, les islamistes ultras ne sont pas apaisés, c’est à désespérer de ce monde de fous.
Nous espérons, par ces quelques suggestions, avoir contribué à l’axe atlantique tout en montrant que la vielle Europe en connaît autant sur la manipulation psychologique que la première puissance militaire.
PS : un internaute m'informe qu'il serait finalement envisagé de commuer l'autodafé en lapidation des Corans !
Partager cet article
Repost0
24 juillet 2010 6 24 /07 /juillet /2010 14:50

D’où sors-je une idée pareille, allez-vous me dire, offusqués. Pourtant, réfléchissons-y une minute : n’est-il pas étonnant que tant de scandales aient entraîné si peu d’enquêtes parlementaires, et à peine deux démissions bien tardives  ?

1. Les plus naïfs penseront que c’est le signe d’une démocratie exemplaire, où le seul scandale qui nous choque réellement est la pantalonnade footballistique des milliardaires en bleu.

En fait, non : les Français, anciens et nouveaux Francs réunis, sont des gars assez francs du collier, sans illusions, qui refusent l’hypocrisie de certains pays nordiques ou anglo-saxons, où l’on a pu voir un ministre poussé à la démission pour avoir payé un peu de chocolat avec sa carte professionnelle ! Ridicules, ces descendants de Vikings, n’est-ce pas, avec leur révérence envers le bien public et leur aspiration protestante à la pureté morale. Nous, ce serait plutôt les églises pleines de dorures, les troncs suisses bien remplis et les évêques bien nourris. Comment imaginer, chez nous, la publication des notes de frais des ministères ? Non : la France, révolution ou pas, sera toujours un peu Versailles et les fastes du roi-soleil (WC à l’étage et eau courante en plus), 40 cuisiniers au minimum à l’Élysée ; c’est peut-être pour ça qu’on s’entend si bien avec les dictateurs africains mégalomanes...

Le fossé européen n’est donc pas seulement linguistique entre langues romanes et germaniques - il est aussi entre les pays de la frime et ceux de l’austérité protestante. Assumons.

Cette lucidité, cette absence d’illusions sur notre propre moralité nous honore.

Peut-être avez-vous encore quelque doute sur ce raisonnement ? Pourtant, qui n’a rêvé un jour d’avoir des privilèges, petits et grands ? Qui n’a pas marchandé un petit rabais, comme NS et son cadeau immobilier de 300.000 €, que la justice a sagement refusé de qualifier de "prise illégale d’intérêt" ? Qui n’a pas légèrement enjolivé son CV comme Rachida Dati, qui n’a jamais rêvé de réussite financière, comme l’ex sous-ministre des sports, un peu empêtré dans son affairisme sportif ? Qui ne voudrait favoriser son fils en le faisant accéder à un poste sans rapport avec son diplôme et son cursus, comme NS et Roselyne Bachelot ? Qui n’a rêvé de rabattre son caquet au pape en tapant des textos devant lui, ce prétentieux qui pense connaître le numéro de portable du Très-haut ? Et qui ne s’est jamais senti étouffé par le carcan des conventions sociales, empêché de dire ses quatre vérités au voisin qui promène son fauve sans laisse ?

Qui ne voudrait être assez influent pour se faire offrir 12 000 euros de cigares par la nation, disposer de deux ou trois logements de fonction, d’un Falcon pour week-ends privés, de potes bling-blings ? Qui, enfin, ne voudrait vendre une forêt domaniale et un hippodrome national à un pote, à un prix dix fois inférieur au prix du marché, en s’affranchissant des lourdes procédures légales ? Faire plaisir à des potes - quoi de plus humain ?

Et les fameuses enveloppes de billets qui circulaient lorsque Mme Bettencourt recevait les politiciens amis, n’est-ce pas charmant, un nostalgique et doux rappel des billets que les grand-mères glissent à leurs petit-enfants lors des anniversaires ou des fêtes ? Qu’importe si la liasse s’est considérablement épaissie depuis l’âge tendre... il faut le cœur dur et froid d’un journaliste ou d’un juriste chicaneur pour y voir malice.

Car enfin, quand j’entends parler de paradis fiscaux, je ne sais pas pour vous, mais loin de me faire sursauter, la première image qui me vient à l’esprit, c’est une marina bordée de palmiers, dont les eaux forcément turquoises bercent mon magnifique yacht sur lequel le caviar est servi par des nanas en bikini, en string voire en mini-strings – ça doit bien exister quelque part ! Puéril, je sais, à peine digne d’un épisode de SAS, mais j’ai dit qu’on mettait cartes sur table, plus d’hypocrisie : les paradis fiscaux, ça fait rêver, non ?

Sincèrement, ce qui nous embête dans les paradis, fiscaux ou pas, c’est de ne pas y avoir accès ! C’est comme se voir refuser l’entrée d’un club privé... On ne se sent pas choqué mais honteux. Tout ce à quoi nous avons droit en guise de paradis, nous autres humbles citoyens, c’est l’enfer fiscal !

Toujours pas convaincus ?

Le permis de construire bidonné du secrétaire d’État Joyandet, pareil : on rêve tous de transformer un cabanon de la Côte d’Azur en superbe villa ! Et si on pouvait creuser la colline pour faire venir la mer devant la porte-fenêtre, on le ferait !

Et s’il faut pour cela décorer de la légion d’honneur le grand patron de l’évasion fiscale d’une famille richissime, c’est tout bénef, en plus y aura des petits fours.

Rappelez-vous l’affaire Frédéric Mitterrand : je dois confesser qu’une analyse un peu rapide m’avait fait dire ici même qu’il devait démissionner. Or, si le ministre de la culture fait encore profil bas, c’est à peine si on se souvient qu’il y a eu scandale ! Et puis, qui n’a eu un jour envie de se taper un ancien boxeur de quarante ans, quitte à faire du tourisme sexuel pour ça ? Euh, non... 40 balais, ce n’est peut-être pas un bon exemple. N’ergotons pas sur les questions d’âge des fantasmes des uns et des autres, nous avons enfin un ministre qui connaît et reconnait les tourments de la chair, les passions et les frustrations humaines. Bref : un spécialiste, un expert, un pro. Que demander de plus ? Gardons-le.

Et lorsqu’il ira en Thaïlande discuter des mesures à prendre contre le tourisme sexuel, chacun se dira : enfin un politicien qui sait de quoi il parle.

Il y a d’ailleurs une vieille tradition familiale en matière de pardon : déjà Mitterrand père envers René Bousquet. (Wikipedia)

Et bien avant cela, Papon avait été décoré par De Gaulle lui-même - il fallait bien mettre un terme à l’épuration d’après-guerre, et se tourner vers la reconstruction de la France.

Mais restons Français : évitons la vulgarité crasse des évangélistes américains qui confessent leurs fautes en direct. Pourquoi avoir honte de sa nature profonde ? Pourquoi d’ailleurs aller se confesser devant un type qui a toutes les chances d’être encore plus tourmenté ?

La nature elle-même nous a dotés d’un formidable outil pour oublier : la mémoire ! Les dernières avancées de la neuro-physiologie confirment ce que l’on pressentait et que l’aphorisme « une affaire chasse l’autre » résume bien : la mémoire ne retient pas bêtement tous les faits, mais les hiérarchise, les remanie, et souvent les oublie... Faute oubliée est déjà pardonnée !

De nos jours, seules les valeurs immorales sont cotées en bourse !

D’ailleurs, le sport, dont on va augmenter le nombre d’heures à l’école, confirme ce nouveau modèle offert à l’édification de la jeunesse : dopage, affairisme de la FIFA, corruption, triche - rien n’affecte notre amour du sport.

Le vrai modèle, c’est le fric et la gagne ! Peu importe la main de Henry, la tête de Zidane, la queue de... euh, non, je m’égare, la main de Dieu de Maradona et les multiples témoignages contre Armstrong. Mieux encore : le dopage de champions, à la limite ça pimente un peu l’après-midi – car il faut bien reconnaître que, parfois, un match sans un seul but, ou quatre heures à regarder à la télé des vélos qui serpentent entre quelques collines, c’est rasoir. 

Je l’affirme donc bien haut : nous voulons un gouvernement à notre image - hypocrite, cynique, menteur, corrupteur et corrompu, amateur de passe-droits, de prébendes, de privilèges, de valises de billets ; un gouvernement amoral et clanique vendant les services publics à la découpe, de gens normaux qui ont des fantasmes sexuels et osent les revendiquer à la télé. Les Français rêvent, sans se l’avouer, de l’Italie de Berlusconi !

Même la Bible le disait : « Pillez en paix, mes frères » avant qu’un puritain moraliste ne réécrive cette sage sentence en une vague formule « Allez en paix, mes frères ». Oui, mais aller où ? On ne dit pas « Va, mon fils », mais « Va acheter du pain ! ». Absurde, n’est-ce pas ? Manifestement, le message divin a été falsifié pour nous éloigner du chemin tordu, notre préféré, et nous faire suivre le droit chemin - contre-nature.

L’injustice des Grands, c’est le rêve des petits !

2. D’ailleurs, pour s’en convaincre, il suffit d’imaginer le contraire : un gouvernement proche de la perfection. 

Imaginez, par exemple, Jésus aux affaires sociales : trop généreux, il viderait les caisses de l’État et finirait en slip - ce qui lui est d’ailleurs déjà arrivé.

Ou Hercule comme ministre des sports. Oui, je sais que les Français penseraient d’abord à Pierre de Coubertin, mais la dérive nationaliste des JO et le dopage persistant ne plaident pas en sa faveur. Même de grands explorateurs comme Paul-Émile Victor ne font pas le poids devant la candidature d’Hercule, car Hercule, c’est carrément du demi-dieu ! On pourrait pinailler en soutenant que son ADN semi-divin est une forme de dopage – mais c’est du naturel, du dopage bio. Hercule, donc : quelle humiliation pour les adolescents boutonneux, malhabiles et malgracieux. Par souci de parité homme-femme, on pourrait envisager un ministère en alternance Hercule - Diane chasseresse, en espérant qu’ils sauront se tenir… Avantage annexe, ces deux-là n’auraient aucun problème de discipline !

Au commerce, j’hésite : je penche pour Christophe Colomb, qui a quand même réussi à fourguer une petite île à un roi en la faisant passer pour la Chine et ses richesses ! Certes, sa prise de possession musclée des territoires d’autrui n’est pas forcément la fierté de notre civilisation, mais quand vous aurez trouvé un génie du commerce qui soit également un saint homme, faites-moi signe.

Aux Affaires étrangères, je verrai bien Confucius : posé, poli, universel, et parfois obscur : l’idéal du diplomate.

Au ministère de l’Industrie, je ne vois personne d’autre que Thor : avec son terrible marteau brandi bien haut dans les négociations internationales, c’est pas lui qui se laisserait intimider par les Chinois ! Les délocalisations et les transferts de technologie, c’est pas son genre.

A la recherche : Marie Curie. A la défense, mmm... Gandhi… trop pacifique, Noé ? Avec son arche bricolée, ça nous rappellerait trop la débâcle de 1940. De Gaulle, peut-être ?

Au ministère de l’intérieur, Sherlock Holmes étant recalé comme cocaïnomane et Anglais, je verrai bien Hercule Poirot, et sa nomination serait bien vue de tous nos amis francophones.

Comme secrétaire d’État aux droits de la femme, qui d’autre que notre mère à tous, Ève ? Nous aurions enfin la réponse à une des plus grandes énigmes de l’histoire : Ève était-elle une belle femme, la bombe (ou le canon, c’est curieux ces métaphores guerrières), le corps parfait qu’ont représenté peintres et sculpteurs, ou une australopithèque quelque peu simiesque ?

Jules Ferry à l’Éducation nationale, ou alors notre bon Topaze, si pointilleux sur l’orthographe... Victor Hugo à la culture ? Il n’a jamais pratiqué le tourisme sexuel, lui, mais il semble avoir été porté sur les amours ancillaires et les partenaires multiples ; plutôt la Fontaine, fin connaisseur de l’âme humaine.

Ah ! Quel gouvernement d’élite, quel aréopage de brillants spécimens de l’Humanité !

Ce serait là un gouvernement de rêve, un digne représentant de la France aux yeux du monde. Mais nous, à les voir d’aussi près, nous serions éblouis ! Soir après soir, se voir infliger à la télé la preuve de notre propre médiocrité, ce serait un véritable enfer, une humiliation quotidienne ! De quoi provoquer une épidémie de suicides, une sorte de recombinaison génétique entre France Télécom et H1N1 !

Déjà dans l’enfance nous avons dû subir les remontrances de nos parents et de nos profs, des pères la morale en tout genre. Voilà qu’à peine indépendants, adultes et libres de crapuler à notre guise, des ministres parfaits rayonneraient à travers le fenestron : l’horreur absolue !

La nature humaine est ainsi faite que si on peut à la rigueur tolérer un homme ou une femme honnête dans un gouvernement, accepter que tout un gouvernement soit vertueux – ah, ça non, jamais !

Voilà pourquoi nous avons un quinquennat à visage humain : magouilleur, faible et pécheur, dans lequel on cherche en vain le moindre sens éthique...

Nicolas Sarkozy, croyant dynamiser le pays par l’ultralibéralisme, a finalement instauré en France un authentique front populaire, voire le véritable communisme : le gouvernement du peuple par le peuple !

Partager cet article
Repost0