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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 18:28

Depuis le temps que le français existe et qu’il est parlé, on croirait cette question résolue  ; il semble pourtant que non !

Il y a en gros deux opinions en présence :

- l’une voulant que l’accent tonique soit un accent de groupe ("syntagme" en jargon linguistique) où la proposition serait prononcée d’un ton monocorde jusqu’à la syllabe accentuée ;

- l’autre que chaque mot ait un accent tonique sur la dernière syllabe prononcée (cette précision étant relative aux syllabes finissant par une voyelle muette) ; à cet accent tonique du mot se rajoute l’accent de groupe, comme dans beaucoup d’autres langues, avec éventuellement une accentuation dans la phrase et les accents régionaux.

1. Quelques références sur les tenants de l’accent de groupe

Un article de Wikipédia, relativement confus, mais qu’on trouve souvent repris :

"Là encore, l’augmentation d’intensité est variable, selon les langues. Alors que dans la majorité des langues romanes elle est très marquée, elle est, en français, relativement faible, voire inaudible. En effet, l’accent tonique du français est marqué pour chaque mot (hormis les clitiques) seulement quand ils sont isolés. Dans une phrase, seul le dernier mot de chaque syntagme portera l’accent, d’autant plus dans une diction rapide et courante. On parle alors d’un "accent de groupe de sens". (...) En effet, la notion de "groupe de sens" est variable : on peut considérer que "la petite maison dans la prairie" est composé de deux syntagmes : "la petite maison" + "dans la prairie" ou bien que le tout forme un syntagme unique."

"Cette particularité est due au fonctionnement très original de l’accent tonique en français. Contrairement à ce qui se passe en anglais ou en espagnol, où les mots ont chacun un accent tonique, invariable, noté dans le dictionnaire, et donc repérable à l’oral, l’accent tonique en français n’appartient pas au mot. Il concerne l’ensemble des mots prononcés d’une seule émission d’air (ce que les spécialistes appellent "le groupe phonique"), dont il frappe la dernière syllabe à voyelle prononcée (excluant donc l’e dit muet). Ce qui implique, entre autres, que les mots français puissent selon leur place dans ce groupe phonique, être ou non accentués."

(Eveline Charmeux critiquant le rapport Bentolila)

"Les Français ignorent la notion d’accent tonique. Ajoutons que Lancelot, dans ses Instructions, quand il traite de la poésie italienne et de la poésie espagnole, connaît la notion d’’accent’ (l’accent tonique tombant pour la dernière voyelle masculine (DVM, d’après la terminologie de Benoît de Cornulier), mais n’en parle pas quand il traite de la poésie française. Bacilly se préoccupe de quantité, mais ne parle pas d’accent.

D’Olivet (Traité de prosodie française, 1736) distingue les accents prosodique, oratoire, musical, national, imprimé. Le français n’a pas d’accent prosodique, mais peut recevoir toutes sortes d’intonations."

"Dans la langue contemporaine, nous n’avons que des formes atones (c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’accent tonique) : Mon école."

"En français, il n’y a pas de tons. Seuls existent l’accent et l’intonation. (...)

Sur le plan de la place de l’accent, le français est une langue à accent fixe, même s’il n’y a pas véritablement d’accent de mot en français. La tendance consiste à accentuer la dernière syllabe de l’unité rythmique prononcée (mot, syntagme ou même la phrase). Ainsi, dans les exemples qui suivent, seule la syllabe finale (du mot, du syntagme, puis de la phrase) se démarque : (...)"

Les partisans de cette théorie disent que si les Français ont du mal dans les langues étrangères (idée reçue totalement fausse à notre avis), c’est parce que leur langue n’a pas d’accent tonique et que donc ils ne le perçoivent pas…

2. Quelques références en faveur de l’accent tonique fixe sur chaque mot :

"Dans les langues à accent tonique fixe, comme le français, le tchèque (sur la première syllabe), ou le turc (sur la dernière syllabe), la fonction contrastive de l’accent est de type démarcatif."

(Laboratoire de phonétique et phonologie de l’université Laval à Québec)

"Les bébés espagnols, exposés à une langue à accent tonique variable, reconnaissent les patrons accentuels dans des suites de (non-)mots, alors que les enfants français, exposés à une langue à accent tonique fixe, semblent les ignorer." (CNRS)

En français standard, l’accent tonique est fixe et frappe des vocables (oxytonie). Il s’agit-là d’une option actuelle unique en Europe.
(Psycholinguiste Jean Petit)

"2.4.2.1 Accent tonique ou accent fixe

On fait habituellement une distinction entre accent libre et accent fixe (Marchai, 1980 : 88-89). L’accent libre peut être déplacé d’une syllabe à l’autre et permet de donner deux sens à une même séquence phonémique.

Par exemple, en anglais, le déplacement de l’accent d’une syllabe à l’autre entraîne dans certains cas un changement de catégorie grammaticale.

Ex. : ’ import = importation

im’port = importer

L’accent fixe frappe toujours la même syllabe dans la chaîne parlée. Par exemple, en français, quand on parle sans émotion, sans affectation, sans insistance expressive ou didactique, l’accent touche toujours la dernière syllabe du mot."

(UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À CHICOUTIMI)

"La prosodie française qui obéit à des règles précises - l’accent tonique portant sur la dernière syllabe non muette - et son apparente similitude à celle du coréen."

(Groupe interparlementaire d’amitié France-Corée du Sud)

"LES ACCENTS DES MOTS

Dans les mots comportant plusieurs syllabes, certaines sont plus marquées que d’autres. Elles s’entendent davantage :

- enclos, marteau, laurier, fromage.

- en(clos), mar(teau), lau(rier), fro(ma)ge.

Ces syllabes sont "accentuées" ; on dit aussi "toniques". Les autres sont appelées "atones".

Lorsqu’un mot se termine par un "e" muet, l’accent tonique porte sur "l’avant dernière syllabe". On dit que ce mot à une terminaison "féminine". Exemple ci-dessous :

- Une as"per"ge, une i"ma"ge.

Quand un mot ne se termine pas par un "e" muet, l’accent tonique porte sur la "dernière syllabe". On dit que le mot à une terminaison "masculine".

Exemple ci-dessous :

- Le tra"cas", une orai"son"."

Cette place est également illustrée a contrario par une erreur fréquente des journalistes du Québec, peut-être à cause de l’influence de l’anglais, mais aussi des journalistes de France, qui déplacent fréquemment l’accent tonique, mais ce peut être aussi un simple tic professionnel pour mettre de l’emphase :

"L’accent tonique est à la base d’une langue. Si on le déplace, on dénature la langue. Dans l’ouvrage de référence de celui qui a souvent conseillé Bernard Derome, on peut lire : "En français, l’accent tonique doit s’appliquer sur la dernière syllabe sonore d’un mot." Or, plusieurs journalistes placent leur accent sur la première ou la seconde syllabe comme il faut le faire… en anglais. Par exemple, on ne doit pas dire : "MOnique LAberge, RAdio-CAnada MONTréal", mais plutôt : "Monique LaBERGe, Radio-CanaDA MontRÉAL". Camil Chouinard précise que les déplacements d’accent tonique que nous faisons au Québec sont en général des anglicismes. C’est ainsi que le calque de l’accent tonique anglais détruit complètement la musicalité du français."

"Le français est dite langue à accent "fixe", uniquement parce que l’on peut très bien lire ou parler en mettant toujours l’accent sur la dernière syllabe accentuable du mot sans gêner la compréhension."
(Thèse de doctorat)

3. Les enseignants du français langue étrangère le perçoivent souvent fixe et sur chaque mot :

"La structure type de la phrase néerlandaise nécessite d’attendre la fin de la phrase.

L’accent tonique du mot français se trouve invariablement sur la dernière syllabe.

En Néerlandais c’est rarement le cas."

"En russe, (contrairement au français où l’accent tonique des mots se situe toujours sur la dernière syllabe de ceux-ci) l’accent varie d’un mot à l’autre."

"R.-J. Tournay a reconnu des formes métriques de l’hébreu formées par l’association de plusieurs accents toniques successifs en un groupe homogène. Or, presque tous les mots en hébreu massorétique (voir note 6) ont l’accent tonique sur la syllabe finale, comme en français ; seuls quelques mots voient leur accent refluer sur la pénultième, soit pour éviter le choc de deux accents successifs, soit pour marquer la fin du verset 4."

"En portugais, l’accent tonique (la voyelle que l’on prononce plus fort) ne tombe pas comme en français sur la dernière syllabe, mais sur la voyelle précédant la dernière consonne sonore, c’est-à-dire en général sur l’avant-dernière syllabe, comme dans le mot capoeira, ou sur la dernière quand la consonne finale est sonore, comme dans les verbes : jogar (jouer)."

L’arménien a toujours été une langue à accent tonique fixe et final, avec possibilité d’accent de syntagme, comme le français.

4. Une troisième opinion voudrait que l’accent tonique porte sur le mot OU le groupe... C’est l’option prudence !

C’est le cas de l’équipe qui avait finalisé le projet Evlang (Eveil aux langues), une initiation linguistique non spécialisée dans une langue, destinée à l’école primaire. Peut-être ne voulaient-ils vexer aucune sommité du monde pédagogique...

"Le français ne fonctionne pas ainsi, mais comporte tout de même une accentuation tonique, quoique plus faible. L’accent tonique frappe la dernière syllabe du mot ou du groupe de mots et joue ainsi un rôle important au niveau de la syntaxe : il permet de démarquer les différents groupes de mots et de montrer ainsi la structure de l’énoncé."
(Projet Evlang)

5. Notre avis de non spécialiste :

En anglais, l’accent tonique est mobile, la phonétique de cette langue est de ce fait totalement irrationnelle, il faut pratiquement apprendre séparément la prononciation de chaque mot.

Un accent tonique fixe sur la dernière syllabe (prononcée) était-il trop simple ? A-t-on voulu se distinguer comme nos amis anglais ?

Il est si simple de dire qu’il est fixe sur la dernière syllabe du mot, et qu’il y a également un accent de groupe (syntagme) comme dans de nombreuses langues.

C’est en tout cas ainsi que le présentent bon nombre de ceux qui enseignent le français aux étrangers, car ceux qui côtoient plusieurs langues l’entendent comme fixe sur chaque mot, ce qui n’exclut pas l’accent de groupe.

Cela n’a finalement rien d’étonnant car lorsqu’on enseigne à des étrangers, il est préférable d’expliquer les choses de façon pratique et claire ; de plus, les polyglottes sont les mieux à même de faire la comparaison entre différentes langues.

Prenons un mot au hasard, par exemple le chocolat (parce que c’est bon), il n’existe que 3 façons de le prononcer, si on exclut les tons à la chinoise, dans la phrase "le chocolat est chaud :

CHO-colat, choCO-lat, chocoLAT.

Certains pensent qu’on peut prononcer chocolat d’une façon monocorde et régulière sans accent tonique, et faire porter celui-ci uniquement sur chaud. A notre avis, c’est impossible,

car si on utilise pas les 2 premières façons ne reste que la 3e possibilité, l’accent tonique sur la troisième syllabe.

Mais il est faiblement marqué – ce qui explique ce débat récurrent.

Cela n’exclut pas l’accent de groupe (syntagme) ni de phrase ni les accents régionaux.

On peut s’étonner qu’un détail aussi basique d’une langue fasse encore débat.

Basique, oui, mais au sens de base indispensable à l’apprentissage, même aux débutants, surtout aux débutants. Et ceux-ci doivent avoir quelque peine à croire que la célèbre maxime "ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément" soit d’un Français...

La bonne nouvelle est que malgré cette polémique faussement savante, les Français se comprennent encore à peu près !

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