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7 avril 2013 7 07 /04 /avril /2013 18:51

La faute de J. Cahuzac n'est pas celle que l'on croit.

Il a eu un compte en Suisse ?

Bof, qui n'en a pas ? Moi-même, jadis en voyage avec mes parents, j'ai eu droit à une tirelire en chocolat : « C'est offert par la maison ; s'il travaille bien, un jour votre fils pourra ouvrir un compte en Suisse ! » Comment lui jeter la pierre, alors que j'ai été corrompu si jeune par les rabatteurs d'un paradis fiscal ?

Il a fraudé le fisc ?

Franchement, qui n'a pas arrondi de quelques euros sa déclaration d'impôts ? Certes, il s'agirait ici de presque un million, mais qui vole un œuf ne vole-t-il pas un bœuf ? Est-ce sa faute si tant de gagne-petits ne sont pas fichus d'épargner un million ?

Non, tout ça est mesquin. Attaquons-nous au dur : à en juger sur les déclarations indignées de la droite, son grand crime serait d'avoir menti à la noble Assemblée de ses pairs, rivaux et amis réunis ; au président même.

Sérieux : si nos députés sont naïfs au point de croire que leurs collègues et le gouvernement ne mentent jamais, il faut vite les virer de leur fonction ! D'ailleurs, dans « gouvernement », il y a « ment » - est-ce un hasard ? La politique est une activité cruelle, seuls les plus cyniques y survivent, démagogie et mensonge sont intrinsèquement liés au métier.

Serait-ce alors la crainte de la réaction du peuple ?

Non, le bon peuple a été plus surpris que choqué : « Tiens, un politicien qui avoue ? Qu'est-ce qu'il lui prend ? »

A la limite peut-on s'offusquer de son manque de patriotisme européen : pourquoi un compte en Suisse et à Singapour quand nous disposons de superbes paradis fiscaux bien de chez nous, au Luxembourg et à la City ?

Alors quoi ? Ne serait-ce pas justement cet aveu qui fâche tant ses amis et ennemis politiques ?

Car il eût pu, comme tant d'autres, traîner d'appel en cassation jusqu'à son centième anniversaire, et demeurer un honnête homme pouvant se présenter devant les électeurs vêtu de sa présumée probité. Mais il a avoué : tant pis pour lui. Ça n'engage nullement tous les autres délinquants à faire de même : où irait-on si on déballait la vérité sur les irradiés de l'atome (civils tahitiens, ingénieurs ou simples soldats), sur l'amiante, le sang contaminé, les écoutes de l’Élysée, les emplois fictifs, les frais parisiens de naguère, les élections truquées, le financement illégal des campagnes, les prise illégales d'intérêt, l'affaire Tapie, les commissions occultes, la caisse noire de l'UIMM, les cumulards de l'intercommunalité, les fromages des syndicats et j'en passe : imagine-t-on sérieusement que ses collègues vont maintenant se sentir obligés de raconter tout ce qu'ils savent ? Un défilé de confessions larmoyantes à l'américaine ? Mon Dieu, punissez-moi car j'ai péché ! Citoyens, pardonnez-moi, je promets de faire pénitence et de porter la croix à genoux, de l'Assemblée nationale à mon jet privé ?

Seuls les journalistes sont assez fous pour enquêter et chercher la vérité : rien d'étonnant à ce que cette activité soit perpétuellement menacée...

Non, ce qui fâche tant nos hommes et femmes politiques, c'est qu'à cause de cet aveu, François Hollande a été obligé de promettre pour demain une République honnête !

Il a sorti son dictionnaire de mots incongrus : « renouveau démocratique », « alerte éthique », annonçant des jours terribles : « "Toute la lumière sera faite et [que] la justice poursuivra son travail jusqu'au bout et en toute indépendance".

La justice indépendante et jusqu'au boutiste ? Pire qu'un gros mot : une horreur !

"Je porterai la durée d'inéligibilité des élus condamnés pour faits de corruption à dix ans",

"mettre fin à tous les conflits d'intérêts", concernant "aussi bien des ministres que des fonctionnaires ou parlementaires". (Le Monde)

Mais il est fou ? Avec le chômage qui bat des records, il veut faire de l’Élysée, du Sénat et de l'Assemblée des châteaux hantés par les huissiers ?

"publication et le contrôle de tous les patrimoines" (des ministres et des parlementaires.)

Dieu tout-puissant, c'est le retour de 1789 ! On est à deux doigts de ressortir la machine du sieur Guillotin et, avec les progrès techniques qu'on a faits dans les chaînes d'abattage, bien contents si on ne trouve demain que du bœuf ou du cheval dans notre nourriture industrielle... J'en connais qui cherchent déjà sur une carte la route de Varenne.

Respirons un bon coup et faisons la part de l'émotion suscitée par l'aveu de J. Cahuzac. François Hollande a été obligé de réagir à chaud, et ses paroles ont peut-être dépassé sa pensée.

Une fois la fièvre retombée, on peut raisonnablement espérer que la raison va reprendre le dessus, que les promesses de République honnête n'auront été que... mensonges, et que la vie politique reprendra son cours habituel : tortueux !

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