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19 octobre 2009 1 19 /10 /octobre /2009 21:36

 

Deuxième partie, ou comment l’espéranto s’imposera comme une évidence... quand tout le reste aura été essayé !
(Remarque : l’article étant assez long, la conclusion est une sorte de résumé de l’article, qui peut être donc être lue directement)
On a vu dans la première partie comment les logiciels de traduction usent d’effets d’annonce, voire de boniments purs et simples quand ils annoncent la fin prochaine de l’apprentissage des langues étrangères...
 
Ce qui n’est au fond qu’une banale exagération publicitaire s’inscrit dans le problème plus général de la barrière des langues et des divers moyens par lesquels les hommes tentent de s’en affranchir, poussés par leurs besoins professionnels bien plus souvent que par la volonté de découvrir les autres langues et cultures.
 
Mais ces promesses répétées des constructeurs maintiennent dans l’esprit du public l’illusion que les machines seront la solution à la barrière des langues, ce qui, à l’heure actuelle, est tout sauf évident.
 
Rêver, c’est bien, mais pas si cela entretient nos illusions et nous empêche de tester d’autres idées, et d’avancer.
 
En parlant d’illusion, celle de la réussite du plurilinguisme officiel de la Belgique et de la Suisse commence à être perçue comme telle :
« La représentation équitable des quatre langues nationales dans l’administration fédérale n’est qu’une illusion. Le déséquilibre est particulièrement visible chez les cadres, selon une étude. Quant aux textes de loi, ils sont presque toujours rédigés en allemand. »
 
1. Les pédagogues aussi sont à la recherche de la méthode miracle pour surmonter la malédiction de Babel.
 
Petit historique, sans garantie d’exactitude chronologique :
ceux qui n’ont pas connu les cabines de langues ne sauront rien de cette ambiance de confessionnal (en général pour l’aveu de sa médiocrité en langue...), avec ses rangées d’élèves étrangement calmes, robotisés avec leurs écouteurs sur la tête. Pourquoi cette antique méthode existe-t-elle encore dans nos écoles, à l’heure des panneaux interactifs et des assistants natifs ? Tout simplement parce que c’est un moment béni pour des profs qui, en général, ne goûtent jamais à un tel silence dans leur classe !
 
Puis vinrent les séjours linguistiques, technique que le cinéma a beaucoup contribué à populariser grâce au film « À nous les petites Anglaises ». Devant le succès de cette méthode, innovante à l’époque, l’industrie du cinéma a développé cette pédagogie à l’intention des adultes, avec des classiques comme "À nous les grandes Allemandes", "À nous les Suédoises naturistes", "Examen oral en Italie".
 
Après un léger déclin, les séjours linguistiques connurent un très fort regain d’intérêt avec le film "L’auberge espagnole" et les programmes Erasmus, intérêt dopé par l’obsession de l’Union européenne pour la mobilité de la jeunesse laborieuse, tant vantée par les entreprises.
Pourtant, malgré la réputation internationale du french kiss, les résultats en matière de langues laissaient toujours à désirer.
 
Sans y voir de relation de cause à effet, ce fut alors au tour de l’oral de se voir promu au rang d’un dogme (faire toujours plus d’oral) et, comme dialoguer entre débutants est mortellement ennuyeux, on songea rapidement à l’importation de natifs. Comme tout dogme, il a ses extrémistes, selon lesquels il ne faut pas expliquer la grammaire des langues, mais simplement parler, parler, et faire répéter, répéter, pour s’imprégner de la langue comme une éponge absorbe l’eau. C’est un peu l’inverse de la torture par isolement sensoriel, où l’on supprime tous les sons : ici, on répète sans arrêt, sans arrêt, jusqu’à ce que l’élève avoue enfin sa lassitude et hurle : 
— Stop !
— In english, please.
— Stop ! 
— Ok.
 
Hélas, on eut beau importer à grands frais natifs et natives, toujours plus nombreux, toujours plus séduisants - rien n’y fit, il était toujours aussi difficile de progresser dans la langue de Shakespeare, et même dans celle d’un Texan. Pire : la propagande qui prétend l’anglais facile humiliait beaucoup d’élèves, au point de devenir contreproductive. L’humiliation n’étant pas une bonne pédagogie, il fallait trouver autre chose. 
 
Ce fut l’intercompréhension passive, cette imposture scientifique qui fait de distingués colloques, mais qui en quinze ans a produit largement plus d’articles pédagogiques que de résultats reproductibles ou de méthode compréhensible par le prof de langue moyen...
Ne faut-il pas voir la main du Malin dans le fait que l’intercompréhension soit elle-même incompréhensible ?
 
Récemment, les stages extra-scolaires du ministre Darcos firent la une des médias. Hélas, à peine nés, les voilà déjà contestés. Parallèlement, on a lancé les fameux TICE (technologies interactives de la communication) qui vont permettre aux élèves de dialoguer avec un vrai natif. 
Je ne sais pas pour vous, mais moi, passer d’une assistante d’anglais native, en chair et en os, à une assistante en seulement deux dimensions, prisonnière d’un écran mural, je n’appelle pas ça un progrès, mais une régression pédagogique... Les écrans plats, ça aplatit les formes !
Pour quelques euros de plus, je connais des sites où une native non seulement vous parle, mais ce qu’elle vous dit ne figure dans aucun programme scolaire... Et en plus elle se déshabille. C’est quand même autre chose, non ?
 
Ce sont pourtant deux approches non technologiques qui tiennent aujourd’hui la corde : l’apprentissage précoce des langues et le CECRL.
 
- Le CECRL, de son petit nom « cadre commun », est souvent présenté comme une innovation révolutionnant l’enseignement des langues, quand ce n’est qu’une échelle de niveau.
 
En fait de nouvelles méthodes d’enseignement, le Cadre commun est surtout à l’origine de nouveaux manuels scolaires à acheter... le bizness est partout !
 
Quelques précisions sur ce CECRL : défini par de nombreux ciritères à l’écrit et à l’oral, en écoute et en production, il reste malgré tout approximatif, car un niveau en langue ne peut être réellement mesuré, seulement estimé. Il n’est pas facile non plus de codifier les tests correspondants.
Le CIEP (Centre international d’études pédagogiques) vient de mettre en ligne des dialogues d’élèves, étalonnés selon l’échelle CECRL, dans six langues.
 
Pour ceux qui lisent le pédagol dans le texte, un article éclairant sur l’illusion que le Cadre commun va révolutionner l’enseignement, «  Les apports du CECRL en cours de Langues ».
 
 Un aperçu de sa conclusion :
« La prise en compte du CECRL dans notre enseignement va bien au-delà d’une évaluation spécifique des cinq activités langagières telle qu’elle est déjà prévue par les épreuves certificatives du DNB et du Bac STG. Elle induit des modifications de nos pratiques, bénéfiques pour notre enseignement parce qu’elle nous rapproche de nos élèves, qu’elle nous permet de mieux les accompagner, de mieux communiquer avec eux et de les impliquer davantage. »
 
Cette échelle consensuelle est réellement un vrai progrès, car les discussions sur les langues achoppent toujours sur l’imprécision de formules comme « parler anglais », « anglais fluent » (de même pour chaque langue), mais ce Cadre commun ne révolutionne en aucune manière l’apprentissage d’une langue étrangère, qui reste un grand défi.
 
Comme si les langues étrangères avaient changé parce qu’on s’est enfin mis d’accord sur un double décimètre des langues !
 
Chaque méthode qui s’avère ne pas faire de miracles est ainsi remplacée par une autre. La posture raisonnable serait de prôner le panachage de l’ensemble de ces méthodes, mais ce serait un suicide universitaire, car pour briller dans les congrès et stimuler une carrière, il est plus avantageux de promouvoir une « nouvelle » méthode que paraître manquer d’inspiration ! 
En pédagogie comme dans le business, il faut jeter le raisonnable aux orties, oublier le sens de la mesure, enfouir la vérité et en rajouter dans l’outrance :
« En 2 heures, l’apprenant a parcouru l’ensemble des structures de la langue, y compris les structures complexes »
 
Tout est bon pour obtenir un slogan induisant l’idée d’un temps minimum pour apprendre une langue !
 
- L’enseignement précoce des langues.
 
C’est une des voies pédagogiques dont on parle le plus actuellement, et la sortie récente de deux études scientifiques va sans nul doute relancer la pression médiatique à ce sujet. Nous en reparlerons prochainement, car ces deux études méritent un développement. Elles n’ont prouvé que peu de choses, essentiellement que l’apprentissage précoce n’était pas néfaste.. Primum non nocere, ce n’est déjà pas si mal, avouons-le !
 
Toute la question est de savoir dans quel but on organiserait cet enseignement précoce, en d’autres termes : s’il est favorable, favorable à quoi ?
 
Si l’on met de côté les pays à plusieurs langues officielles, et les familles multiculturelles pour lesquelles les raisons sont évidentes, force est de constater que derrière un débat pédagogique, c’est une question politique : l’anglais !
 
Qui a lu ou entendu des plaidoyers sur les bienfaits de l’enseignement précoce du grec ancien, des vertus de l’allemand, de l’espagnol, de l’arabe ou de l’italien en maternelle ?
 
 
2. La difficulté des langues attire aussi les charlatans de tout poil, comme les maladies chroniques font prospérer les guérisseurs.
 
Régulièrement, un institut ressort ses pubs basées sur de prétendues fréquences plus spécifiques d’une langue :
« Chaque langue se caractérise par des fréquences dominantes différentes et l’oreille n’est habituée qu’à celles utilisées par la langue maternelle. »
 
Où sont les références, les articles scientifiques à l’appui de cette théorie ?
 
Le problème est qu’on peut abêtir le public en passant par exemple des horoscopes dans des journaux ou à la radio : le bureau de vérification de la publicité dira que ce n’est pas de la publicité, la justice est débordée et s’en tamponne, et les journaux scientifiques sérieux ne se sentent pas concernés - et pour cause... c’est plus proche du charlatanisme que de la science.
 
 
3. Parmi les méthodes essayées par l’humanité pour surmonter la barrière des langues figure aussi la simplification des langues, du moins la suppression des complications peu utiles, dans la mesure du possible et de ce qui est acceptable par ses locuteurs.
 
La Chine va bientôt publier une nouvelle liste de caractères simplifiés. Son rôle comme langue de communication en Asie semble s’affirmer depuis quelques années, outre que la Chine implante partout dans le monde des Instituts Confucius (analogues des British Council, Alliance française, Goethe-Institut, Cervantès, Rousski mir), mouvement qui va de pair avec sa montée en puissance hors de la sphère asiatique.
 
Cette tentative a été contestée là-bas comme le fut chez nous la réforme de l’orthographe de 1990 :
« En 1986, la Commission d’État sur la langue a publié une liste de 2 235 caractères chinois simplifiés pour normaliser l’écriture chinoise ».
Cette nouvelle simplification de leurs idéogrammes, qui restent malgré tout redoutables pour nous, est peut-être voulue pour favoriser l’usage du chinois comme langue du commerce en Asie, voire en Europe... Elle participe donc aussi de ces tentatives de franchir la barrière des langues, en proposant une sorte de chinois « simplifié. »
 
Mais notons que c’est malgré tout un des rares gouvernements discrètement favorables à l’espéranto (le site China.org est polyglotte dont l’espéranto, forcément avec l’imprimatur officiel vu le régime du pays), avec la Pologne, la Tchéquie.
 
 
4. A notre époque de mondialisation, il est étonnant qu’on ne se préoccupe pas davantage de l’incommunicabilité entre les peuples.
 
Comment ne pas s’étonner qu’on fasse voyager des tomates, des jeans ou des jouets d’un bout à l’autre de la terre, que des plateformes téléphoniques nous appellent d’Inde ou du Sénégal, que des boîtes sous-traitent de l’informatique, de la finance, du dessin à l’autre bout du monde, mais que les hommes ne disposent pas d’un moyen simple de communiquer entre eux, quelle que soit leur langue d’origine, quel que soit leur pays ?
 
La barrière des langues est un effet de l’histoire, mais un véritable anachronisme dans la modernité. De même que l’ONU a été une avancée pour affronter en commun la complexité et les conflits de nos sociétés, surmonter la barrière des langues est assurément un des plus grands défis du 21e siècle.
 
Il ne s’agit pas de remplacer toutes les langues, richesse culturelle à conserver autant que possible, mais de disposer d’un moyen de communication international accessible au plus grand nombre de Terriens, tout en conservant chacun sa langue et sa culture spécifiques. 
(Que l’on parvienne ou non à communiquer facilement, on estime que 50 à 90% des quelques 6000 langues vont disparaître. Les linguistes estiment que le seuil de survie d’une langue est de dix-mille locuteurs.)
 
 
5. L’étrange attitude de certains linguistes, qui parfois ne voient pas la barrière des langues comme un problème.
 
Alors même que les efforts dans les technologies langagières prouvent la volonté de l’humanité de franchir la barrière des langues, certains linguistes semblent parfois nier l’existence même de cet obstacle !
 
Comme si leur amour des langues - respectable - les aveuglait. Leur seule réponse : apprenez les langues ! J’ai envie de leur réponde : apprenez la biologie, la dentisterie, le violon, le bricolage et le jardinage !
 
Bien évidemment, lorsqu’on réside longtemps dans un pays, pour des raisons personnelles ou professionnelles, il est tout à fait naturel d’essayer d’apprendre la langue dans la mesure de ses moyens, mais c’est un problème local et personnel qui n’a rien à voir avec la communication à l’échelle de la planète.
 
Même si nous parvenions tous à connaître trois langues à un certain niveau (et c’est déjà le cas pour pas mal de gens : des notions d’une langue régionale, plus une "grande langue"), cela ne changerait que peu de choses à la barrière des langues, même à l’échelle de l’UE.
 
Qu’il soit permis à un simple citoyen de demander à ces linguistes de bien différencier leur opinion (ils ne pensent pas, ou ne croient pas à une langue véhiculaire commune à l’humanité, ce qui est leur droit) des faits établis, les trésors d’intelligence déployés pour surmonter la malédiction de Babel, que ce soit par des ingénieurs, linguistes, grammairiens, ou des enseignants et leurs élèves - tout en gardant chacun sa langue et sa culture.
 
Il est bon de rappeler que les linguistes ne sont pas forcément des polyglottes, ils ne sont pas forcément à l’aise dans des langues qu’ils n’ont étudiées que sur le plan théorique ; l’analyse des langues est leur métier, pas la communication.
 
Nous avons tous vécu un jour l’impossibilité de se faire comprendre d’un étranger, ou à l’étranger, le ridicule et le profond malaise qu’engendre cette incompréhension.
La barrière des langues est le problème de tous, pas celui des linguistes !
 
 
6. Ces efforts se font selon trois grands axes : la traduction automatique, les méthodes pédagogiques, et une langue simple (simplifiée ou construite).
 
Pourquoi refuser d’expérimenter aussi la troisième voie ? Surtout quand on constate tous les jours les médiocres résultats des deux premières ! La méthode expérimentale, que maintenant toutes les sciences suivent peu ou prou, devrait aussi être appliquée à la question de la communication mondiale.
 
Nota : il existe naturellement une quatrième voie, celle de l’interprétariat, mais à défaut de pouvoir faire suivre chaque Européen de 26 interprètes (!), cette solution technique ne concerne que les réunions et congrès internationaux, comme au Parlement européen. C’est une méthode complexe, coûteuse et imparfaite, analysée dans Le Défi des langues, de Claude Piron, ainsi que dans la série de petites conférences qu’il a enregistrées à son domicile, classées par thème, et qui contiennent quelques anecdotes savoureuses sur l’interprétation au niveau international, son ancien métier. (Même lien, chapitre "Sur You Tube")
 
 
7. Sur ce sujet un rien austère, accordons-nous une minute de rêve, la gorgée d’eau fraîche dans l’oasis.
 
Oublions un instant la dure réalité, la grande difficulté des langues étrangères, oublions également que nous baignons dans notre langue maternelle (ou du pays) depuis notre enfance, en immersion totale, permanente, et que, malgré cet apprentissage intense, bien rares sont ceux qui maîtrisent réellement leur propre langue.
 
Qu’il est bon de rêver d’étendre à tous les enfants le cas particulier des bilingues compétents – sous-entendu en anglais, en sacrifiant la liberté de choisir sa ou ses langues étrangères, et la diversité linguistique.
 
Qu’il est confortable d’oublier que la question des langues à l’école n’est pas pédagogique mais politique !
 
Qu’il est doux de se bercer d’illusions, d’attendre la machine qui d’un simple clic nous traduira les subtilités de n’importe quelle langue étrangère, qu’il est facile de pratiquer la pensée magique : on peut le dire, donc on peut le faire !
 
Et on traite les espérantistes de rêveurs !
 
 
8. C’est probablement quand toutes les solutions « magiques » auront échoué, que nos médias et « intellectuels » réaliseront soudain que la solution est là depuis 120 ans, imparfaite mais fonctionnelle, efficace, l’espéranto comme langue seconde de toute l’humanité.
 
Des millions sont investis dans la recherche et développement des logiciels de traduction, des milliers d’euros dans des colloques stériles sur l’intercompréhension, le budget traduction-interprétation de l’UE est en constante augmentation - ce qui n’a pas empêché l’anglicisation des institutions européennes, et de nombreux pays investissent des sommes énormes dans l’enseignement de l’anglais à l’école.
 
Tout ça pour un résultat médiocre, évalué si l’on ose dire, uniquement par les sondages d’Eurobaromètre ! Et pourtant, l’UE ne daigne pas consacrer quelques malheureux milliers d’euros à tester l’efficacité de l’espéranto dans la traduction (tests de traduction et rétro-traduction après langue-pivot), pour infirmer ou confirmer sa vitesse d’apprentissage, sans commune mesure avec celle de l’anglais, du français ou de l’allemand.
 
Étonnante obstination à refuser le simple essai d’une solution qui a fait ses preuves sur le terrain depuis 120 ans, loin des cénacles théoriques : refuser la méthode expérimentale est un obscurantisme d’un autre âge.
 
L’explication est simple : il ne s’agit ni de pédagogie ni de science, mais simplement de politique. Les énormes pressions pour faire de l’anglais la langue de l’UE gênent l’émergence de l’espéranto comme langue véhiculaire mondiale.
 
 
9. Les réticences envers l’espéranto.
 
Comme toute avancée majeure, depuis la Croix Rouge, dont le fondateur fut considéré comme un illuminé, à l’ONU, l’espéranto affronte à la fois des réticences psychologiques et de puissants intérêts politiques et financiers.
 
Ses « tares » :
— S’opposer au conservatisme naturel de l’homme (on recherche presque tous la stabilité), être un concept révolutionnaire, celui d’une langue construite.
— Nuire à l’hégémonie de l’anglais, langue de la puissance financière et politique du moment.
— Défriser une certaine francophonie, qui se croit encore deuxième derrière l’anglais, alors que l’espagnol s’organise comme langue véhiculaire en Amérique du Sud, et le chinois en Asie !
— Être gratuit : une solution simple et gratuite, qui pourrait porter ses fruits en quatre ans à peine, ça n’intéresse aucun industriel... et inquièterait le monde de l’édition (avec 16 règles de grammaire, c’est dur d’épaissir le manuel !). Aucun logiciel à payer (le mini logiciel Ek pour taper les quelques lettres à signe diacritique, est gratuit), aucun appareil ! Le Linux des langues !
— Faire peur aux gouvernements : quel dirigeant souhaite que les peuples puissent échanger leurs idées d’un bout à l’autre de la terre ?
— Gêner les élites qui ont consenti d’énormes efforts pour atteindre à l’âge mûr un niveau acceptable (ou passable...) en anglais, qui ont collé leurs enfants dans les filières élitistes déguisées que sont les sections européennes et internationales de nos lycées, après leur avoir payé moult vacances à Londres ou aux « States ». Après avoir soutenu mordicus que l’avenir était dans l’anglais et le chinois, comment envisageraient-ils qu’il existe une meilleure option, plus efficace et moins élitiste ? Comment admettre qu’on puisse s’être trompé ?
— Déplaire à beaucoup d’enseignants en langue (pas à tous), qui craignent pour leur deuxième langue, pourtant déjà placardisée par l’anglais, sans envisager le problème dans son ensemble.
— Déplaire à tous ceux qui privilégient les préjugés à la réflexion personnelle, les croyances à la connaissance, les certitudes à la curiosité.
 
 
Conclusion (en forme de résumé, donc avec quelques redites...)
 
— Les langues étrangères représentent une difficulté majeure qui nécessite une forte motivation, des milliers d’heures, des séjours en immersion ; et dont les acquis s’oublient vite sans pratique régulière.
 
— La diversité linguistique est une richesse, mais aussi une source de difficultés : casse-tête scolaire et administratif, plusieurs langues officielles, etc.
 
— Si le plurilinguisme était simple, ça se saurait, surtout en Belgique et en Suisse où, malgré l’ancienneté du problème, il n’est toujours pas acquis.
 
— Les efforts intellectuels et les investissements pour surmonter la barrière des langues sont anciens et considérables. On peut les classer ainsi : les méthodes pédagogiques, la traduction automatique, et la simplification d’une langue, sous réserve que celle-ci soit acceptée par tous comme langue véhiculaire : la récente proposition d’un chinois simplifié (un peu) n’en fait pas ipso facto une langue véhiculaire mondiale !
 
— Malgré ces efforts, de nos jours comme au cours des siècles écoulés, seule une élite intellectuelle a pu disposer d’une langue véhiculaire commune, celle de la puissance dominante du moment.
 
Voyageurs, artistes, commerçants, marins, ces divers groupes étaient eux aussi polyglottes, et pratiquaient ce qu’on appelle aujourd’hui un peu pompeusement l’intercompréhension passive, c’est-à-dire une petite connaissance de plusieurs langues, meilleure en compréhension qu’activement.
 
— Aujourd’hui l’anglais est hégémonique dans certains métiers, finance, commerce, sciences. Mais dans ce monde à la fois globalisé et multipolaire, diverses langues gardent un rôle international : français, espagnol, chinois, russe, arabe et continuent à lutter pour préserver leur influence – l’anglais n’a absolument pas fait cesser la guerre des langues...
 
— Seule une infime partie de la planète est capable de communiquer correctement, à condition d’avoir étudié la même langue. Et cette communication reste souvent médiocre, dans une proportion impossible à connaître compte tenu de l’absence totale d’études scientifiques à ce sujet ; nous ne disposons d’une une échelle de niveau en langue que depuis quelques années ! Des débats basés sur des sondages... ça ne fait pas très sérieux sur une question aussi importante pour l’humanité !
 
— Certains pensent vaincre la malédiction de Babel par l’anglais, sous réserve de le commencer très tôt, à la maternelle, et de l’étudier intensément tout au long de la vie ; ils veulent imposer à tous cette solution éminemment injuste, puisque extrêmement bénéfique financièrement et politiquement aux « native english. ». Cette opinion, soutenue par le monde de la finance et beaucoup de politiques, est puissamment relayée par l’UE et par de nombreux médias pro-anglais : il est permis de douter de leur objectivité !
 
— Certains linguistes pensent illusoire l’idée même d’une langue véhiculaire commune à l’humanité, librement acceptée par la majorité. Mais ce n’est que leur opinion, impossible à confirmer scientifiquement. Par contre, l’envie de l’humanité de surmonter la barrière des langues, elle, est attestée par des efforts anciens et soutenus.
 
Sur les trois voies de recherche pour vaincre Babel, seules les deux premières sont réellement expérimentées !
 
Traduction automatique et pédagogie sont régulièrement subventionnées, tandis que la troisième voie, celle d’une langue construite pour être simple (à ne pas confondre avec simpliste), dont l’espéranto est l’exemple le plus convaincant, ne fait l’objet d’aucune expérimentation officielle, et ne reçoit aucun subside ! (Sauf une très petite et récente contribution européenne à un projet de conte plurilingue pour enfant.)
 
L’attitude scientifique en matière de communication, ce serait de tester la vitesse d’apprentissage de l’Eo, comparativement à d’autres langues, par exemple anglais, français, chinois, pour infirmer ou vérifier ce que disent tous les locuteurs de l’Eo, que cette langue est 8 à 10 fois plus facile à apprendre, à niveau égal, ce qui est considérable car cela change totalement la problématique de la communication.
 
L’attitude scientifique, ce serait d’organiser des tests de fiabilité de l’espéranto comme langue-pivot, c’est-à-dire des tests de traduction et de rétro-traduction (retour à la langue d’origine d’après la langue pivot, en aveugle) comparativement à d’autres langues.
L’attitude moyenâgeuse, c’est de se baser sur les clichés et les préjugés pour écarter d’emblée toute recherche sur cette voie, ce qui repousse d’autant la date à laquelle l’Humanité se verra dotée d’un outil de communication efficace et accessible au plus grand nombre, car la traduction automatique et les innovations pédagogiques ont surtout fait la preuve de leur échec.
 
L’espéranto est un concept révolutionnaire, qui affronte des résistances psychologiques et politiques considérables, ce qui explique la lenteur de ses progrès.
Les radios et la presse régionale se montrent petit à petit plus ouvertes que la presse nationale, comme récemment Sud-Ouest, et ici Sud-Ouest également,, la République des Pyrénées,, et L’Alsace au sujet du mouvement EDE aux élections européennes.
 
Gageons que la Toile a joué un rôle notable dans cette ouverture !
 
L’avenir seul dira comment l’humanité parviendra à vaincre la malédiction de Babel - cette véritable quête du Graal - mais nous ne doutons pas qu’elle y arrive un jour. La diversité n’implique pas que nous refusions un outil de communication !
 
Que le monde entier puisse se parler ou clavarder assez facilement, tout en préservant la langue et la culture de chacun, serait la plus grande révolution culturelle depuis Internet et, avant lui, l’imprimerie, ni plus ni moins !
 
(Réf. le classique sur ce thème : "Le défi des langues", Claude Piron, éd. L’Harmattan (1994))
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