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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 20:19

C’est un échec, du coup, on va en mettre partout ! Logique européenne...
En effet, les programmes Erasmus se multiplient dans l’Union européenne, qui n’a maintenant qu’un seul slogan : bougez, croissez et multipliez !

1. Pourquoi parle-t-on d’échec ?

Parce que le programme phare de l’UE, celui que tous les médias vantent avec un lyrisme de camelots, ne trouve pas preneur  !

« Sur 27.000 bourses Erasmus proposées en France, seules 23.000 ont été pourvues. 4.000 bourses n’ont été attribuées selon la ministre de l’Enseignement supérieur. »

Des étudiants qui refusent des bourses en cette période de crise, on aura tout vu !

« "L’auberge espagnole" ne ferait plus rêver les jeunes Français ? Ou la crise inciterait-elle les étudiants d’aujourd’hui plus désargentés à rester au bercail ? Une chose est sûre : alors que le programme Erasmus, popularisé par le film de Cédric Klapisch, a fêté ses 20 ans l’an dernier, l’engouement des Européens, et en particulier des jeunes Français, pour les études à l’étranger semblent s’émousser… Réuni à Nancy cette semaine, un colloque sur la mobilité étudiante en Europe a insisté sur l’urgence à redonner un coup de fouet aux échanges universitaires. Sur les 31 millions d’étudiants de l’Europe des 27, seuls quelque 550 000 d’entre eux étudient chaque année à l’étranger, soit au travers du fameux programme Erasmus (160 000 étudiants au cours de l’année 2007) ou dans le cadre de programmes binationaux. Pourtant, la progression du programme Erasmus connaît un tassement sensible avec une hausse de seulement 3,2 % en 2006-2007, contre 7,2 % l’année précédente. Seuls les douze derniers pays entrants dans l’Union européenne permettent de sauver les statistiques. »
(Le Figaro)

Ce relatif échec d’Erasmus est reconnu par la grande prêtresse de l’harmonisation de l’enseignement supérieur européen, Valérie Pécresse « herself » ! Notre sagace ministre en a facilement trouvé la raison profonde : pas assez d’anglais !

« LE FIGARO. - Comment expliquez-vous la baisse de la mobilité des étudiants français à l’étranger ?
Valérie PÉCRESSE. - J’y vois trois causes principales. La première est d’ordre psychologique. Souvent, les étudiants ne voient pas très bien ce que des études à l’étranger peuvent leur apporter dans leur cursus. Les universités doivent faire des efforts dans ce sens, en intégrant plus les stages ou les semestres à l’étranger dans la validation des diplômes. La deuxième barrière est celle de la langue. Car nos étudiants parlent trop peu les langues étrangères et en particulier l’anglais. En arrivant au ministère, j’ai constaté que l’anglais était absent de 75 % des premiers cycles d’université ! »

Elle s’était déjà fait remarquer par cet avis autorisé sur les divers maux de l’enseignement supérieur :
« Je propose 100% d’anglais en licence... Il ne faut plus considérer l’anglais comme une langue étrangère ! »

Nous sommes en mesure de révéler comment est née sa conviction que l’anglais est la solution à tout. C’était à domicile, lors d’une fin de semaine ensoleillée, propice aux travaux domestiques :

- Tu as vu que ce gazon est un peu pâlichon ?

- Mets-y un peu plus d’anglais !

- Tu veux dire d’engrais ?

- Non, non : de l’anglais, ça marche pour tout, c’est radical !

Ayant vu de ses yeux la transformation d’une minable pelouse française, pleine d’herbes folles et de crottes de chien, en gazon anglais chic et propre, Mme Pécresse, depuis ce jour, considère l’anglais comme une panacée universelle.

2. Un brin d’historique
 : comment Erasmus a commencé.
 
Comme dans une économie planifiée, c’est l’idée qui a précédé l’essence, et l’idée de base d’Erasmus, c’est que les authentiques Européens, les précurseurs historiques, sont les jetsetteurs et les gens du voyage, polyglottes et mobiles.

Quant aux citoyens qui ne connaissent de l’Europe que leur lopin de balcon, ils ne devraient même pas avoir le droit de se dire Européens, Français peut-être, à la rigueur.

« Un rapport de la Commission européenne publié aujourd’hui révèle que les travailleurs mobiles des pays qui ont adhéré à l’Union européenne en 2004 et 2007 ont eu une incidence positive sur les économies des États membres et n’ont pas entraîné de graves perturbations sur leurs marchés du travail. »

L’avis des enfants abandonnés par des travailleurs migrants pour gagner leur croûte au loin n’a pas été sollicité, pas plus que celui des ouvriers agricoles des serres surchauffées de l’Espagne. Le slogan régionaliste « Bolem viure al pais » (nous voulons vivre au pays, en occitan) appartient désormais à la préhistoire.

On croit souvent que le programme Erasmus doit son nom à Erasme, parce que celui-ci fut un penseur important de l’Europe, mais pas du tout. Le plus important n’est pas qu’il ait pensé - il n’était quand même pas le seul à réfléchir, même à cette époque d’avant la télé, - mais qu’il ait pensé à cheval ! Il fut le premier grand Européen mobile :

« En 1509, Erasme (1469-1536), après avoir voyagé entre Venise, Rome et l’Allemagne, rentre à Londres, à cheval. Sur le trajet, il compose son Eloge de la folie, qu’il rédige en quelques jours, sitôt arrivé. »
(Amazon)

Nous avions déjà l’Erasmus naturel des riches et des travailleurs, mais cette promotion de la mobilité ne pouvait se limiter aux travailleurs - nous ne sommes plus à l’époque de Zola ! Il fallait retrouver l’esprit du Moyen-Âge, les voyages à dos d’âne d’une abbaye universitaire à l’autre ; c’est ainsi que naquirent pour les étudiants et leurs professeurs ces fameux programmes qui permettent à la fine fleur de l’université d’être mélangée à d’autres Européens, comme des fruits dans un mixeur.

Erasmus fut alors vanté sans relâche dans les médias, et « vendu » comme une usine à fabriquer des Européens. On en fit même une variante pour les étrangers, sous le trop modeste vocable de Mundus (essentiellement en anglais).

Surenchérissant dans la louange, les médias se firent une concurrence sans merci :
 Café Babel, par la bouche des jeunes Européens enthousiastes :
« Pour les 20 ans du programme, en 2007, on a fait le bilan : 1,5 million de jeunes ont déjà profité d’Erasmus et chaque année, ce sont 150 000 nouveaux étudiants qui partent. Le programme a reçu de nombreux éloges : « Erasmus est le symbole de ce que l’Europe fait de mieux. Une Europe du concret, une Europe des résultats », selon les mots du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Et l’Union européenne se veut ambitieuse pour l’avenir de son chouchou. »

Avec cependant parfois un bémol :
« L’impact d’une année Erasmus sur la carrière d’un jeune est plus important dans le secteur de la sociologie et du commerce... »

Le Taurillon, lui, se demande carrément s’il ne s’agit pas du « vrai décollage de l’enseignement supérieur dans le monde ? ».

3. Quelles raisons à cet échec ?

Peut-être que personne ou presque n’en voulait !

Les étudiants ne savent pas trop ce que cela peut leur apporter, s’ils comprendront quoi que ce soit à des cours difficiles faits dans une langue étrangère ; ils supputent les difficultés de logement, d’adaptation, le faible montant des bourses.

Les professeurs, eux, 
savent qu’une expatriation de quelques mois n’apportera rien de bon à leur carrière, laissera le champ libre aux manœuvres sournoises d’un autre postulant à la chaire... ou peut-être hésitent-ils à révéler leur vrai niveau en langue étrangère ? Peut-être n’ont-ils guère envie de faire venir des rivaux potentiels anglophones natifs ?

Quoi qu’il en soit, le scepticisme des intéressés n’a d’égal que l’optimisme lyrique des Eurocrates !

Comme lu sur un site :
« Allez-vous vous inscrire pour aller passer un an dans une université, sachant que vous n’aurez probablement qu’un mois de cours de langue intensif et que vous risquez donc de n’absolument rien comprendre aux cours pendant toute l’année ? »

Ces étudiants timorés et ces professeurs conservateurs n’ont cure du rêve grandiose d’un enseignement supérieur européen intégré, ils veulent enseigner et apprendre au pays dans leur propre langue ! Shocking ! Le seul apport démontré d’Erasmus a été de faire quelques progrès dans une langue étrangère, le plus souvent en anglais.

La barrière des langues est obstinément têtue.

(Nota : cet article est totalement partial, seuls les faits sont exacts, mais c’est déjà pas mal !)
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