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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 20:25

« Pour assurer la diffusion du 112 dans toute l’Europe, la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil ont déclaré le 11 février « Journée européenne du 112 ». »
La Commission veut une gestion multilingue des appels, mais sans préciser ce qu’elle entend par-là, refusant une nouvelle fois d’ouvrir le débat sur les difficultés linguistiques de l’Union.

 1. Les citoyens

Site Europa :
« Toutefois, un Européen sur quatre seulement sait que ce numéro existe dans les autres États membres et presque trois personnes sur dix ayant appelé le 112 dans d’autres pays se sont heurtées à un problème linguistique. Aujourd’hui, la Commission, le Parlement européen et le Conseil ont déclaré le 11 février « Journée européenne du 112 » afin de promouvoir le numéro d’appel unique et d’inciter les autorités nationales à le rendre plus multilingue. »

« 28 % des appelants se heurtent à des difficultés linguistiques lorsqu’ils forment le 112 durant leurs déplacements à l’étranger, alors que selon les informations fournies par 21 États membres, leurs centres d’appel 112 devraient être en mesure de gérer les appels du 112 en anglais (en allemand pour 12 États membres et en français pour 11 États membres). »

Que peut bien vouloir dire cette phrase alambiquée ? Les 28% qui se plaignent de malentendus étaient-ils des anglophones que les centres d’appel ne comprenaient pas, ou des locuteurs d’autres langues ayant essayé de se faire comprendre en français ou en allemand ?

Les précisions sont en anglais
– comme quasiment toujours sur le site Europa...

« calls in French are answered in nine Member States (in addition to France and Luxembourg) - Bulgaria (by call transfer to another call centre if necessary), the Czech Republic (by transfer to another call centre if necessary), Ireland, Greece, Spain (may not be available in all call centres) the Netherlands, Romania, Slovakia (subject to availability of appropriate staff) and Finland (by involving interpretation service). (...)
A number of Member States have indicated the ability of their emergency call centres to answer calls in the languages of their neighbouring EU countries. »

Car effectivement, dans les régions limitrophes de France, on aura plus souvent besoin d’italien, de catalan, d’espagnol, d’allemand que d’anglais, ou au moins autant, ce qui constitue un vrai casse-tête.

Au sujet du site officiel Europa, l’Observatoire européen du plurilinguisme fait justement remarquer que :
« L’utile est en anglais. Le moins immédiatement utile est traduit. Seuls les textes normatifs (réglements et directives) échappent à la règle.
Il n’est pas nécessaire d’aller plus loin dans l’analyse du site Europa qui est dans son ensemble à l’image de ce que nous venons de constater : c’est un site dont la peau est multilingue, mais dont le cœur est monolingue. (...)
 Le modèle culturel qui est à la base du site Europa est un modèle dans lequel la communication utile se fait en anglais et dans lequel le dialogue interculturel est en fait une dimension tout à fait accessoire. La communication s’effectue à travers le filtre d’une langue outil qui est à peine la langue anglaise mais qui en reproduit tous les modèles. »

On ne saurait mieux dire.

Conclusion du site Europa :

« Finally, the United Kingdom indicated that its emergency call centres can use an interpretation services covering 170 languages, Swedish call centres can also use an interpretation service covering all major EU languages and French call centres can use interpretation services in English and other languages. »

Les Anglais sont les cancres de l’UE question plurilinguisme scolaire, mais seraient les champions du plurilinguisme du 112 ? Nuit et jour ? Assertion à vérifier... d’urgence ! Mais on s’incline, ce sont les plus forts...

Une fois de plus, l’UE rate l’occasion de débattre sérieusement du plurilinguisme. Quand la Commission demande davantage de plurilinguisme aux numéros 112, que veut-elle dire par là ? Recommande-t-elle que chaque centre d’appel soit capable de répondre en 170 langues comme la GB en 60 langues (à vérifier !), dans les 27 langues officielles, dans les 3 langues de travail, ou en anglais ? On ne le saura pas, restons dans le flou et ne fâchons surtout personne. Les petits pays aux ressources modestes sont-ils invités eux aussi à développer des centres en quatre langues ?
Et quelle est la liste officielle des grandes langues de l’UE, et des langues de seconde zone ? A quand un sursaut d’orgueil de l’italien, par exemple ?

Nous sommes là au cœur du problème de la communication dans l’UE, loin du Parlement et de ses timides tentatives de plurilinguisme, (où, malgré le travail remarquable des interprètes et traducteurs, la plupart des discussions, et des dossiers précis sur Internet, sont en anglais). Nous sommes dans l’Europe des citoyens, dans l’incommunicabilité au quotidien de gens qui ne disposent pas d’une langue véhiculaire commune. A l’inverse des Chinois qui, malgré l’immensité de leur pays et ses centaines de langues, disposent du mandarin, les Européens se caractérisent par le fait qu’ils ne peuvent parfois discuter avec un voisin résidant à tout casser à 50 kilomètres !
De cela, comme toujours, il ne sera pas question.

2. Après les citoyens, les professionnels :

Ces difficultés des citoyens européens à communiquer avec le 112 peuvent être rapprochées de la communication entre professionnels médicaux, dossier soutenu par l’UE au travers de ses différents aspects, tous en cours de dévelopement : carte européenne d’assurance-maladie, carte européenne de professionnel de santé, compatibilité des données informatiques (Health data Project).

L’interopérabilité des systèmes d’information en Europe
est de plus en plus d’actualité.
Mais, là encore, si les discussions abordent souvent la conversion de données informatiques, la question linguistique est quasi-systématiquement occultée.
A cela, il y a une raison : dans le monde médical, la soumission au tout-anglais a été assimilée par les esprits comme une fatalité... Comme on dit en informatique : « formatage terminé » ! 
Un article de l’Ordre des médecins :
http://bulletin.conseil-national.medecin.fr/article.php3?id_article=213

3. Il existe pourtant une autre voie que le tout-anglais, plus juste et plus efficace :

On peut aussi soutenir un plurilinguisme rationnel, utilisant l’espéranto comme langue véhiculaire commune des Européens, car du fait de sa facilité qu’on peut estimer à un facteur 10 (1 an d’étude équivaut à 10 ans d’anglais ou de français), cette solution est démocratique, c’est-à-dire accessible au plus grand nombre, neutre (ne favorisant aucune langue nationale, aucun pays), et, coup de pot, son vocabulaire est européen, et c’est déjà la plus internationale des langues, même si elle est méconnue et mal vue en France par nos grands médias qui se la jouent un peu trop sur le français tout en rendant hommage à l’anglais-roi...
Signalons tout de même ce récent article dans Marianne, par Marc Favre d’Échallens, administrateur de l’association Défense de la langue française, qui analyse excellemment la folie actuelle du tout-anglais.

Espérons qu’avec la campagne des européennes, nous sortirons enfin du consensus mou, de l’hypocrisie générale sur le tout-anglais, ce honteux secret de famille de l’UE ! A quoi bon avoir un Parlement européen, si le débat y est inexistant ? Autant le supprimer et faire l’Europe des Etats..
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