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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 18:42

A quand un référendum sur la question des langues ?

L’anglicisation de l’Europe vient tout récemment de marquer des points, favorisant ainsi l’intégration européenne ; pourtant, au lieu d’en être fiers, nos médias le taisent comme s’ils en avaient honte. Et ouverture du site "Study in Europe" destiné aux étudiants étrangers hors-UE.

On nous répète, à longueur d’articles, à quel point nous devons nous féliciter de l’intégration européenne et combien il est important de poursuivre dans cette voie.

Soit, mais alors, pourquoi l’harmonisation linguistique des divers corps de métier qui coopèrent à travers toute l’Europe n’est-elle pas mise en avant, vantée, célébrée comme il se doit ?

Car, soit dit sans vexer les honorables eurocrates et politiciens du Parlement, l’intégration de "la vraie Europe", celle du quotidien, des gens, des professions qui se concertent, passe par l’harmonisation de la terminologie, par la mise au point d’un lexique commun dans une lingua franca commune.
 
De quel récent pas en avant de l’anglicisation parlons-nous ?

— Un rapporteur européen vient de proposer de généraliser l’anglais pour les opérations portuaires de tous les pays européens :

"The findings above bring the European coordinator to formulate recommendations ; (…) Introduce English as "langue véhiculaire" for all services related to port approach and operations." Luis Valente de Oliveira, European Coordinator for Motorways of the Sea – Priority Project 21"

Quel meilleur symbole de l’intégration européenne que la coopération des métiers, la création d’un lexique commun ? Cette proposition ne devrait-elle pas faire la une de tous les journaux ?

— En outre, en creusant un peu, on s’aperçoit que, depuis des années, un lexique est en préparation pour le monde ferroviaire, 100 % anglophone (alors que les meilleurs trains sont allemands et français !) ; pourquoi tant de discrétion ?

Il en est de même pour le milieu militaire et policier.

En fait, la plupart des branches professionnelles sont déjà anglophones : espace, armée, sanitaire… La liste est très longue, mais les trois exemples ci-dessus ont en commun de témoigner d’un effort terminologique particulier.

Finalement, c’est depuis des années que de telles initiatives devraient trôner à la une de tous nos médias !

Or, il ne nous semble pas avoir vu un seul article sur ces efforts terminologiques, hormis dans des revues professionnelles.

Pourquoi cette pudeur de violette, alors que TF1 et France 2, par exemple, n’ont de cesse de vanter l’apprentissage de l’anglais par les petits Chinois ou Finlandais, et applaudissent notre ministre Darcos lorsqu’il impose l’anglais à l’école primaire et promet des stages d’été ?

On nous répète ad nauseam qu’il faut être fiers des progrès de l’intégration européenne, alors que son meilleur symbole n’est semble-t-il jamais traité par les médias !

Ce silence sur le sujet est totalement illogique.

Alors, d’où vient cette contradiction ? Personnellement, nous avons bien une petite idée.

Parce que vanter l’intégration terminologique obligerait nos élites à trois aveux de taille :

— Le multilinguisme comme mode de fonctionnement de l’UE est un échec, même réduit à trois langues de travail ; ce n’est pas viable et, comme tout ce qui n’est pas viable, c’est moribond !

— La lingua franca qui se répand dans quasiment tous les corps de métier de l’UE, c’est l’anglais.

— Il n’y a eu aucun débat au parlement, aucun référendum citoyen sur le choix de cette lingua franca…

On peut en rapprocher un fait étonnamment passé sous silence, lui aussi : dans ses relations extérieures, l’UE n’utilise quasiment que l’anglais. Les seules exceptions concernent les relations avec les pays où la langue française est la première langue étrangère, ou assez répandue : Tunisie, Maroc, Afrique noire francophone, Liban. Et encore, au Vietnam, par exemple, ce sera l’anglais. Et surtout, dans toute l’Asie et depuis des années, l’UE ne promeut que l’anglais auprès des jeunes, ici avec la Chine, soit plus d’un milliard de personnes.

Est-il normal que l’UE se comporte avec le reste du monde comme un représentant de commerce de la langue anglaise ? Donc au détriment du français et des autres langues de l’union...

A ce sujet, l’UE vient justement d’ouvrir un site à destination des étudiants étrangers souhaitant une formation complémentaire en Europe, et le site, heureuse surprise, est en cinq langues.

Mais dès qu’on creuse un peu, le chapitre intitulé « bourses et allocations européennes », très important pour ces candidats, ne renvoie qu’à de la documentation en anglais.


Conclusion

A notre avis, cette attitude schizoïde de l’UE vient d’une contradiction majeure que nous refoulons plutôt que de l’assumer. C’est ainsi que commencent les névroses...
 
Comment assumer la honte de l’anglicisation de l’Europe, tout en étant fiers de l’intégration européenne, that is the european question, the big one !

Ou peut-être n’en avons-nous pas honte ? Mais alors, pourquoi ne parle-t-on jamais des efforts professionnels pour harmoniser la terminologie ? Pourquoi ne lit-on aucun titre sur les progrès de l’intégration linguistique dans chaque corps de métier ? De tels événements devraient faire la une, ils devraient être célébrés comme une grande avancée de l’UE !

Ils sont au contraire préparés dans la plus grande discrétion, puis annoncés en catimini.

La télévision est pourtant ravie de montrer les progrès de l’anglais dans nos écoles, pourquoi une attitude différente vis-à-vis de l’Europe en marche ?

Alors, honte ou fierté ? Il nous faudra choisir.

L’explication réside à notre avis dans le refus d’avouer l’échec du multilinguisme, d’avouer la nécessité d’une lingua franca, de reconnaître le déficit démocratique qui amène les eurocrates, les lobbys et les politiciens à nous imposer progressivement leur propre choix, sans débat ni référendum.

Le multilinguisme est une réalité de l’Europe (ce n’est pas seulement 27 langues, mais probablement près d’une centaine qui sont utilisées dans l’Union), mais il n’est pas un mode de fonctionnement viable.

Sur un sujet aussi fondamental pour l’avenir de l’UE, qui concerne chacun d’entre nous, même les moins mobiles des Européens, même ceux qui n’ont pas l’usage professionnel d’une lingua franca, le choix de celle-ci ne peut se faire clandestinement ! Le minimum démocratique exigible, c’est un référendum qui comprendrait une liste de toutes les langues européennes, ainsi que l’espéranto, voire des langues non européennes.

Vu le soutien médiatique et politique dont il jouit, nul doute que l’anglais sortirait vainqueur d’un tel référendum, mais au moins l’hypocrisie d’une UE multilingue serait levée.

Le débat préparatoire à un tel référendum permettrait peut-être de rappeler quelques éléments soigneusement cachés aux citoyens :

— L’anglais est une langue nationale, donc une injustice majeure par les privilèges de toute sorte qui vont aux natifs (économiques, scientifiques, statutaires, personnels), difficile (donc chère, longue et élitiste par les nombreux séjours en immersion qu’un bon niveau exige). La France va payer sous peu à la GB environ un million d’euros par an pour la certification en anglais !

— L’espéranto est une langue non nationale (donc équitable pour tous), facile (donc démocratique, accessible à la majorité, y compris aux Européens les moins mobiles), européenne par son vocabulaire, internationale par sa grammaire (simple et agglutinante comme nombre de langues asiatiques, africaines, le turc, le finnois).

— L’allemand est la première langue européenne en nombre de locuteurs.

— L’espagnol est parlé sur quasiment tout un continent et progresse beaucoup, notamment aux Etats-Unis.

Sans ces informations basiques, tout référendum serait tronqué.

Sans référendum sur la lingua franca, c’est la démocratie européenne qui est trahie !
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