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24 octobre 2009 6 24 /10 /octobre /2009 19:31

Certes, comme le dit Marianne dans son excellent article, il mérite le prix Nobel du chic type, et, contrairement à son prédécesseur, il n’a pas (pas encore ?) envahi de pays étranger.


Et alors ? Moi aussi, je suis un chic type, et je n’ai pas squatté le jardin public qui jouxte ma villa, un terrain pourtant revendiqué par ma famille depuis trois générations d’avocats.

Les troupes de ce grand homme d’État, je suis désolé de le rappeler, occupent deux pays étrangers ; je me suis laissé dire qu’ils s’y battent pour de bon. Alors que moi, mes soldats de plomb sont depuis longtemps remisés dans un carton à chaussures bien ficelé, soigneusement rangé dans un placard par mesure de sécurité.

D’ailleurs, la vocation pacifiste m’est venue tout jeune : déjà, ma première arme était un pistolet à bouchon, et mon arme de secours, dissimulée à la cheville, - un pistolet à eau, c’est dire. Alors qu’Obama… Je ne veux pas accuser sans preuve, mais dans un pays qui a le culte des armes et de l’autodéfense, ça ne m’étonnerait pas qu’il ait fréquenté les stands de tir et sache démonter un automatique aussi vite que Jack Bauer, les yeux fermés. Qu’est-ce qui me prouve qu’il n’a pas fait de safari au Kenya ? Un safari-fusil, plutôt qu’un safari photo ou un retour sur la terre de ses ancêtres ?

Néanmoins, vis-à-vis du jury Nobel, je me dois d’être honnête, et je confesse qu’en deux périodes de ma vie ma flamme pacifiste fut plus que vacillante. Tout d’abord, au service militaire (!), où je tirai cinq cartouches et réussis un tir groupé très honorable, aux dires de mon instructeur qui me demanda : « Tu voudrais pas faire une formation de tireur d’élite, par hasard ? ». Ça semblait être un compliment. Son instinct de soldat aurait-il décelé en moi quelques dispositions innées pour la violence ? Une beuverie du samedi soir qui se termina en pugilat renforça mes doutes.

Cette crise morale me poussa à faire une psychothérapie, qui mit au jour la source de ma propension à la violence, un lointain souvenir profondément enfoui : un traumatisme dans la cour de récréation de mon école primaire.

Alors que j’avais entamé une difficile négociation bilatérale avec un costaud du CM2 au sujet du vrai propriétaire d’une jolie bille multicolore, un coup de poing au ventre trancha le litige en sa faveur... La violence permettrait donc de résoudre les conflits ? Cette découverte fut extrêmement perturbante, surtout lorsque je lus plus tard, au lycée, que de grands stratèges avaient soutenu cette idée...

On ne dira jamais assez, à quel point les cours de récréations sont dangereuses, et combien de vocations de petits chefs de guerre sont nées de ces conflits, aussi intenses que fugaces, qui paraissent anodins aux adultes que nous sommes, gavés de feuilletons télé ultra-violents.

Comment nos enseignants pourraient-ils deviner que les coups donnés et reçus par de délicates menottes sont l’engrais qui fera germer les Idi Amin Dada ou les Pol Pot de demain ? Que les pleurs et les sanglots si vite effacés forment les névroses et les complexes de supériorité de bon nombre de nos dirigeants ?

C’est seulement à la fac que ma conscience pacifiste se réveilla : alors que je me battais avec un rival pour conquérir une fille (je sais maintenant que c’est une méthode valable pour les cerfs et les loups, mais moins pertinente pour les humains), celle-ci en eut subitement assez de notre comportement de jeunes coqs, et partit avec un troisième larron !

Le séducteur de la belle était un odieux baratineur, je crois même qu’il est devenu diplomate ou politicien, enfin bref : un menteur professionnel. Et devant cette preuve irréfutable du pouvoir du verbe, je compris enfin la vanité de la violence.

J’affichai dans ma chambre le célèbre poster de la jeune fille déposant une fleur au canon du fusil d’un soldat étatsunien. Sans me vanter, à cette époque-là de ma vie, Gandhi, à côté de moi, aurait passé pour un caractériel. Depuis, je n’ai jamais dérogé à cette ligne de conduite : j’attends que les fourmis aient traversé avant de passer, et j’ai épousé la religion la plus pacifiste que j’aie pu trouver - le bouddhisme.

Selon ses enseignements, je veux bien renoncer à tout, mais renoncer au prix Nobel en faveur d’un gars qui a un budget militaire de 680 milliards de dollars, ça passe mal... Je ne suis pas encore assez zen.

Et qu’a donc fait Obama pour mériter ce Nobel ? Essentiellement, militer en faveur du désarmement nucléaire. La belle affaire !

Moi aussi, mais en plus, j’ai appelé ici même, sur Agoravox, et par deux fois, à interdire les bombes à sous-munitions et les mines anti-personnel, ces armes tueuses de civils très appréciées des USA et de nombreux autres pays non-signataires.

En plus, je veux que tout le monde s’aime sur la Terre, et je n’ai pas hésité à l’écrire. Alors, franchement : qui est le plus pacifiste de nous deux ?

Je ne vois qu’une seule explication à ce déni de justice : le jury du Nobel ne me connaît pas, alors qu’ils ont entendu parler d’Obama par la télévision. À une époque, on ne voyait que lui, alors évidemment, être aussi connu qu’un présentateur télé, pour le Nobel de la paix, ça aide !
Mais l’avenir se chargera de me rendre justice : déjà le Pentagone lui réclame des troupes supplémentaires pour la guerre en Afghanistan, et le jour où il devra soutenir un bombardement des centrales nucléaires iraniennes, il se dira qu’il aurait mieux fait de me le laisser, ce prix !
P.-S.

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