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27 octobre 2009 2 27 /10 /octobre /2009 23:55

L’anglais s’est infiltré dans le carnet de santé des enfants.


A la page des vaccins, sous le très connu des papas et mamans « rougeole, oreillons, rubéole », qu’un laboratoire bien inspiré avait simplement appelé « ROR » (un autre s’appelant « Priorix »), on trouve maintenant, juste dessous, la mention « measles, mumps and rubella » !

Pourquoi ?

La première hypothèse, c’est par souci de clarté : en effet, imaginons qu’une maman soit saisie d’un terrible doute, hésite entre rougeole et jaunisse :
« Voyons.. la rougeole, c’est laquelle, la maladie qui rend la tête toute rouge, ou toute jaune ? »
Grâce à la précision de l’anglais, tout devient clair :
« Ah ! oui, bien sûr : ce sont les measles, donc c’est la tête toute rouge. »
 
Deuxième hypothèse, plus probable : ce serait une fois de plus à cause de l’UE.
Dans un premier temps, le laboratoire Sanofi-Pasteur MSD a débaptisé son vaccin francophone, le ROR, pour le rebaptiser MMR (measles, mumps and rubella).
 
L’explication probable du labo (je dis "probable", parce qu’il ne s’est pas donné la peine d’en fournir une explication, ni aux familles ni aux professionnels concernés…), c’est l’AMM européenne (autorisation de mise sur le marché).

Cette mesure radicale ne paraissait pourtant pas indispensable puisque le français est une des trois langues de travail de l’Europe (était ?)…
 
A moins qu’il ne se soit agi d’un hommage à Pasteur, le célèbre savant anglais ?
 
Doc en pdf sur la dénomination officielle du vaccin MMRvaxPro° (Commission de la transparence)

Ainsi, le premier pas a été fait au nom de l’UE, sous un prétexte technique.
On peut en rapprocher les noms de nombreux jouets (gun, supergun, mégagun, killer-gun, ou toy, destroy-toy, killer-toy, etc.), ainsi que l’étiquetage alimentaire en anglais que de puissants lobbys cherchent à imposer, pour éviter à la fois le multilinguisme et la transparence... Un joli coup double, qui a pour l’instant échoué.
Après quoi le deuxième pas est fait au nom du premier, ainsi de suite.

J’en vois déjà qui soupirent d’ennui et se disent "bof, une ligne en anglais dans le carnet de santé, et alors ? Pas de quoi en faire un fromage. Ce n’est qu’une broutille, sauf pour les paranos et les adeptes de la théorie du complot."
Pourtant, ne dit-on pas dans la langue de Shakespeare : "Chi va piano va sano e va lontano" ? Les randonneurs savent combien de chemin on peut faire en quelques heures par de simples petits pas.

En d’autres termes, ces avancées successives de l’anglais sont tout sauf des broutilles : elles préparent l’opinion à l’officialisation de l’anglais comme langue administrative de l’UE, voire comme deuxième langue nationale de la France.
 
À la vérité, de nombreux ministères travaillent déjà en anglais, sur des documents anglophones envoyés sans traduction par l’UE (Défense nationale, Finances), mais il ne faut pas le dire, c’est secret-défense ; selon le Canard enchaîné, une certaine ministre de l’Économie et des Finances annote en anglais les documents destinés à son équipe ...

Regardez par exemple la carte d’identité belge : ils ont carrément anticipé la dérive monolingue de l’UE, alors que rien ne les y obligeait : l’anglais n’est pas une de leurs trois langues nationales, et le français, qui, lui, est une de celles-ci, était déjà une des langues de travail de l’Union. Rien ne les obligeait donc à utiliser l’anglais sur leur carte d’identité, sinon leur reconnaissance de sa primauté dans l’UE.

Voyez la propagation du pire franglais chez Citroën, détaillée dans l’article de Denis Fainsilber sur Lesechos.fr (20 octobre 2009), et rapportée par l’Observatoire du plurilinguisme :

« Du côté des entreprises, des clients de choix en ce moment, certains concessionnaires ont reçu le titre de « business center », ce qui signifie en clair qu’ils devront, en liaison avec les « national account managers », suivre de près la « car policy » des sociétés de leur agglomération. Et gare aux distributeurs qui n’appliqueront pas les nouvelles normes commerciales : le siège se livre systématiquement au « mystery shopping », stratégie que l’on qualifie plus communément de « clients mystères », chargés de noter ce qu’ils voient. »

Ça vaut le coup de lire cet article, il y a plein d’autres exemples de ce jargon délirant ! Le général De Gaulle serait probablement consterné, lui qui a échappé à un attentat dans la célèbre DS, voire grâce à celle-ci et à son chauffeur.

2. L’anglais obligatoire à Sciences-Po
 
Cette dérive progressive n’a été possible qu’avec la complicité active de certains décideurs, au gouvernement, certes, mais aussi dans les établissements d’enseignement supérieur, complicité dont le dernier avatar est l’obligation de l’anglais à Sciences-Po.

Il y a seulement deux ans, un étudiant pouvait obtenir son diplôme en validant la langue vivante étrangère de son choix, au très bon niveau exigé par cette école supérieure très sélective (C1 du cadre commun, soit plus que « fluent »). Maintenant, malgré la présence de nombreuses langues dans ces établissements de Paris et de province, c’est anglais obligatoire, sinon, pas de diplôme...
« L’obtention du diplôme de Sciences Po est conditionnée, à partir de l’année universitaire 2009-2010, à la validation d’un niveau en anglais au moins équivalent au niveau C1 du cadre européen de référence des langues. 

- Ce niveau est validé en fin de cursus par certification externe en cours de validité ou par un examen interne. 

- L’apprentissage de l’anglais est réalisé par le biais d’enseignement en présentiel, d’enseignements en e-learning et, pour ceux qui souhaitent un complément d’encadrement, par des permanences de langue. »
(Doc en pdf)

Les langues (en général) à Sciences-Po
« 4/ L’anglais est—il obligatoire ?
L’anglais est obligatoire pour les élèves non-anglophones en premier cycle et en cycle du master. »

Et la justification de cette obligation :

« L’obtention du diplôme doit être conditionnée à une accréditation qui soit un standard mondialement lisible : il en va de la qualité de l’insertion professionnelle de nos diplômés, au coeur de notre mission. »

Il s’agit pourtant d’un établissement public français (doté d’un statut particulier, une fondation privée d’utilité publique, qui gère aussi l’Institut d’études politiques de Paris), ce qui n’a pas empêché cette mesure, probablement anticonstitutionnelle (mais qui songe à demander son avis au Conseil constitutionnel à ce sujet ?), et contraire à l’esprit européen.

« l’État lui alloue chaque année une subvention globale destinée à financer la masse salariale, les dépenses pédagogiques et les dépenses de fonctionnement et de maintenance ; les Conseils répartissent librement ces ressources entre les dépenses qui leur paraissent prioritaires ; »

Au fond, la France a déjà reconnu son déclassement comme ex-langue de travail de l’UE.
Pire : elle l’a favorisé !

Ainsi, malgré les protestations de quelques associations (DLF, AFrAV) et les actions en justice de quelques syndicats pour le droit de travailler en français en France (cela ne devrait-il pas être évident ?), l’UE et ses affidés aveugles acceptent sans broncher que l’anglais devienne la langue administrative de la nouvelle nomenklatura, celle qui place ses enfants dans les maternelles bilingues français-anglais, engage des nounous anglophones, passe ses fins de semaine à Londres ou « aux States », et multiplie les sections dites « européennes » dans les lycées, ou soutient l’enseignement des sciences et de l’histoire en anglais, la toute nouvelle aberration annoncée par notre président avec le « plan d’urgence des langues » !

Cette dérive de l’UE en matière de « multilinguisme » a lieu sans aucun débat parlementaire ni citoyen. L’idéal européen d’égalité des peuples s’est transformé en deux classes sociales, les native english, seigneurs et maîtres qui ont obtenu toutes les dérogations demandées (« opt-out »), et les autres.

Jouets, vaccins, étiquetage alimentaire, écoles primaires, secondaires, sections européennes, enseignement de matières en anglais (programmes EMILE), Erasmus mundus : pas à pas, tantôt par de petits pas (carnet de santé), tantôt par des pas de géants (Sciences-Po), l’UE poursuit sa marche linguistique vers le tout-anglais !

Certains croient encore à la sincérité de l’UE lorsqu’elle récite son mantra « multilinguisme ».
Laissons donc la parole à l’accusé : voici le tout récent site officiel européen sur la coopération.
On y trouve bien quelques documents en français et en espagnol, mais le site est monolingue anglophone.

On peut aussi consulter l’IDABC (Interoperable Delivery of European eGovernment Services to public Administrations, Businesses and Citizens), ancêtre du futur programme ISA (« Interoperability Solutions for European Public Administrations »), c’est-à-dire, « solutions d’interopérabilité pour les administrations publiques européennes »,
et la liste de ses projets.
Edifiant !
 

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commentaires

H
<br /> "Nia sanlibreto ne estas internacia, nur nacia. Kaj ĉiu uzado de angla lingvo kiel internacia ilo plifortigas ĝian pozicion."<br /> <br /> Ĝi estas nacia nune, sed kun la eŭropo,oni povus havi en la estonteco sanlibreton eŭropan. Tio estas fakto, ke tio plifortigos la pozicion de la angla. Sed, kiel mi diris, kiel fari en mondo kie la<br /> internacia komuniko estas grava, la esperanto ne estas sufiĉe disvastiĝa nune sed la angla ja.<br /> <br /> Kiel vi, mi ne volas la anglan kiel lingvon internacian pro multaj kialoj. Laŭ mi, oni devus diri ke la angla permesis la internacian komunikon ( ĉiu lingvo povas fari tion), sed oni devus diri,<br /> rediri, rerediri, ktp malgraŭ ĝiajn avantaĝojn, ĝi havas malavantaĝojn.<br /> <br /> <br />
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H
<br /> Por , tio ne estas problemo ke la sankajero estas tradukita en angla. Kompreneble, il devas esti skribita unue en franca. Tio estas kiel la uzadlibroj por iloj ( mp3,komputilo, DVDlegilo), kiuj<br /> havas tradukon en franca kaj angla.<br /> <br /> Kiel mi diris , mi ne volas esti en agoravokso. Kaj ĉi tie , kiel mi diris antaŭe, oni povos plibonigi viajn artiklojn, antaŭ la diskonigo en agoravokso<br /> <br /> Kore<br /> <br /> <br />
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K
<br /> Nia sanlibreto ne estas internacia, nur nacia. Kaj ĉiu uzado de angla lingvo kiel internacia ilo plifortigas ĝian pozicion.<br /> Por helpi min, por plibonigi kaj relegi miajn artikolojn, mi havas jam mian edzinon ! Mi ne volus ofendi ŝin !<br /> Agoravokso malŝatas al mi pro sia nova aspekto, kaj sia "moderation", sed esence, ĝi ne ŝangis : ĝiaj kvalitoj kaj malperfektaĵoj samas.<br /> <br /> <br />
H
<br /> Saluton, mi legis vian artiklon. Mi ne lasis komenton en agoravokso.<br /> <br /> Mi komprenis ne vere kial, vi ĝin skribis. Tio estas fakto ke ekzemple la angla estas grava en politikscienca universitato, ĉar ili devos paroli kun uloj de la cetera mondo. Kaj en la sankajero,<br /> tiu estas tradukita, sed estas la angla kiu estas skribita ete kaj ne la franca. Kore<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Saluton. Do, laŭ via opinio, vi aprobus la anglan tradukon de la tuta sanlibreto ?<br /> Persone, mi preferas diskuti ĉe AV, ĉar mia blogo estas ĉefe konservejo.<br /> Ĝis.<br /> <br /> <br />