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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 18:33

France Inter l’a présenté dans une l’émission "Tcha tcha tchatche", d’Olivia Gesbert, 28/08/08, 10 heures, première partie, sur le thème les langues dans le monde (le français est-il menacé, l’anglais, etc.)

En duplex de France Bleu Provence : Roland Breton, géographe auteur de L’Atlas des langues du monde : une pluralité fragile, Ed. Autrement.

Avec Sylvestre Vanmuxen, président de l’association des professeurs de langues vivantes, Jean-Loup Cuisiniez, agent de maîtrise d’AXA Assistance, militant CFTC, membre du collectif pour le droit de travailler en français, et les reportages de Maja Nešković (chroniqueuse de l’ex-émission Arrêt sur images).

Félicitons ces deux journalistes pour leur ouverture d’esprit, pour avoir évité moqueries et clichés. Le boycott de l’espéranto – pourtant soutenu par des députés européens et enseigné à l’université dans d’autres pays – est si persistant chez nous dans les grands médias nationaux (c’est-à-dire à l’exception de France 3 et internet) qu’on en vient à féliciter des journalistes de faire leur travail !

M. Cuisiniez a pu aborder le thème du droit à travailler en français en France, notion qui paraît évidente, mais qu’il a été nécessaire de défendre devant les tribunaux...

Au gré des différents intervenants, il a été rappelé le rôle du colonialisme dans la répartition des langues, le rôle du rapport de forces. Que la proportion de l’anglais sur la toile a beaucoup régressé. Que, dans l’UE, la plupart des textes sont maintenant écrits en anglais, quand autrefois c’était majoritairement en français. Qu’il y avait un "manque de cohérence, de clarté" de nos politiciens sur ces sujets. Que le processus de Bologne d’intégration de l’enseignement supérieur conduisait à enseigner en anglais en France (Erasmus mundus), et à décourager les étudiants étrangers d’apprendre le français.

Malheureusement, le polyglottisme, la communication dans l’UE et dans le monde, les langues à l’école – ce sont des sujets si vastes et l’émission est si courte que bien des notions n’ont pu être abordées.

Manquait notamment toute évocation du choix des langues, du libre-arbitre : sur quelles bases morales et juridiques impose-t-on aux enfants l’apprentissage de telle ou telle langue ? Pourquoi l’idée même de choix est-elle moribonde en France ? (anglais imposé au primaire à près de 85 %, sans choix.)
 
Il a été rappelé que l’espéranto ne vise pas à remplacer les autres langues (l’analogie avec l’euro est trompeuse), qu’il ne s’agit que d’un plurilinguisme différent de français+anglais : un polyglottisme avec une langue auxiliaire européenne commune, français+espéranto+langue au choix selon les envies, l’origine familiale ou les besoins professionnels.

Quelques avis tout à fait contestables, à notre avis, ont été émis comme :


— Ce qui aurait été prouvé en matière d’enseignement précoce des langues, un domaine où les études scientifiques sérieuses, de bonne méthodologie, sont rarissimes, et où les opinions péremptoires nombreuses : c’est l’argument d’autorité qui a souvent servi à justifier des erreurs scientifiques.
On peut d’ailleurs tout à fait concevoir une initiation précoce aux langues, aux alphabets, à la phonétique différente des autres langues (projet Evlang), sans tomber dans la spécialisation précoce dans l’anglais, car le primaire est le lieu de l’ouverture d’esprit, de la découverte (divers sports, diverses formes musicales), pas de la spécialisation !


— Il a aussi été dit que l’espéranto n’avait pas vocation à être appris à l’école, alors que tant de langues sont possibles au bac en option !


— Au sujet de l’anglais : "Maintenant on ne peut plus faire marche arrière, c’est un fait établi", "l’anglais est le langage de la mondialisation".

Néanmoins, ce sont des sujets qu’il est urgent d’aborder, à l’heure où l’UE se fait chaque jour davantage un représentant de commerce de l’anglais, à l’heure où la diversité linguistique est en chute libre dans nos écoles, à l’heure où l’on se rend compte que la construction européenne telle qu’elle se fait est incompatible avec la défense de la francophonie.
Compte tenu du thème, on peut regretter le choix de la programmation musicale, aux trois quarts anglophone m’a-t-il semblé. On aurait pu songer à une chanson en italien, une en espagnol, en russe, etc., je crois qu’il y a des extraits de six ou sept chansons, dont une en espéranto !

Mais bravo donc à France Inter pour cette audace. Cette émission est écoutable pendant une semaine à compter du 28 août.
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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 18:30

Mais des noms à coucher dehors de certains athlètes, bien évidemment !

Certes, ce n’est pas très charitable, mais il faut les comprendre, ces présentateurs : aux JO, le choix des vacheries à distiller est très limité ! Dans cette noble ambiance, impossible de décharger son adrénaline ou de cracher sa bile comme jadis, en s’étonnant ou en ironisant sur un Kenyan qui courait pieds nus – ils mettent maintenant des baskets made in China, comme tout le monde, ni sur une série ou une finale, à laquelle ne participeraient que des gens de couleur non claire – ce serait le renvoi assuré, assorti d’une plainte pénale pour incitation au racisme, méritée ajouterai-je, car je n’ai pas plus envie qu’eux d’être poursuivi.

Se moquer des jeux paralympiques ? Ça va pas, non ? De toute façon, la majorité des commentateurs seront rentrés et n’assisteront pas aux jeux paralympiques, en raison d’obligations professionnelles urgentes à Paris.

Alors, lancer quelques fines plaisanteries à connotation sexuelle, au sujet des tenues moulantes, des maillots à ras du pubis ? Bof, banal à l’heure où les pubs érotiques ne font même plus tourner la tête des travailleurs pressés sortant du RER ou du métro. D’ailleurs, dans l’Antiquité, les champions ne couraient-ils pas tout nus, le corps n’était-il pas glorifié, y compris dans ses parties que la morale judéo-chrétienne a parfois jugées impures ?

Supputer les chances d’un athlète plus petit que les autres au saut en hauteur ? Attention ! Possible mais limite, à effectuer avec doigté... Pareil pour un athlète trop grand pour sa discipline, pour une maigrichonne qui concourt au lancer de marteau – sauf si elle va en finale auquel cas on peut s’émerveiller de sa performance accomplie malgré un physique inadapté.

Se moquer des Chinois qui sont dans quasiment toutes les épreuves, sur le thème "ils sont nombreux, ils sont partout" ? Banal, déjà fait par des politiciens gaffeurs... et de très mauvais goût, quand on est invité par ce grand pays, cette civilisation prestigieuse et plurimillénaire.

Rappeler leurs méthodes si particulières de surentraînement des enfants... ou l’aspect si juvénile de leurs championnes de gymnastique "âgées de 16 ans" ? Délicat, on critique la main qui nous fait vivre, on attente à la gloire du sport. Si le règlement changeait ou si le CIO vérifiait réellement l’âge des gymnastes, imagine-t-on les concours de gymnastique féminine avec des vieilles de 20 ans pas fichues de faire un nœud avec leurs vertèbres ?

Non, décidément, il est bien difficile de trouver un sujet de moquerie qui soit à la fois convivial et politiquement correct dans cette grand-messe des nobles valeurs sportives, cette communion mondiale dans la ferveur et l’exaltation du courage et de l’effort. Une pique contre le nationalisme qui sous-tend les Jeux ? Contradictoire quand on comptabilise plusieurs fois par jour les médailles françaises.

Alors, le Tibet, le dopage ? Bof, on peut l’évoquer de temps à autres pour meubler les longues périodes d’attente entre les épreuves, histoire de rappeler qu’on n’est pas dupes du sport-spectacle, du sport-business, du sport-politique, mais c’est devenu d’un banal... Et puis, c’est de la politique : depuis quand les journalistes sportifs piquent-ils des sujets à leurs collègues généralistes ?

Non, on ne se moque pas des JO. C’est tout, c’est net, c’est carré, c’est sacré.
Pourtant, pourtant, il existe bien un domaine où nos présentateurs peuvent discrètement ironiser : ce sont les noms imprononçables de certains athlètes, les étranges graphies de leurs patronymes à consonnes multiples, si nombreuses que seul un entraînement digne d’un champion – justement - pourrait permettre à un présentateur standard de prononcer correctement ces noms bizarres, exotiques, alors qu’il serait si facile de s’appeler Dupont, Durand ou Machin, voire Tao ou tout autre nom chinois, car nous avons fait un effort de formation sur les noms des athlètes du pays hôte.

Bon, se moquer des noms, oui, mais desquels ? La question est délicate, car à tout moment on risque de franchir la frontière floue du politiquement correct : pas de noms africains, on se ferait taxer de néocolonialisme, de racisme ; pareil pour les noms asiatiques... Imagine-t-on un journaliste ricaner "Hi, hi, c’est dur à dire Jongajouéômajong !" ? Mentalité coloniale et paroles vexatoires envers le continent hôte.

Avec les noms hispanisants on se débrouille, et la plaisanterie tomberait à plat. Avec les Norvégiens on a l’habitude : ça finit toujours par -ssen, et avec les États-Uniens, l’anglais étant devenu quasiment obligatoire à l’école, on sait quand même prononcer "Alien", "Star Wars" et même le gauchiste "Michael Mouuure" et "George Bouche" ne posent aucun problème de prononciation à nos journalistes.

Non, à y bien réfléchir, ne restent que les pays d’Europe centrale : les Baltes, Slaves, Lettons, ex-Yougoslaves, toute la région comprise entre la France à l’ouest et la Chine à l’est, la Suède au nord et Italie au sud, qui fait l’affaire.

Par exemple :

Chicherova (qu’il faudrait prononcer Tchitcherova)

Slesarenko (en russe : Слесаренко, qu’il faut prononcer Slessarenko)

Vlasic, Croate, née dans l’ex-Yougoslavie, à prononcer Vlachitche, car la vraie graphie de son nom est Blanka Vlašić, avant que les officiels ne lui enlèvent ses signes diacritiques

Beata Mikolajczyk, athlète polonaise, à prononcer Mikolaïtchik

Ferenc Gyurkovics (Hongrie), à prononcer Férents Durkovitch

Milosevic - le tristement célèbre Slobodan Milošević, à prononcer Milochevitch…

La première raison à ces difficultés est d’ordre linguistique : c’est la question plus générale de la transcription des noms propres, particulièrement ceux d’une langue ayant un autre alphabet. L’écriture des noms utilisant l’alphabet cyrillique reflète assez mal leur vraie prononciation...

De même, les combinaisons inhabituelles (pour eux) de consonnes déroutent les Français.

En polonais, les consonnes "sz" se prononcent "ch", et la combinaison "rz" - "ch" ou "j".

En tchèque, "c" se prononce souvent "ts" comme pour Václav Havel (Vatslav Havel).

Divers autres exemples existent, mais, en bon Français peu familier des langues slaves, même européennes, j’ai déjà une migraine.

A ce sujet, rappelons que, plutôt que d’imposer l’anglais à l’école primaire, comme on l’a fait (rares exceptions), il eut été possible de soutenir le projet Evlang (Éveil aux langues) qui aurait eu l’avantage de familiariser les enfants avec divers alphabets et diverses langues européennes, à l’âge où leur oreille musicale est plus performante. Des choix politiques en ont décidé autrement...

La deuxième raison est que nos commentateurs ont probablement utilisé des documents fournis par les autorités organisatrices des Jeux, à savoir les Chinois, qui, bien qu’ayant fait de petits gestes pour épargner notre amour-propre, ont massivement utilisé l’anglais comme langue officielle, et donc leur transcription approximative. Car on ne peut attendre des Étas-Uniens qui font des remakes des films plutôt que d’aller les voir doublés, qu’ils fassent un effort de transcription phonétique de noms tout à fait exotiques pour eux !

En outre, certaines langues perdent leurs signes diacritiques une fois passées entre nos mains ! N’est-ce pas un peu choquant ? Accepteriez-vous qu’on vous enlève un morceau de votre anatomie ?

A noter que même dans une langue utilisant l’alphabet latin, cette question peut se poser : Georges Bush devrait être transcrit George Bouche, et Michael Moore, Michael Moure.

La meilleure solution – valable dans tous les cas et tous les alphabets – serait de systématiquement indiquer la graphie d’origine suivie de la transcription en français (pour la France), de cette façon :
Václav Havel (Vatslav Havel)
Blanka Vlašić (Vlachitche)

Par sympathie envers les difficultés des commentateurs sportifs et en signe d’encouragement, nous leur signalons l’existence sur internet de nombreux sites, sur lesquels ils pourront – pendant les quatre ans qui nous séparent des JO de Londres – peaufiner leurs connaissances linguistiques. Par exemple : "Apprendre à parler croate".

Ainsi, nous avons bon espoir que, dans les prochaines années, plutôt que la navrante remarque "ça, c’est pas facile à prononcer", nous aurons la joie d’entendre d’autres formulations, moins vexatoires, qui seront soit formulées dans le registre humoristique :


— Avec ce qu’on me paye, je vais quand même pas devenir linguiste !


— Je suis commentateur sportif, pas traducteur à l’ONU !

Soit dans le registre neutre ou cultivé :


— Je ne sais pas prononcer ce nom.


— Je vais me renseigner.


— Cher confrère, pardonnez mon ignorance, mais pourriez-vous me rappeler comment ça se prononce ?

Voire enthousiasmé par sa nouvelle mission éducative, bien dans l’esprit du service public :


— Chers téléspectateurs, j’ai le plaisir de vous apprendre, si vous ne le savez déjà que "Xztlcqsugopk" se prononce en fait tout simplement : "Tchaojedémissionneetjefaisunstagedeplombierça payebienparaît-il" !
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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 18:29

Chroniques de la guerre des langues. Quelques nouvelles en vrac, en excluant les problèmes de la Belgique que les journaux relatent déjà abondamment.

Le français et le catalan :
(communiqué de presse de l’ambassade, jeudi 10 avril 2008)
Aujourd’hui, jeudi 10 avril, MM. Bruno Delaye, ambassadeur de France en Espagne, et Ernest Maragall, "conseiller" d’Éducation de la Generalitat de Catalunya, signeront un accord de coopération linguistique et éducative entre la France et la Catalogne.

Au-delà des commentaires sur le développement du tourisme et de l’économie transfrontalière, cet accord nous montre une évidence que les médias n’ont pas relevée : les pays ne respectent que les langues qui se défendent ! Celles qui luttent pour vivre au quotidien : imagine-t-on que si le catalan n’était pas aussi vivace (première langue de la Catalogne espagnole), la France aurait signé un tel accord ? Non, elle aurait signé avec l’Espagne pour le développement de l’enseignement de l’espagnol et du français. Moralité : une langue qui veut vivre doit se défendre. A méditer...

Autre exemple de défense :
"Le président russe, Dmitri Medvedev, a milité mercredi pour l’attribution à la Russie d’un nom de domaine internet en alphabet cyrillique afin de promouvoir la langue russe dans le monde."

L’allemand fait une percée en Albanie : un accord a été signé pour l’ouverture de sections bilingues dans quelques établissements de Tirana.

Un regain d’intérêt pour les langues locales ?
Dans divers pays où la langue dominante, employée dans l’enseignement, est d’une autre origine, on assiste à un retour vers l’utilisation de la langue locale.
Madagascar :
"Poussée par la Banque mondiale, Madagascar a décidé de revoir de fond en comble son système d’éducation au niveau du primaire. A une extension de la durée de l’enseignement, vient s’ajouter le retour du malgache comme médium d’enseignement. Ce changement de politique entraîne une série de réformes, de la recherche académique pour harmoniser les terminologies malgaches à la formation des enseignants."

Lettonie
"Du temps du pouvoir soviétique, les langues d’enseignement étaient le letton et le russe. Le russe était une matière obligatoire dans les écoles lettones, mais le letton n’était pas obligatoire dans les écoles russes. Suite à l’indépendance lettone, des écoles minoritaires ont été rouvertes comme lors de la première période de l’indépendance lettone, pendant laquelle les langues minoritaires étaient permises dans les écoles. (...) Pourtant, le nombre d’élèves fréquentant les écoles russes est en train de baisser."

Le doublage des films :
L’Ukraine veut imposer le doublage des films en ukrainien, ce qui paraît naturel, mais la communauté russophone importante à l’est du pays peut le regretter, car autrefois tous les films étaient doublés en russe :

L’UE refuse que d’autres langues modifient l’écriture de l’euro, qui convient telle quelle en français, en anglais et en allemand, je crois, mais pose problème dans certaines langues :
"Euro doit s’écrire euro. La Lituanie, la Lettonie, la Slovénie et la Hongrie souhaitaient écrire l’euro différemment pour en faciliter la prononciation dans leur langue. Mais les ministres des Finances européens ont décrété que, pour des raisons de clarté et d’unité, l’euro devait être orthographié de la même manière dans tous les pays de l’UE, à l’exception de la Grèce dont l’alphabet n’est pas latin."
Source : rassemblement des Français de l’étranger

"Parce que la population hispanophone est en constante croissance dans la région des Bois-Francs, la ville de Victoriaville (Québec, Canada) a décidé d’outiller adéquatement ses répartiteurs 911 pour faire face à d’éventuels appels d’urgence en espagnol."

Après le chinois, le hindi devient fait une percée aux Etats-Unis.

Qui croit encore que l’anglais sera la langue mondiale ? Il sera ce qu’il est, une des dix langues à diffusion internationale.

Après la Suède, la Norvège, d’autres pays se rendent petit à petit compte des dommages que peut causer à leur langue un usage trop grand de l’anglais à l’université. Voici un témoignage de Tchéquie :
"Il nous vient des mots que personne ne cherche plus à traduire en tchèque. Il faut tenir compte du fait que les étudiants écriront de plus en plus souvent leurs articles, leurs essais et leurs comptes-rendus en anglais. C’est en anglais qu’on rédige des demandes de moyens financiers et de subventions. Tout finit par être exprimé en anglais. Peut-être un jour regretterons-nous d’avoir perdu la langue de spécialité tchèque." (Helena Illnerová, ancienne présidente de l’Académie des sciences tchèques).

Et l’espéranto ? Il progresse à son rythme, qui s’est accéléré ces dernières années, en partie grâce à internet et à l’explosion de la communication mondiale.
Le site du "Forum social mondial" s’affichera bientôt également en espéranto (langues déjà utilisées : portugais, anglais, français, castillan), les traductions sont en cours. Certains groupes étaient présents dès la naissance du FSM. Et son usage comme langue-pont facilitera certainement la traduction vers d’autres langues.
En octobre 2002, la proposition de traduction avait été refusée. L’année suivante, la question de la démocratie linguistique a trouvé davantage d’écho.
(source : Libera folio ; Monda Socia Forumo)

Le Forum social européen affiche déjà une version Eo :

Depuis quelques mois, les bateaux-mouches de Strasbourg proposent aussi l’espéranto pour la visite guidée par les canaux de la ville.

Finissons sur une note optimiste et réjouissante :
"Brésil - A 101 ans, il sait enfin lire et écrire
Ce retraité brésilien recevra son certificat d’alphabétisation cette semaine. Il a su profiter d’un programme scolaire mis en place dans sa région", France soir.

Conclusion

Dans ce monde cruel, il faut se défendre. La vie des langues vivantes n’est pas un long fleuve tranquille ; celles qui veulent un futur doivent se battre, défendre leur place et leur rang dans l’UE et, surtout, vivre au quotidien, avoir des locuteurs, car la survie artificielle d’une langue qui serait en quelque sorte placée en réanimation est quasiment vouée à l’échec. Ce principe est également valable pour les grandes langues qui, certes, ne sont pas menacées de disparition, mais dont l’influence peut diminuer très vite...
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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 18:28

Depuis le temps que le français existe et qu’il est parlé, on croirait cette question résolue  ; il semble pourtant que non !

Il y a en gros deux opinions en présence :

- l’une voulant que l’accent tonique soit un accent de groupe ("syntagme" en jargon linguistique) où la proposition serait prononcée d’un ton monocorde jusqu’à la syllabe accentuée ;

- l’autre que chaque mot ait un accent tonique sur la dernière syllabe prononcée (cette précision étant relative aux syllabes finissant par une voyelle muette) ; à cet accent tonique du mot se rajoute l’accent de groupe, comme dans beaucoup d’autres langues, avec éventuellement une accentuation dans la phrase et les accents régionaux.

1. Quelques références sur les tenants de l’accent de groupe

Un article de Wikipédia, relativement confus, mais qu’on trouve souvent repris :

"Là encore, l’augmentation d’intensité est variable, selon les langues. Alors que dans la majorité des langues romanes elle est très marquée, elle est, en français, relativement faible, voire inaudible. En effet, l’accent tonique du français est marqué pour chaque mot (hormis les clitiques) seulement quand ils sont isolés. Dans une phrase, seul le dernier mot de chaque syntagme portera l’accent, d’autant plus dans une diction rapide et courante. On parle alors d’un "accent de groupe de sens". (...) En effet, la notion de "groupe de sens" est variable : on peut considérer que "la petite maison dans la prairie" est composé de deux syntagmes : "la petite maison" + "dans la prairie" ou bien que le tout forme un syntagme unique."

"Cette particularité est due au fonctionnement très original de l’accent tonique en français. Contrairement à ce qui se passe en anglais ou en espagnol, où les mots ont chacun un accent tonique, invariable, noté dans le dictionnaire, et donc repérable à l’oral, l’accent tonique en français n’appartient pas au mot. Il concerne l’ensemble des mots prononcés d’une seule émission d’air (ce que les spécialistes appellent "le groupe phonique"), dont il frappe la dernière syllabe à voyelle prononcée (excluant donc l’e dit muet). Ce qui implique, entre autres, que les mots français puissent selon leur place dans ce groupe phonique, être ou non accentués."

(Eveline Charmeux critiquant le rapport Bentolila)

"Les Français ignorent la notion d’accent tonique. Ajoutons que Lancelot, dans ses Instructions, quand il traite de la poésie italienne et de la poésie espagnole, connaît la notion d’’accent’ (l’accent tonique tombant pour la dernière voyelle masculine (DVM, d’après la terminologie de Benoît de Cornulier), mais n’en parle pas quand il traite de la poésie française. Bacilly se préoccupe de quantité, mais ne parle pas d’accent.

D’Olivet (Traité de prosodie française, 1736) distingue les accents prosodique, oratoire, musical, national, imprimé. Le français n’a pas d’accent prosodique, mais peut recevoir toutes sortes d’intonations."

"Dans la langue contemporaine, nous n’avons que des formes atones (c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’accent tonique) : Mon école."

"En français, il n’y a pas de tons. Seuls existent l’accent et l’intonation. (...)

Sur le plan de la place de l’accent, le français est une langue à accent fixe, même s’il n’y a pas véritablement d’accent de mot en français. La tendance consiste à accentuer la dernière syllabe de l’unité rythmique prononcée (mot, syntagme ou même la phrase). Ainsi, dans les exemples qui suivent, seule la syllabe finale (du mot, du syntagme, puis de la phrase) se démarque : (...)"

Les partisans de cette théorie disent que si les Français ont du mal dans les langues étrangères (idée reçue totalement fausse à notre avis), c’est parce que leur langue n’a pas d’accent tonique et que donc ils ne le perçoivent pas…

2. Quelques références en faveur de l’accent tonique fixe sur chaque mot :

"Dans les langues à accent tonique fixe, comme le français, le tchèque (sur la première syllabe), ou le turc (sur la dernière syllabe), la fonction contrastive de l’accent est de type démarcatif."

(Laboratoire de phonétique et phonologie de l’université Laval à Québec)

"Les bébés espagnols, exposés à une langue à accent tonique variable, reconnaissent les patrons accentuels dans des suites de (non-)mots, alors que les enfants français, exposés à une langue à accent tonique fixe, semblent les ignorer." (CNRS)

En français standard, l’accent tonique est fixe et frappe des vocables (oxytonie). Il s’agit-là d’une option actuelle unique en Europe.
(Psycholinguiste Jean Petit)

"2.4.2.1 Accent tonique ou accent fixe

On fait habituellement une distinction entre accent libre et accent fixe (Marchai, 1980 : 88-89). L’accent libre peut être déplacé d’une syllabe à l’autre et permet de donner deux sens à une même séquence phonémique.

Par exemple, en anglais, le déplacement de l’accent d’une syllabe à l’autre entraîne dans certains cas un changement de catégorie grammaticale.

Ex. : ’ import = importation

im’port = importer

L’accent fixe frappe toujours la même syllabe dans la chaîne parlée. Par exemple, en français, quand on parle sans émotion, sans affectation, sans insistance expressive ou didactique, l’accent touche toujours la dernière syllabe du mot."

(UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À CHICOUTIMI)

"La prosodie française qui obéit à des règles précises - l’accent tonique portant sur la dernière syllabe non muette - et son apparente similitude à celle du coréen."

(Groupe interparlementaire d’amitié France-Corée du Sud)

"LES ACCENTS DES MOTS

Dans les mots comportant plusieurs syllabes, certaines sont plus marquées que d’autres. Elles s’entendent davantage :

- enclos, marteau, laurier, fromage.

- en(clos), mar(teau), lau(rier), fro(ma)ge.

Ces syllabes sont "accentuées" ; on dit aussi "toniques". Les autres sont appelées "atones".

Lorsqu’un mot se termine par un "e" muet, l’accent tonique porte sur "l’avant dernière syllabe". On dit que ce mot à une terminaison "féminine". Exemple ci-dessous :

- Une as"per"ge, une i"ma"ge.

Quand un mot ne se termine pas par un "e" muet, l’accent tonique porte sur la "dernière syllabe". On dit que le mot à une terminaison "masculine".

Exemple ci-dessous :

- Le tra"cas", une orai"son"."

Cette place est également illustrée a contrario par une erreur fréquente des journalistes du Québec, peut-être à cause de l’influence de l’anglais, mais aussi des journalistes de France, qui déplacent fréquemment l’accent tonique, mais ce peut être aussi un simple tic professionnel pour mettre de l’emphase :

"L’accent tonique est à la base d’une langue. Si on le déplace, on dénature la langue. Dans l’ouvrage de référence de celui qui a souvent conseillé Bernard Derome, on peut lire : "En français, l’accent tonique doit s’appliquer sur la dernière syllabe sonore d’un mot." Or, plusieurs journalistes placent leur accent sur la première ou la seconde syllabe comme il faut le faire… en anglais. Par exemple, on ne doit pas dire : "MOnique LAberge, RAdio-CAnada MONTréal", mais plutôt : "Monique LaBERGe, Radio-CanaDA MontRÉAL". Camil Chouinard précise que les déplacements d’accent tonique que nous faisons au Québec sont en général des anglicismes. C’est ainsi que le calque de l’accent tonique anglais détruit complètement la musicalité du français."

"Le français est dite langue à accent "fixe", uniquement parce que l’on peut très bien lire ou parler en mettant toujours l’accent sur la dernière syllabe accentuable du mot sans gêner la compréhension."
(Thèse de doctorat)

3. Les enseignants du français langue étrangère le perçoivent souvent fixe et sur chaque mot :

"La structure type de la phrase néerlandaise nécessite d’attendre la fin de la phrase.

L’accent tonique du mot français se trouve invariablement sur la dernière syllabe.

En Néerlandais c’est rarement le cas."

"En russe, (contrairement au français où l’accent tonique des mots se situe toujours sur la dernière syllabe de ceux-ci) l’accent varie d’un mot à l’autre."

"R.-J. Tournay a reconnu des formes métriques de l’hébreu formées par l’association de plusieurs accents toniques successifs en un groupe homogène. Or, presque tous les mots en hébreu massorétique (voir note 6) ont l’accent tonique sur la syllabe finale, comme en français ; seuls quelques mots voient leur accent refluer sur la pénultième, soit pour éviter le choc de deux accents successifs, soit pour marquer la fin du verset 4."

"En portugais, l’accent tonique (la voyelle que l’on prononce plus fort) ne tombe pas comme en français sur la dernière syllabe, mais sur la voyelle précédant la dernière consonne sonore, c’est-à-dire en général sur l’avant-dernière syllabe, comme dans le mot capoeira, ou sur la dernière quand la consonne finale est sonore, comme dans les verbes : jogar (jouer)."

L’arménien a toujours été une langue à accent tonique fixe et final, avec possibilité d’accent de syntagme, comme le français.

4. Une troisième opinion voudrait que l’accent tonique porte sur le mot OU le groupe... C’est l’option prudence !

C’est le cas de l’équipe qui avait finalisé le projet Evlang (Eveil aux langues), une initiation linguistique non spécialisée dans une langue, destinée à l’école primaire. Peut-être ne voulaient-ils vexer aucune sommité du monde pédagogique...

"Le français ne fonctionne pas ainsi, mais comporte tout de même une accentuation tonique, quoique plus faible. L’accent tonique frappe la dernière syllabe du mot ou du groupe de mots et joue ainsi un rôle important au niveau de la syntaxe : il permet de démarquer les différents groupes de mots et de montrer ainsi la structure de l’énoncé."
(Projet Evlang)

5. Notre avis de non spécialiste :

En anglais, l’accent tonique est mobile, la phonétique de cette langue est de ce fait totalement irrationnelle, il faut pratiquement apprendre séparément la prononciation de chaque mot.

Un accent tonique fixe sur la dernière syllabe (prononcée) était-il trop simple ? A-t-on voulu se distinguer comme nos amis anglais ?

Il est si simple de dire qu’il est fixe sur la dernière syllabe du mot, et qu’il y a également un accent de groupe (syntagme) comme dans de nombreuses langues.

C’est en tout cas ainsi que le présentent bon nombre de ceux qui enseignent le français aux étrangers, car ceux qui côtoient plusieurs langues l’entendent comme fixe sur chaque mot, ce qui n’exclut pas l’accent de groupe.

Cela n’a finalement rien d’étonnant car lorsqu’on enseigne à des étrangers, il est préférable d’expliquer les choses de façon pratique et claire ; de plus, les polyglottes sont les mieux à même de faire la comparaison entre différentes langues.

Prenons un mot au hasard, par exemple le chocolat (parce que c’est bon), il n’existe que 3 façons de le prononcer, si on exclut les tons à la chinoise, dans la phrase "le chocolat est chaud :

CHO-colat, choCO-lat, chocoLAT.

Certains pensent qu’on peut prononcer chocolat d’une façon monocorde et régulière sans accent tonique, et faire porter celui-ci uniquement sur chaud. A notre avis, c’est impossible,

car si on utilise pas les 2 premières façons ne reste que la 3e possibilité, l’accent tonique sur la troisième syllabe.

Mais il est faiblement marqué – ce qui explique ce débat récurrent.

Cela n’exclut pas l’accent de groupe (syntagme) ni de phrase ni les accents régionaux.

On peut s’étonner qu’un détail aussi basique d’une langue fasse encore débat.

Basique, oui, mais au sens de base indispensable à l’apprentissage, même aux débutants, surtout aux débutants. Et ceux-ci doivent avoir quelque peine à croire que la célèbre maxime "ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément" soit d’un Français...

La bonne nouvelle est que malgré cette polémique faussement savante, les Français se comprennent encore à peu près !

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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 18:27

Le "processus de Bologne" fait partie de la "stratégie de Lisbonne" dont l’objectif est la construction dans l’UE d’une économie plus compétitive et plus innovante, on lit même parfois la plus innovante au monde - autant voir grand. Mais la France et le français seront inévitablement victimes du processus de Bologne, qui amplifie l’anglicisation de l’enseignement supérieur.

Nous avons déjà abordé sur AV le fait que les pays nordiques s’interrogent sur les effets de cette politique linguistique, mais d’autres aspects de la question méritent d’être discutés.

1. Qu’est-ce que le processus de Bologne ?

2. Avantages annoncés par l’UE.

3. Et les sous ?

4. L’UE reconnaît les nombreux obstacles à la mobilité des étudiants et des enseignants.

5. Diverses critiques sont déjà apparues.

6. La visibilité internationale.

7. La réponse actuelle à l’obstacle linguistique : l’anglicisation de l’enseignement supérieur.

8. Un processus gagnant-gagnant, ou gagnant-perdant ?

9. Les pays qui ont anglicisé leur enseignement supérieur, Suède et Norvège,
s’interrogent.

10. Les effets secondaires sont déjà visibles en France.

11. Une nouvelle religion européenne : la mobilité.

12. L’idéologie qui préside au processus de Bologne : une vision économique de la recherche.


1. Qu’est-ce que le processus de Bologne ?

La Déclaration de Bologne de 1999 a fixé comme objectif la création d’un espace européen de l’enseignement supérieur, un cadre commun, ce qui nécessite un abandon progressif des systèmes nationaux pour une structure à trois niveaux (licence, maîtrise et doctorat, LMD, ou bachelor, master et doctorat selon les pays). Il s’accompagne d’un système de crédits pour confirmer les acquis et assurer une équivalence reconnue dans toute l’UE, ce qui permettra un transfert de ces crédits d’un pays à l’autre.

Une présentation sur le site Euractiv

Le système est en fait à 2 étages, inspiré des USA ("undergraduate" et "postgraduate"), mais, comme le deuxième cycle est divisé en cycle court (maîtrise) et cycle long (doctorat), c’est similaire au système à trois étages LMD, déjà en place en France dans de nombreuses filières.

Il est également envisagé de rapprocher les calendriers universitaires et scolaires des différents pays, afin de faciliter la mobilité des enseignants et des étudiants.


2. Avantages annoncés par l’UE :

Mobilité des étudiants, permise par le transfert des crédits, et amélioration de l’employabilité des Européens.

Lisibilité plus grande de l’enseignement supérieur européen, et compétitivité accrue des universités européennes sur le plan international.

Les rapports européens sur les programmes Erasmus et Erasmus mundus sont particulièrement creux : ils détaillent les chiffres par pays, et commentent largement la satisfaction des participants sans préciser quelles matières ont été étudiées ni dans quelle(s) langues, sans évaluer ce que ces quelques mois d’études dans un pays et une langue étrangère ont apporté aux étudiants en terme de compétences professionnelles dans leur domaine.

Le "rapport intermédiaire" (2007)

Remarquons qu’il n’est nullement prouvé que des étudiants suivant pendant quelques mois des cours dans une langue étrangère en tirent un bénéfice dans leur domaine.

Malgré la légèreté de ces bilans, les déclarations d’intention sont toujours teintées du plus grand lyrisme :

"L’Europe de l’enseignement supérieur est en marche."


3. Et les sous ?

On nous présente comme un postulat que l’harmonisation de l’enseignement supérieur améliorera la compétitivité de la recherche européenne, en oubliant de parler du nerf de la guerre - le financement !

Les investissements en recherche et développement sont en diminution dans l’UE (1,85% du PIB en 2006), bien inférieurs à ceux des États-Unis (2,5%) et du Japon (3%). Finlande et Suède sont depuis longtemps déjà à plus de 3%, meilleurs élèves de la classe européenne en matière de RetD, financée en partie par les états, en partie par les entreprises, ce qui complique l’analyse : qui, des entreprises ou des États, a fléchi ?

Quoi qu’il en soit, les mêmes pays qui investissent le plus dans la recherche universitaire voient leurs entreprises investir davantage. La création de l’Institut européen de technologie s’inscrit aussi dans cette stratégie.

Diverses formes de coopération transnationale et inter-établissements de recherche existent déjà depuis longtemps, bien avant ce processus de Bologne. Et le fait que l’harmonisation de l’enseignement supérieur européen favorise la recherche et la compétitivité européennes n’est qu’une supposition. L’innovation est difficile à programmer.

4. L’UE reconnaît les nombreux obstacles à la mobilité des étudiants et des enseignants

Ce sont d’abord des problèmes techniques : statut, fiscalité des bourses, logement (difficile sans statut), validation, régimes sociaux, pas de droit aux réductions étudiantes pour les stagiaires, etc. Du côté des enseignants, l’obstacle est plutôt le manque d’enthousiasme devant le peu d’intérêt de quelques mois à l’étranger sur le déroulement de leur carrière.

Mais le principal obstacle, et de loin, c’est la barrière des langues. Or, si les difficultés linguistiques sont plusieurs fois citées dans le rapport très détaillé mentionné plus haut, elles ne font l’objet d’aucun bilan, d’aucun commentaire, d’aucune proposition !

Répétons-le, pour bien s’en convaincre : l’obstacle principal au processus de Bologne n’est pas du tout commenté dans le rapport d’évaluation !

En matière de langue, le non-dit demeure la règle. Passons outre ce tabou et disons donc le non-dit : l’anglais serait aux yeux de certains le nouveau latin. Ils partagent la vision grandiose d’un nouveau Moyen-Âge où les étudiants de l’UE et du monde entier iraient d’une fac à l’autre suivre l’enseignement supérieur en anglais... Quelle est la part du fantasme dans cette vision ?

Voilà en tout cas ce que beaucoup pensent, mais que personne n’écrit, car c’est à la fois contraire aux principes fondateurs de l’Europe (égalité des peuples et des langues), et anticonstitutionnel en France - même si depuis de nombreuses années divers établissements violent cet article 2 de la constitution en toute impunité.


5. Diverses critiques sont déjà apparues

Les détracteurs du processus de Bologne dénoncent une marchandisation de l’enseignement supérieur, une diminution de la justice sociale, une perte d’autonomie intellectuelle des établissements (avec le risque d’une certaine standardisation des formations et des recherches), et un possible raccourcissement de certaines études.

"Parmi les principaux détracteurs de réformes en cours, on compte la Fédération des étudiants francophones, l’Aped et, dans une moindre mesure, l’Union des Étudiants de la Communauté française."

(La Fédération des étudiant(e)s francophones (FEF) est la plus grande organisation regroupant les délégations étudiantes de la Communauté française de Belgique.)
"(...) D’une part, la Fédération soutient les mesures visant à favoriser la mobilité étudiante au niveau européen et la reconnaissance internationale des diplômes.
D’autre part, la Fédération s’est toujours montrée réticente face à la vision marchande et compétitive de l’enseignement supérieur qui est véhiculée, selon elle, dans les instances de décision du processus de Bologne. C’est pourquoi la Fédération s’est opposée à certains aspects des réformes entreprises récemment en Communauté française sous l’égide du processus de Bologne." (Wikipedia)

En Suisse (non membre de l’UE, mais très représentative des difficultés du plurilinguisme), les réactions sont majoritairement favorables ; les commentaires suivants, bien que ce ne soit pas leur but, confirment le risque d’anglicisation de l’Union européenne toute entière :

"Les deux Écoles polytechniques fédérales de Zurich et Lausanne affichent avec fierté leurs proportions élevées d’étudiants et d’enseignants étrangers. A Zurich, elle est de 60% pour les professeurs et de 56% pour les doctorants. Et l’environnement de la recherche est exclusivement anglophone. Pour sa part, Anders Hagström est convaincu que la Suisse tire un excellent profit de la présence de cette matière grise étrangère."

"Et pour attirer des étudiants d’autres nationalités, il faut impérativement proposer des filières de formation en anglais, poursuit cette responsable des relations entre universités suisses et étrangères. Force est d’admettre qu’aujourd’hui, le véritable langage académique, c’est l’anglais".

"Pourtant, le monde politique reste divisé face à l’importance grandissante de la langue de Shakespeare dans l’enseignement, qui reste avant tout l’affaire des cantons. Certains privilégient l’anglais au primaire, d’autres estiment que les élèves doivent d’abord apprendre une seconde langue nationale. Dans les universités, la pratique de l’anglais n’est pas récente, mais elle a indéniablement pris de l’ampleur au cours des dix dernières années (...)"

Un autre type de critique pointe le fait que les pays sont toujours concurrents, malgré la construction européenne :

"Les classements sont mondiaux, les étudiants à haut potentiel sont courtisés sur tous les continents. Les temps ne sont plus dès lors à la coopération : chaque pays tente de se placer au mieux dans la compétition. Le processus de Bologne fait pudiquement écran devant les enjeux du moment et les stratégies qu’ils inspirent, à savoir la segmentation de l’offre universitaire qui sera présentée demain par des réseaux internationaux et sans doute intercontinentaux très hiérarchisés. Leur accès sera régulé par des droits d’inscription dont la hauteur sera proportionnelle au prestige de la certification de la qualité que chacun aura obtenue"

Jean-Emile Charlier
Professeur des Facultés Universitaires Catholiques de Mons (FUCaM)
http://www.lemensuel.net/Ou-en-est-...


6. La visibilité internationale.

En quoi un cadre commun LMD donnerait une meilleure visibilité, nul ne l’explique. Un postulat de plus. Nous avons quelques doutes sur le fait que des étudiants asiatiques ne situent pas sur le globe la région du monde qui fabrique les Airbus ou le TGV (va-t-on l’appeler VHS, Very High Speed ?). Quant au classement de Shanghai des universités, tout le monde sait qu’il est bidon : certes le dynamisme de la recherche étatsunienne est incontestable, mais il suffit de regrouper diverses facultés parisiennes ou grandes écoles à la dimension d’un campus plus grand pour avancer dans ce classement très suspect.

Les programmes Tempus visent les nouveaux pays de l’est indépendants, et d’autres pays volontaires d’Europe centrale et orientale ; Erasmus mundus, destiné spécifiquement aux étudiants hors-UE, ne donne son agrément pratiquement qu’à des cursus en anglais, y compris en France. En 2007 et 2008, environ 90% des cursus sont en anglais, 80% exclusivement.

Sous couvert de visibilité internationale, ce qui va bien se voir de loin, c’est que la science de l’UE est anglophone !


7. La réponse actuelle à l’obstacle linguistique : l’anglicisation de l’enseignement supérieur.

Ce n’est pas officiel, mais avoué à demi-mot et sans complexes par des personnalités comme Mme Pécresse, Bernard Kouchner, Attali et bien d’autres.
"18/03/2008 (…) Mme Pécresse nous annonce qu’elle "ne milite pas pour imposer l’usage déclinant (sic) du français dans les institutions européennes à l’occasion de la prochaine présidence française de l’Union. (…)"

Elle a par ailleurs récemment plaidé pour la levée du "tabou de l’anglais".

Il est facile de vérifier sur la Toile à quel point le processus de Bologne est intimement lié à l’anglicisation de l’enseignement :
About the Bologna Process

Dix Lignes d’action du Processus de Bologne Action (uniquement en anglais)

Prise de décision dans le Processus de Bologne (uniquement en anglais)

La 6e Conférence ministérielle sur Bologne se tiendra à Louvain-la-Neuve les 28 et 29 avril 2009.
Secrétariat du processus de Bologne

100% monolingue en anglais !


 8. Un processus gagnant-gagnant, ou gagnant-perdant ?

La théorie des promoteurs du processus de Bologne :

"Dans le domaine de l’enseignement supérieur, les meilleurs étudiants d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique préfèrent, s’ils peuvent choisir, effectuer un MBA dans une université américaine plutôt que des études en Europe. Ce déséquilibre est particulièrement flagrant pour les études avancées d’ingénieur, de mathématiques et d’informatique. De plus, près de la moitié des Européens obtenant un doctorat outre-Atlantique y restent plusieurs années après leur diplôme."

(Viviane Reding, commissaire européenne à l’Éducation et à la Culture. 12/09/03)

 Les langues de faible diffusion y trouveront effectivement leur compte, car il sera probablement plus facile pour la Lituanie, la Slovénie, ou même la Catalogne (8 millions de locuteurs de catalan) d’attirer des étudiants en proposant un cursus en anglais plutôt que dans leur propre langue. Sans considération de valeur culturelle, on peut supposer que des étudiants hors-UE auront déjà quelques notions d’anglais mais aucune de catalan ou de slovène.

Par contre, les langues de grande diffusion comme le français (une des langues de travail de l’UE) sont à notre avis dans une position tout à fait différente, car France et Allemagne attirent depuis longtemps de nombreux étudiants étrangers.
Où est-il démontré qu’on séduira davantage un étudiant en mathématiques, asiatique ou africain, par des cours en anglais plutôt qu’en lui proposant des bourses, des aides au logement, un suivi de son intégration dans son nouvel environnement ?

Autrefois, des étudiants ayant choisi la France, ayant fait l’effort considérable d’apprendre le français, choisissaient souvent d’y travailler des années. Ce ne sera plus le cas. Après six mois en France en anglais, ils iront suivre des cours dans d’autres pays européens, toujours en anglais. In fine, les plus brillants seront tentés d’achever leurs études par des formations post-doc en GB ou aux États-Unis, d’autant plus qu’ils auront fait de grands progrès en anglais. Leurs années les plus productives risquent fort de se passer aux USA ou en GB, qui en retireront les bénéfices en terme de recherche et de brevets.

Quant aux étudiants français ou allemands, ils peuvent tout à fait être formés dans leur propre pays jusqu’au plus haut niveau. Seuls une poignée d’entre eux auront l’utilité de stages à l’étranger dans des labos de pointe.


9. Les pays qui ont anglicisé à outrance leur enseignement supérieur, Suède, Norvège et Danemark, en constatent maintenant les effets pervers sur leurs langues, menacées de disparition, et s’interrogent. Je renvoie à mon précédent article, qui cite des extraits de presse de ces différents pays.


10. Les effets secondaires de cette politique sont déjà visibles en France

La notion de choix des langues est morte dans nos écoles : l’anglais est imposé au primaire à 86% des enfants - c’est-à-dire sans que les parents se soient vus proposer un choix de langues. Beaucoup auraient choisi l’anglais, n’en doutons pas, mais la vérité crue, c’est que sans aucune loi, on impose maintenant une langue étrangère comme si celle-ci était devenue une matière obligatoire.

Et cela ne concerne pas que l’école primaire : au secondaire aussi, la diversité linguistique est en chute libre, certaines 6e ne "proposant" que l’anglais !
L’apprentissage précoce de l’anglais (officiellement, il faut dire "des langues") a même déjà ses extrémistes :

"(...) car, chez les petits tout cela se fait naturellement.(...) Tous les élèves devraient pouvoir suivre certains de leurs cours, comme l’histoire ou la géographie, dans une langue étrangère, et des activités ludiques, faisant appel aux langues, devraient leur être proposées en dehors des heures de classe". Wolfgang Mackiewicz, du Conseil européen pour les langues."

Pourtant, aucune étude scientifique ne confirme ces délires, ce serait même plutôt le contraire, les experts concluent souvent par des appels à la prudence.

Certains établissements d’enseignement supérieur et de recherche sont déjà devenus partiellement anglophones ! Il est instructif de visiter le site du CNRS, de Pasteur, ou de recenser les nombreux établissements qui organisent et imposent à leurs étudiants des cours en anglais. Tous les enseignants ne sont pas enthousiastes devant cette évolution, mais les opposants le font au risque de leur carrière, puisque hiérarchie et médias roulent pour l’anglais.

Nous y perdons l’esprit européen, qui s’est crée sur le principe de l’égalité des langues et des cultures.

Nous aboutissons à la monoculture anglophone, et l’UE perd son âme dans le processus de Bologne.

Perdre son âme, passe encore, mais nous perdons aussi du pognon ! L’hégémonie de l’anglais rapporte déjà à la GB un véritable impôt linguistique, une fortune dépassant les revenus du pétrole de la mer du Nord. (cf. le rapport Grin) Le processus de Bologne ne fait qu’accentuer ce flot financier qui coule vers GB et USA simplement grâce à la position de leur langue.

Quelques exemples des sommes énormes qui sont sacrifiées au dieu anglais, dans de nombreux pays, dans le fol espoir de combler le désavantage linguistique que les natifs auront toujours :

French 24, cette chaîne d’infos en anglais totalement inutile et redondante, nous coûte 80m/an.

L’université de Cambridge vient d’être choisie pour organiser la certification en anglais basée sur le CECR (échelle de langue), comme si nos professeurs étaient incapables de certifier leurs élèves ; va-t-on faire aussi contrôler par Cambridge les notes d’anglais au bac ?

De nombreux Conseils régionaux ont déjà financé à 90% ces certifications, sachant que les parents hésiteraient à dépenser 100€ pour une certification à l’utilité incertaine.

Le programme La Sardaigne parle anglais :

"“Sardegna Speaks English” è il programma approvato dalla Giunta a novembre 2006 e finanziato con un investimento di 20 milioni di euro, ritenuto strategico, perché mira a far superare ai cittadini sardi il forte ritardo nell’acquisizione di competenze linguistiche in inglese."

Ce sont donc des sommes inouïes que nous dépensons ainsi dans l’espoir de faire de nos petits des "fluent english", dans la croyance naïve que c’est la solution au recul de la recherche et aux difficultés économiques de la France.

Or, rien n’est moins sûr : la Chine est dans une phase d’investissements à l’étranger, sans pour autant que tous les Chinois soient "fluent" en anglais, loin s’en faut. Mieux : elle soutient massivement la diffusion du mandarin, comme en témoignent les nombreux Instituts Confucius qui poussent un peu partout, en France comme ailleurs.

Mais la perte la plus grave est moins apparente, insidieuse : c’est l’affaiblissement de la langue française. Nous avons vu ce qu’il en était dans les pays nordiques pour le vocabulaire scientifique, mais c’est aussi le cas pour le français du quotidien. Déjà, sous l’influence du jargon des médias, certains équivalents français d’anglicismes branchés ne nous viennent à l’esprit qu’après de gros efforts : comment dit-on coach, credit cruch, fitness, brainstroming, mail, e-learning, web, management, rush, crash, etc. ? Leurs équivalents sont pourtant simples et naturels. (Par naturels, nous voulons dire qui sonnent français, par exemple avec une finale en -age, beaucoup plus répandue chez nous que la finale -ing, ou qui font davantage appel aux ressources lexicales propres du français.)

L’autre grave conséquence à long terme, c’est l’idée qu’il n’est de modernité qu’anglophone, que l’UE est anglophone. En fait, elle l’est déjà officieusement, à l’exception du juridique, mais il est prématuré et politiquement impossible à l’heure actuelle pour nos eurocrates de l’officialiser. Ce jour est proche, n’en doutons pas, si chacun accepte sans sourciller cet esclavage linguistique.

Remarquons au passage le paradoxe : l’administration de l’UE est anglophone (organismes, rapports, sites, sauf le juridique), quand elle veut ses citoyens polyglottes de bon niveau dans trois ou quatre langues ! En les culpabilisant sans cesse de n’être ni assez polyglottes, ni assez mobiles !


11. Une nouvelle religion européenne : la mobilité.

Cette mobilité en concerne pas seulement l’enseignement : programme jeunesse, service volontaire européen, bourses Marie Curie (pour les jeunes chercheurs de niveau post-doc), Leonardo da Vinci (formation professionnelle).

"Une étape a été franchie pour le développement significatif de la mobilité en Europe. Le Conseil européen de Nice de décembre 2000 en a fait une priorité politique conformément aux conclusions du Conseil qui s’est tenu à Lisbonne au mois de mars 2000. (...)Une recommandation du Parlement européen et du Conseil de ministres assortie d’un plan d’action pour la mobilité fixent comme objectif de mettre la mobilité à la portée du plus grand nombre. Le défi est ambitieux. L’ensemble des acteurs de l’éducation, de la formation, de la jeunesse doivent se mobiliser avec les décideurs politiques pour le relever et faire de l’Europe de la connaissance, que nous appelons de nos vœux, une réalité quotidienne pour nos citoyens."

Viviane Reding, Membre de la Commission européenne, responsable de l’éducation et de la culture.

"À l’heure d’Internet et de la globalisation des échanges, la mobilité des personnes en Europe devient de plus en plus nécessaire."

Comme toute religion, celle-ci a déjà ses extrémistes : "À partir de 6 ans ?"

"Pour Roberto Ruffino, de l’association italienne Intercultura, s’il ne faut pas nier l’existence des difficultés financières et administratives liées à la mobilité, le principal obstacle est d’ordre psychologique. "Une enquête montre que la plupart des étudiants italiens considèrent toujours qu’une année à l’étranger est assimilable à des vacances ! (...) Pour changer les mentalités, je rêve personnellement d’une mobilité à partir de 6 ans !"

Cette apologie de la mobilité est pourtant contredite dans les mêmes documents ! Car l’incroyable l’amélioration des technologies de la communication permet justement d’augmenter les échanges d’un pays à l’autre, d’une fac à l’autre, sans déplacement complexes sur le plan logistique :

"La mobilité des chercheurs sera encouragée, et un réseau de communications à très haut débit reliera l’ensemble des établissements d’enseignement et de recherche ainsi que les bibliothèques et les centres de formation de l’Union européenne. et sera mise en œuvre dans tous les États membres, suivant les spécificités de chacun (voir p. 24). Les premières mesures concrètes ont été approuvées lors du Conseil européen de Stockholm de mars 2001."

On est loin du slogan régionaliste "Volem viure al país !" (Nous voulons vivre au pays). Sans nier l’utilité des stages dans des facultés ou instituts étrangers pour des étudiants pointus, en fin de formation pour les autres, la question n’est pas aussi évidente qu’on nous le vend, pas au point d’en faire une nouvelle religion dont le dogme n’a pas à être démontré ne doit pas surtout pas être mis en doute...
Faut-il se couper de ses racines pour être un bon Européen ? Toute personne qui habite en Europe est un Européen.


12. L’idéologie qui préside au processus de Bologne : l’enseignement supérieur est vu à travers le dogme de la croissance économique.

"La stratégie de Lisbonne : construire une Europe de la connaissance.
À Lisbonne, en mars 2000, les chefs d’État ou de gouvernement des Quinze s’engagent à faire de l’Union européenne l’économie la plus dynamique de la planète. Pour y arriver, une piste : accélérer la croissance économique en se basant sur l’une des principales richesses du Vieux Continent, l’"or gris", à savoir la connaissance, l’intelligence et la créativité. Une mobilité accrue des étudiants, des enseignants, des formateurs et des chercheurs sera l’une des clés du succès de cette entreprise."

Parfois, l’aveu est encore plus clair que tout ce processus n’a aucune autre base qu’une vision économique de l’enseignement supérieur. Laissons la parole à ses thuriféraires :

"Un atout pour l’insertion professionnelle"

"En matière d’éducation, une approche européenne est indispensable pour aider les étudiants à comprendre, très pratiquement, comment s’insérer dans un monde multiculturel et à en tirer un maximum de profit. Il faut donc encourager une plus grande mobilité des étudiants et des professeurs ainsi qu’une maîtrise d’un plus grand nombre de langues européennes."

("L’éducation pour les Européens : vers une société de la connaissance", rapport de la table ronde des industriels européens, 1995)

Ou encore :

"Bien entendu, la création d’un espace économique dynamique basé sur la
connaissance ne concerne pas que la mobilité. La stratégie de Lisbonne appelle également à l’achèvement du marché unique, au développement de l’esprit d’entreprise ainsi qu’à la création d’un véritable "espace européen de la recherche".

"Le G8 vise au doublement en dix ans de la mobilité internationale"


Conclusion

Tout nous montre que l’harmonisation de l’enseignement supérieur européen va de pair avec son anglicisation. Certains le souhaitent ouvertement. Du moins ne font-ils pas preuve de la même hypocrisie que la plupart des médias.

Malgré la construction européenne, les pays membres restent concurrents pour attirer les cerveaux étrangers, comme le font avec succès les USA. Les pays déjà attractifs, comme la France et l’Allemagne, n’ont nul besoin du processus de Bologne, qui favorise les "petites langues", mais nuit aux "grandes langues".

Mieux vaudrait bien accueillir ces étudiants prometteurs, simplifier leurs démarches administratives, les aider pour le logement, passer des accords avec leurs pays d’origine, offrir des cours de français - bref, favoriser leur intégration et leur travail en France, plutôt que leur organiser des cursus en anglais pour les voir papillonner d’un pays à l’autre de l’UE, voire finir aux USA (séjour facilité par leur formation à l’anglais dans l’UE) qui profiteront de leurs découvertes et en tireront seuls les fruits.

A notre avis, la France doit se désengager des programmes Comenius, Erasmus mundus et de tout le processus de Bologne, car au nom d’avantages hypothétiques, visibilité internationale et attractivité de l’enseignement supérieur européen (postulats répétés ad nauseam dans les médias), ce processus va aboutir à l’anglicisation massive de l’enseignement dans toute l’UE, ruinant l’esprit européen d’égalité des cultures et des peuples, affaiblissant le français courant et technique, perpétuant les immenses injustices économiques et politiques résultant de l’hégémonie de l’anglais, clamant au monde que la science et la modernité sont anglophones, et, au final, rendant inéluctable l’officialisation de l’anglais comme "lingua franca" de l’UE.

On troque deux avantages hypothétiques contre une montagne d’inconvénients ! Trop forts les lobbys anglophones. Pourquoi faire simple quand on peut fabriquer une usine à gaz anglophone ? Est-ce cela l’intégration européenne ?

Que les ingénieurs continuent dans cette voie s’ils la jugent inéluctable, allant jusqu’au ridicule de baptiser un récent congrès "Toulouse Space Show".

On nous dit que cette harmonisation universitaire est la seule solution au retard de la recherche et aux difficultés économiques, en oubliant de rappeler que les USA et le Japon investissent plus que nous dans la recherche et développement !

On peut très bien attirer de brillants étudiants sans mettre le doigt dans ce qui pourrait bien être une gigantesque arnaque.

C’est même confirmé par l’Europe elle-même :

"la diversité linguistique de l’Europe devrait être préservée et la parité entre les langues pleinement respectée. Les institutions de l’union européenne devraient jouer un rôle central à cet égard."

(Conclusions du Conseil sur le multilinguisme, Conseil de l’éducation, Bruxelles, le 22 mai )

Le but n’est pas la formation individuelle, c’est la mise à disposition des entreprises de personnel anglophone ayant quelques compétences supplémentaires dans diverses langues, un vivier pour répondre à leurs besoins, ce qui est légitime, mais insuffisant.

Au final, ce processus de Bologne, sous couvert d’une intégration de l’enseignement supérieur en Europe, dont la nécessité nous est présentée comme une évidence, s’inscrit surtout dans la construction d’un marché commun anglophone dont les Européens sont vus comme "mobiles", possédant tous l’anglais plus une autre langue étrangère, étudiant les langues toute leur vie pour les rendre plus "employables", une Europe axée vers la marchandisation de l’enseignement supérieur.

Sujet tabou entre tous - les milliards que retirent la GB et les USA de l’hégémonie de l’anglais, directement et indirectement, ne sont jamais évoqués. Cette injustice fondamentale sera pourtant fortement amplifiée si ce processus de Bologne est mené à son terme.

L’UE peut-elle se construire sur une injustice massive ?
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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 18:25

Comment saboter le cadre commun (CECRL), un outil linguistique relativement récent et potentiellement très utile, ou l’incroyable histoire d’une des plus belles usines à gaz européennes.

1. De quoi s’agit-il ?

Depuis la création en 2001 du CECRL (Cadre européen commun de référence en langue étrangère), une échelle de niveau en langue commune aux pays européens (A1, A2, B1, B2, C1, C2 et subdivisions éventuelles), l’enseignement des langues doit progressivement s’harmoniser en se basant sur ce cadre commun (le petit nom du CECRL) et surtout aboutir à une certification, ce qui ne va pas sans mal...

La notation habituelle se doublera donc d’une certification du niveau prévu, A2 au brevet, B2 au bac pour la LV1, notation et validation allant de pair, car il semblerait illogique d’avoir un 5/20 assorti d’une certification...

Présentation abrégée

Texte complet du CECRL (en pdf)

Cette échelle a été conçue pour être la plus complète et la plus précise possible et la certification sera reconnue dans tous les pays européens, comme un diplôme.

Rappelons qu’il y a en gros trois façons d’évaluer le niveau en langue :

— faire directement confiance à l’évaluation du professeur ;

— la notation, également par le professeur ;

— les tests, analogues au TOEFL et TOEIC (basés sur des QCM, fiables mais négligeant l’oral).

2. Jusque-là, tout est clair.

Les esprits simples comme nous se disaient que les profs de langues allaient poursuivre leur enseignement à l’identique et, en fin d’année ou aux examens, indiquer à quel niveau l’élève se situe sur cette nouvelle échelle, avec le cas échéant une certification dûment estampillée.

C’était simple, applicable dès le lendemain, après que chaque professeur aurait eu lu attentivement la description précise des 6 niveaux en langue étrangère.

Le gros du boulot ayant été la mise au point de cette échelle très détaillée (oral, écrit, compréhension active et passive), le reste du processus n’aurait dû prendre qu’une heure !

Trop simple... Car un projet européen, compte tenu de l’usine à gaz qu’est devenue l’UE, se devait d’être lui-même une usine à gaz !

3. La complexification administrative s’est faite en plusieurs étapes.

Tout d’abord, les pédagogues officiels qui pilotent les programmes ont proclamé que l’enseignement des langues devait maintenant se baser sur cette échelle, donc que les programmes, les méthodes et les manuels devaient être remaniés !

« Quoi ? On veut des explications ! » ont logiquement répondu les profs.

C’était en outre pain bénit pour les éditeurs dont les nouveaux manuels mentionnent maintenant tous « conforme au cadre commun »... Chacun sait que ce qui est bon pour la croissance économique est bon pour tout - sauf pour le budget scolaire des parents...

Les explications données aux professeurs ne leur étant pas apparues lumineuses, ils ont réclamé des stages :

« On veut des journées de formation au Cadre commun ! Et des explications sur la certification. »

On ne manquera pas de s’étonner qu’il faille des stages pour lire une échelle de niveau, un document PDF dont la lecture prend moins d’une heure...

Puis, après avoir réfléchi sur le sujet, certains ont suscité une polémique incompréhensible pour le commun des mortels, des interrogations métaphysiques du style « Est-il réellement possible de déterminer un niveau en langue ? », des problématiques professionnelles que je préfère citer en pédagol dans le texte pour ne pas risquer de dénaturer le propos :

« La compétence n’étant pas directement observable, c’est la performance (comportement observable de la compétence) qui sera mesurée. C’est la raison pour laquelle ce type d’évaluation nécessite de définir des »critères« qui seront déclinés en »indicateurs de performance« . Au lieu de mettre une note, souvent arbitrairement, l’enseignant devra remplir des grilles d’évaluation critériées, grilles linguistiques ET grilles pragmatiques en relation avec la performance de l’apprenant. Chaque critère aura, en amont, fait l’objet d’une »pondération« . Cela signifie que l’enseignant aura donné une valeur à chaque indicateur en fonction du »poids« accordé, soit à la composante linguistique, soit à la composante pragmatique, et au sein de chaque composante, à chaque critère. Ceci donnera lieu à une valeur chiffrée globale qui sera traduite en »niveau de compétence" sur une échelle dont les échelons auront, là encore, fait l’objet d’une réflexion en amont. À titre d’exemple, il est évident que les attendus en matière de compétence de communication ne sont pas les mêmes pour des élèves du cycle 3 de l’école primaire et pour des élèves de terminale. Cela veut dire que les critères et indicateurs de performance seront différents, mais que la pondération aussi sera différente.

En passant du paradigme du contrôle de la connaissance de la langue objet à celui de la compétence du sujet utilisateur de la langue, il faut accepter qu’une tâche soit accomplie en langue étrangère, que le message soit transmis, malgré quelques erreurs de grammaire !

Par ailleurs, si nous souhaitons déterminer le niveau de compétence d’un évalué, cela ne pourra se faire que si le support d’évaluation est le même pour tout le monde ; le niveau correspondant au niveau d’accomplissement de la tâche. C’est précisément ce que propose le Diplôme de compétence en langue."

(La responsabilité des enseignants de langues à l’aune du Cadre européen commun de référence, par Claire Bourguignon, maître de conférences HDR, IUFM de l’Académie de Rouen)

Autres exemples récents d’interrogations incompréhensibles au commun des mortels.

Cette échelle, qui date déjà de 2001, n’a donc pas été jugée suffisante pour lancer des études sur le niveau en langues en Europe. On aurait pu penser qu’il suffisait de confier à des interprètes ou des enseignants de confiance la mission d’évaluer des échantillons représentatifs selon cette échelle, mais non : il fallait aussi concevoir des critères et des grilles, qui sont en cours de mise au point, sept ans après ! Faudra-t-il ensuite mettre au point des manuels expliquant comment appliquer ces critères et ces grilles d’évaluation ?! Ca peut durer longtemps... On n’ose penser qu’il y a une volonté de cacher le vrai niveau moyen des Européens en langues, en anglais par exemple, on se ferait encore traiter de paranos.

4. Néanmoins, la situation était encore relativement claire et, avec un effort de part et d’autre (ministère et enseignants), on aurait pu trouver un modus vivendi avant que le conflit israélo-palestinien ne soit terminé, mais les crânes d’œufs du ministère s’en sont à nouveau mêlés, en fixant des objectifs...

Ils ont donc fixé comme niveau à valider en LV1 (langue vivante 1) A2 pour le brevet et B2 pour le baccalauréat, totalement surréalistes !

Par le décret du 22 août 2005 :

"Niveau B1 : niveau cible pour la fin de scolarité obligatoire.

Peut se débrouiller dans la plupart des situations rencontrées en voyage, raconter un événement, une expérience, défendre un projet ou une idée.

Niveau B2 : niveau cible pour l’épreuve du baccalauréat.

Peut comprendre l’essentiel d’un sujet concret ou abstrait dans un texte complexe, y compris une discussion technique dans sa spécialité. Il peut communiquer avec un degré de spontanéité et d’aisance, par exemple une conversation avec un locuteur natif. L’élève peut émettre un avis sur un sujet d’actualité et en débattre."

5. Le diplôme national du brevet :

« À compter de la session 2008, l’attribution du diplôme national du brevet nécessite l’acquisition du niveau A2 du Cadre européen commun de référence dans une langue vivante étrangère, au choix de l’élève, qui peut être la langue commencée à l’école ou la seconde langue. »

En d’autres termes, si l’élève n’a pas acquis le niveau A2 dans sa première langue étrangère, théoriquement, il échouerait au brevet, même en réussissant partout ailleurs.

On voit de suite que la situation serait intenable politiquement vis-à-vis des parents ! Il faut impérativement que l’immense majorité des élèves qui présentent le brevet réussissent la validation A2 de leur LV1. Ceci explique peut-être qu’un poil de réalisme se soit glissé dans ces projets, car en 2005 l’exigence pour le brevet était supérieure (B1)...

6. Le baccalauréat :

« Aisance et spontanéité avec un locuteur natif » ! Quel talent, quel veinard !

Un tableau annexe précise aussi une notion absente du tableau général, l’étendue du vocabulaire. C’est un critère souvent négligé qui pourtant peut freiner considérablement la communication. Même quand il nous reste des notions générales de la langue, l’absence du mot rend la conversation pénible et chaotique ; ce cadre commun est donc une échelle très précise.

« B2 - L’exactitude du vocabulaire est généralement élevée bien que des confusions et le choix de mots incorrects se produisent sans gêner la communication. »

Un autre tableau annexe, sur la grammaire, précise que B2 « a un assez bon contrôle grammatical. Ne fait pas de fautes conduisant à des malentendus. »

Les tournures idiomatiques étant fort nombreuses en anglais, il n’y a aucune chance pour qu’un élève n’ayant pas fait de séjours linguistiques évite les malentendus à la sortie du lycée...

Plus encore, la phonologie. Pour B2, c’est : « A acquis une prononciation et une intonation claires et naturelles. »

B2 c’est donc carrément le niveau « fluent english » ! (Pour l’anglais, of course.)

7. Pourquoi qualifions-nous ces objectifs de surréalistes ?

Un objectif scolaire en langue s’entend hors soutien extra-scolaire, sans nounou anglaise « at home », sans séjours « in London » chaque été, c’est-à-dire en gros après 1 500 à 3 000 heures selon les filières.

Sachant qu’acquérir un niveau utile en langue étrangère est un immense travail, l’école ne peut être que le lieu d’une initiation ; il n’y a là rien d’humiliant, ni matière à critiquer les hommes ou les méthodes, c’est simplement comme ça. Attendons-nous de la filière science qu’elle certifie des architectes ou des biologistes au baccalauréat ?

C’est donc là que ça coince, le grain de sable dans une mécanique qui grinçait déjà, la rouille dans un roulement déjà plein de sable, le caillou dans la chaussure trouée, bref, la cata !

Car si l’évaluation et la notation basées sur ce Cadre commun sont objectives, la plupart des élèves auront zéro en langue ! Et n’auront pas leur certification - ou l’auront à son niveau réel, ce qui serait plus logique. Mais 80 à 90 % de zéros est socialement et humainement inacceptable, comment faire ?

Ces hauts fonctionnaires auraient pourtant pu se rappeler de l’ex-URSS, qui fixait des objectifs industriels inapplicables, ou ils auraient pu compatir avec les cadres ou employés du privé auxquels on fixe des objectifs délirants et qui en paient le prix par un stress excessif au travail, des humiliations et un sentiment de perte de contrôle.

Procéder ainsi par objectifs à atteindre était absurde : il eût été plus logique de laisser les profs évaluer leurs élèves sur la base de la réalité.

8. Le processus de complexification n’est pas fini ! Cette usine à gaz a probablement été jugée trop simple par un farceur de l’UE, car on a mis en place une certification croisée entre pays, la France, par exemple, faisant appel à l’université de Cambridge pour valider les certifications en anglais ! Nos professeurs sont-ils inaptes à l’évaluation de leurs élèves ? Sur cette base, va-t-on demander au MIT (Massachusetts Institute of Technology) de valider le douze en maths du fils de mon voisin ?

Cette validation a un coût de 100 €/personne, qui a été fixé d’un commun accord entre les États et les organismes certificateurs, pour la plupart organismes d’États - Institut Goethe, Cervantès ou université d’Oxford.

D’ailleurs, pour ne pas rebuter les familles, seuls les volontaires se présentent à cette certification, et beaucoup de Conseil régionaux en ont pris en charge la quasi-totalité.

Les langues de grande diffusion n’ont-elles pas craint que les petits pays surestiment le niveau de leurs élèves souhaitant venir en stage en France, en GB ou en Allemagne ? Une manipulation facile en certifiant eux-mêmes ce niveau... Or, c’est le contraire qui se produit, nous allons le voir : c’est nous qui allons ruser...

9. Zéro à quasiment tous les élèves ? Impensable... Mais pas de panique, la solution est déjà trouvée : la France va tricher aux examens !

Pas les élèves... mais les profs ! Avec la bienveillance de leurs autorités de tutelle !

Maintenant que la situation est d’une complexité ahurissante, le génie français a pu déployer ses ailes pour trouver LA solution : la triche institutionnelle. Les profs de français connaissaient déjà, eux qui ont pris l’habitude de ne plus tenir compte de l’orthographe de leurs élèves, voire de leur grammaire...

« Par ailleurs, dans une note ministérielle en date du 12 février 2008 adressée aux recteurs, IA et IPR de langues vivantes, il est écrit : »Dans le prolongement de la note de service du 9 janvier 2008, publiée au BO du 17 janvier dernier, il convient d’apporter quelques précisions concernant les modalités d’évaluation du niveau A2.

Chaque activité langagière fait l’objet d’une évaluation spécifique. Au cours de la phase de mise en œuvre du CECRL et pour cette première année de prise en compte au diplôme national du brevet du niveau A2, le niveau des élèves sera apprécié, tant à l’écrit qu’à l’oral, de manière globale : les grilles de référence déjà en ligne sur le site Eduscol constituent un outil auquel les enseignants se référeront utilement.

Par ailleurs, il est rappelé que l’évaluation des activités langagières est continue et ne doit pas donner lieu à la mise en place d’une épreuve particulière.

La fiche attestant la maîtrise ou la non-maîtrise du niveau A2, publiée en annexe de la note de service du 9 janvier, doit être signée par le chef d’établissement."

Bien que ce ne soit pas encore officiel, tout le monde a compris le principe qui se cache derrière cette appréciation « globale », c’est celui de la moyenne : l’élève pourra être A2 en compréhension écrite, mais plus faible à l’oral, on estimera alors que, globalement, il correspond à ce niveau A2 ! Pourtant, selon un strict respect du cadre commun, il serait encore A1.

Les profs de langue, à peine entrés dans l’ère du numérique avec les tableaux électroniques interactifs, vont entrer dans celle du pifométrique !

Et nombre de profs l’ont compris :

"(...) dénonçons les conditions dans lesquelles se met en place la validation du niveau A2 du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) pour l’obtention du Diplôme national du Brevet à la session 2008 : (...)

L’incohérence des directives : la lettre du ministère aux recteurs, inspecteurs académiques et inspecteurs pédagogiques régionaux de langues vivantes stipule que « chaque activité langagière fait l’objet d’une évaluation spécifique », mais que le niveau des élèves sera apprécié « de manière globale ».

Une réunion de professeurs de langue qui demandent le report de la validation A2 au brevet jusqu’en 2010

10. C’est à l’UE que nous devons cette usine à gaz

« La présente circulaire a pour objet de présenter le plan de rénovation de l’enseignement des langues vivantes étrangères que le ministère met en place afin de répondre aux attentes maintes fois exprimées à cet égard ainsi qu’à l’objectif de maîtriser deux langues en plus de la langue maternelle fixé par l’Union européenne (1). Il s’agit de préparer les élèves à la mobilité européenne et internationale et à l’intensification des échanges internationaux. »

(Bulletin officiel juin 2006)

Responsabilité confirmée par le récent rapport sénatorial Legendre (qui avait déjà signé un remarquable rapport sur l’enseignement des langues) :

"Il en va ainsi du port-folio européen des langues, qui définit des niveaux de maîtrise des langues étrangères reconnus partout en Europe.

La France s’y est d’ores et déjà référée en utilisant ce cadre mis au point sous l’égide du Conseil de l’Europe pour définir les niveaux que les élèves doivent atteindre à différents moments-clés de leur scolarité. Pour la fin de la scolarité secondaire, c’est ainsi le niveau B2 (utilisateur avancé ou indépendant) qui a été retenu."

Niveau retenu par qui, et sur la base de quelles études ? Ce n’est pas précisé...

11. En marge du sujet : une récente polémique sur la notation.

Un universitaire, Bruno Suchaut, a publié un article pointant la grande variabilité des notes au baccalauréat pour une même copie, selon les examinateurs. Cet article lui a valu de virulentes critiques dans les journaux.

Un extrait de sa conclusion, qui envisage plus globalement la question de la notation à l’école :

« Enfin, un dernier niveau de réflexion concerne plus généralement la pratique de la notation au quotidien en soulignant que cette pratique évaluative n’existe pas dans un certain nombre de pays. L’expérimentation présentée et analysée dans ce texte, ne fait que confirmer avec des données actuelles, ce que l’on sait depuis longtemps déjà sur l’incertitude de la notation. On ne peut que regretter que cette pratique, si répandue à tous les échelons de notre système éducatif, puisse avoir des conséquences en termes d’inégalités dans la certification des acquis scolaires. Faire le deuil de la notation, renvoie aussi à changer plus globalement la vision de la finalité de l’acte d’enseignement. Un changement en la matière obligerait à revoir totalement les mécanismes de sélection, d’orientation et de certification des élèves, mais, aussi, au quotidien, le regard que porte l’enseignant sur l’élève. »

(article de l’APLV sur l’étude de Bruno Suchaut)

Libération rapporte des propos qui l’accusent de « dénigrement du bac » ou d’être « Un chercheur malhonnête en mal de sensationnalisme » :

Il répond lui-même aux critiques dans cet entretien :

En matière de langues étrangères, ce débat est le même, voire plus aigu encore car la subjectivité y est grande. Deux méthodes d’évaluation existent, les notes et les tests.

On peut d’ailleurs se poser la question : les notes sont-elles nécessaires en langues à l’école ?

Conclusion

Normalement, tout est simple : des grosses têtes suent sang et eau pour mettre au point un outil complexe, par exemple une règle à calcul ou une calculette électronique, et les élèves n’ont plus qu’à reporter les données, appuyer sur total pour avoir le résultat. Ou encore, en médecine, les statisticiens concoctent une abaque aux petits oignons, après quoi le praticien de base n’a plus qu’à reporter le poids et la taille, et hop ! il obtient l’Index de masse corporelle.

Les naïfs auront pensé qu’il en serait de même avec le Cadre commun : il suffisait que les profs continuent leur enseignement de langue et leurs examens comme avant, mentionnent à quel niveau se situe l’élève sur l’échelle CECRL (Cadre commun). Puis coup de tampon administratif sur la certification, reconnue par tous les pays européens. Simple, propre, rapide, pas cher, efficace, européen.

Mais non : on a prétendu qu’il fallait réformer l’enseignement des langues en se basant sur cette échelle, histoire de nommer ça d’un pompeux « plan de rénovation de l’enseignement des langues ».

Après quoi on a fixé des objectifs largement surestimés, B2 au bac (niveau « fluent english », nécessitant des années d’immersion !), et comme il est politiquement inenvisageable de ne pas certifier 95 % des élèves du brevet et du bac (!), on va organiser une triche institutionnelle, expliquer aux professeurs qu’il s’agit d’une évaluation globale, à interpréter...

Tout ça, finalement, serait comique et sans importance, sauf que cette échelle de langue pouvait permettre de faire pour la première fois de vraies études scientifiques sur le niveau en langue - en anglais, entre autres - des populations européennes ou mondiales, des études infiniment plus crédibles que les sondages bidons commentés par tous les médias avec le plus grand sérieux.

L’attitude de la France crée un fâcheux précédent qui va jeter le discrédit sur cette échelle de langue, dénaturer cet outil et dévaloriser des certifications qui devaient être reconnues dans tous les pays de l’Union.

D’où vient qu’on ait ainsi transformé un changement mineur (l’échelle est complexe, mais la langue enseignée reste la même) en une incroyable et dispendieuse usine à gaz ?

Tout simplement du refus des milieux des langues et de l’éducation de regarder la réalité en face : les gens des langues refusent en général d’admettre l’incroyable travail que représente l’apprentissage d’une langue étrangère - alors qu’ils sont bien placés pour le savoir.

Les milieux politiques européens refusent de renoncer au mythe de l’Européen maîtrisant quatre ou cinq langues à un bon niveau - seul argument leur permettant de cacher la dérive vers l’anglais lingua franca - et ils organisent un incroyable bruit médiatique autour de ce Cadre commun, transformant en révolution pédagogique ce qui n’est qu’une échelle de niveau acceptée par tous.

 

Quant à l’Éducation nationale, elle refuse de reconnaître le vrai niveau en langue étrangère de ses élèves, alors même qu’il est tout à fait naturel qu’ils ne sortent pas du lycée avec l’aisance d’un traducteur chevronné.

"Je veux que les élèves soient tous B2 au bac, donc ils le seront !" On peut l’écrire, donc on peut le faire ! En psychologie, on appelle ça de la pensée magique, c’est un trait de caractère enfantin, mais chacun sait que les adultes sont de grands enfants.

Ultime question : finalement, à quoi ça sert, tout ça ? Seules quelques personnes ont réellement besoin d’une certification de leur niveau en langue. Raison pour laquelle bon nombre de Conseils régionaux ont mis la main à la poche pour payer presque intégralement le coût de ces certifications, de peur que les parents ne voient pas l’utilité d’une dépense supplémentaire... D’ailleurs, fait-on certifier les autres matières par des organismes : chimie, physique, sciences de la vie, maths, histoire, philo, etc. ?

Quelle est donc la raison de la mise en place d’un système aussi compliqué, redondant avec les examens traditionnels ?

Il ne faut pas chercher bien longtemps pour comprendre que la responsabilité de ce bazar incombe à l’UE :

"Il s’agit de préparer les élèves à la mobilité européenne et internationale et à l’intensification des échanges internationaux."

(Bulletin officiel)

L’UE veut favoriser la mobilité des Européens ainsi que l’apprentissage précoce de l’anglais et d’autres langues tout au long de la vie. Ne privilégie-t-on pas les objectifs économiques sur l’éducation et la culture ? Ce n’est pas forcément critiquable, sauf que développer une usine à gaz complexe et redondante est une mesure inflationniste, donc économiquement absurde !

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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 18:19

Encore une nouvelle que vous ne lirez pas dans les médias traditionnels. L’autocensure des médias français sur l’espéranto continue !

"Le jeudi 12 juin, à l’unanimité de 397 voix, le parlement polonais a approuvé une résolution qui rend hommage au centenaire de l’Association mondiale d’espéranto et accorde son soutien à l’UEA pour la candidature au prix Nobel de la paix."

"La pola parlamento ĵaŭde la 12-an de junio unuanime per 397 voĉoj aprobis rezolucion, kiu omaĝas la centjariĝon de Universala Esperanto-Asocio kaj donas sian subtenon al la kandidateco de UEA por la Nobel-premio pri paco."

Voici la traduction du compte-rendu par un journal en ligne polonais (extrait) :

"Le parlement polonais a rendu hommage au centenaire de l’Association mondiale d’espéranto.

"L’espéranto rapproche les gens dans une culture riche et variée, dont la base est l’amitié internationale et la paix", soulignait la résolution adoptée à l’unanimité.

L’année anniversaire de l’Association mondiale d’espéranto, le parlement a exprimé sa reconnaissance envers les continuateurs de l’œuvre de Dr Ludwik Zamenhof, qui – comme le dit la résolution – "en créant la langue espéranto, voulait assurer à tous la possibilité de communiquer et de se comprendre mutuellement, indépendamment de la nationalité, la race, la religion ou les opinions."

"Parliamentarians declared in their bill that ’in creating Esperanto [Dr. Zamenhof] wished to grant people the possibility to understand one another regardless of nationality, race, religion, or religious views.’"

(bulletin étranger d’une radio polonaise)

Rappelons une autre info de 2004 :

"Le premier élu espérantiste au Parlement européen, en 2004, est une femme polonaise : Mme Małgorzata Handzlik. Outre le polonais et l’espéranto, elle parle le slovaque, le russe et l’anglais."

En raison de l’autocensure sur l’espéranto qui règne en France dans les grands médias nationaux, vous n’aurez pas trouvé les nouvelles ci-dessus. Par contre, vous trouverez facilement cette autre info, la récente et très stupide déclaration du président tchèque Václav Klaus qui s’est insurgé contre l’européanisme, en usant de l’espéranto comme d’une métaphore dévalorisante :

"La différence entre le Tchèque, le Polonais, l’Italien, le Danois et l’Européen est la même qu’entre la langue tchèque, polonaise, italienne et danoise et l’espéranto. L’européanisme est l’esperanto : une langue artificielle, morte."

Vous trouverez cette déclaration, entre autres médias, sur le site French24, les infos en anglais qui nous coûtent, vous coûtent, 80 m d’euros par an.

Heureusement, tous les présidents ne sont pas semblables à celui-ci, preuve en est le récent financement par le gouvernement lituanien du congrès des journalistes espérantistes, 180 participants venus de 37 pays différents :

"The conference, which was financed by the Lithuanian government, stressed the need for journalists to make use of a range of languages in their work. In his opening address, Tonkin, drawing on his own work on language policy and language problems, described the limitations of news-gathering in non-English-speaking countries through the medium of English. Such an approach tends to favor those fluent in English, who often display a bias towards American and British policies and attitudes, he suggested. Those who do not conform to our values often remain unheard, or are labeled irrational or dangerous by English-speaking informants."

Apparemment, les clichés et les bêtises circulent plus vite que les infos favorables à l’espéranto, mais les espérantistes en ont l’habitude, preuve en est les réactions des lecteurs sur Libera folio (en espéranto), où certains commentaires à cette déclaration sont très amusants :

— L’un dit que si c’est une langue morte, c’est un cadavre extraordinairement bavard !

— L’autre que l’espéranto n’est pas une langue morte, par contre ceux qui l’ont prétendu le sont bel et bien - sous-entendu, depuis un siècle que d’aucuns répètent ce cliché, la plupart de ces personnes sont enterrées et oubliées depuis longtemps !

— Un troisième propose d’écrire à l’ambassade tchèque "je vous envoie ce message de l’autre monde".

Apprenez la "langue morte" espéranto qui permet de plaisanter comme les vivants ! La seule vraie langue internationale (l’anglais étant une langue nationale), seule langue construite qui soit entrée dans le club des dix "grandes langues" (de grande diffusion), qui a récemment atteint les 100 000 articles dans Wikipedia, la seule langue "open source", dotée d’une grammaire en 16 règles qui tient sur une page, la langue la plus adaptée à internet et à la communication internationale, c’est-à-dire internations et entre les langues, dans le respect de toutes les langues.

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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 18:17

Dire que l’UE est malade est une banalité, mais de quoi souffre-t-elle ? Eh ! bien, nous sommes en mesure de porter un diagnostic : l’Europe est foldingue !

Tout d’abord, elle souffre de mégalomanie, grossissant toujours en une folie des grandeurs qui englobe tour à tour tous ses voisins, piochant ici une île dans la Manche, là une autre en Méditerranée, creusant même un tunnel digne des pharaons pour justifier l’européanité de la GB, mordant bientôt sur le Moyen-Orient, rêvant de s’associer à l’Afrique du Nord, galopant sur l’Europe centrale sans repos ni limites. Sont-ce les rêves (déjà un peu fous) d’Alexandre le Grand ou de Napoléon enfin réalisés ? En tout cas, un haut fonctionnaire européen nous a confié, sous le sceau de l’anonymat, mais tout à fait sérieusement : "Le Tibet est européen !", avant d’ajouter, grand seigneur : "L’UE gardera le Tibet, mais laissera le reste à la Chine".

Si encore les maux de l’Union s’arrêtaient là... Mais cette mégalomanie se double d’un trouble de l’identité, d’un "moi" fragile : pensez, 500 millions de personnes qui parlent un tas de langues différentes, une cacophonie, une tour de Babel à elle toute seule ! Comment construire son identité dans ces conditions schizoïdes ? On en connaît qui sont devenus "borderline" pour moins que ça...

Mais ce n’est pas tout :

— Docteur, j’entends des voix.

— Et que disent-elles ?

— Souvent : "Tu dois suivre notre doctrine", ou : "envoie davantage de troupes en Afghanistan !".

— Mmm, et cette voix, a-t-elle un nom ?

— Oui, M. NATO, je crois, ou OTAN, je n’ai pas bien compris.

Notre psy songe aussitôt à une schizophrénie, car tout un chacun n’entend pas des voix dans sa tête, même au pays de Jeanne d’Arc.

En parlant de personnalité schizoïde, c’est le rêve d’un psychiatre, un patient qui vous dirait :

- Docteur, nous sommes 27 !

Le praticien se verrait déjà rédiger un article choc sur cette personnalité multiple dotée de 27 identités différentes... Fabuleux ! Euh... uniquement sur le plan scientifique, car pour le patient, c’est moins favorable.

- En fait, si l’on tient compte de toutes les minorités et de toutes les langues que j’entends dans ma tête, nous sommes bien une soixantaine. Certaines voix me parlent en gaélique, d’autres en catalan ou en maltais, vous pensez si j’y comprends quelque chose !

Le souffle court, le docteur griffonne dans son calepin : du jamais-vu ! Ce patient a tellement de personnalités qu’il lui est impossible de les dénombrer.

- Et je vais vous dire : il y a des jours où j’ai l’impression que je vais éclater, exploser, alors qu’à d’autres moments, j’ai plutôt envie de pleurer tant je trouve la vie difficile avec tous ces gens en moi...

"Plus on est de fous, plus on rit !" - se dit in petto le psychiatre en prenant des notes, rajoutant dans la marge ses hypothèses diagnostiques : dépression ? Psychose maniaco-dépressive, trouble bipolaire ?

Et ce n’est pas fini : l’UE souffre de troubles obsessionnels compulsifs, TOC pour les habitués des pages psycho. Quand on répète à longueur de journée certaines formules comme "multilinguisme", "apprenez les langues", ou "la richesse de l’Europe, c’est sa diversité", il s’agit soit d’un mantra religieux, soit d’un TOC. Quoique... à la réflexion, il pourrait s’agir d’un truc de politicien, car ces filous qui ont piqué toutes leurs astuces aux camelots.

On soupçonne aussi une grave névrose œdipienne : vous aurez remarqué que depuis l’arrivée de la GB, le couple franco-allemand chancelle, et l’unité militaire franco-allemande a été remplacée par l’Eufor anglophone ; bref, l’Europe politique a laissé la place à un grand marché commun anglophone, mâtiné de coopération. L’UE n’aurait-elle pas voulu, en passant à l’anglais, tuer le père ? Pire : l’Union s’est même débarrassée de la langue de ses deux parents... renvoyant Oedipe au rang d’aimable amateur.

A côté de ça, une petite agoraphobie mérite à peine d’être mentionnée, mais citons-la pour mémoire : à cause de sa mégalomanie, l’UE s’est construit à Bruxelles un bâtiment trop grand. Du coup, par peur du vide consécutif à l’absentéisme des députés, on a dû inviter 15 000 lobbyistes pour meubler un peu les locaux !

Comparativement, les rumeurs d’adultère ne sont que peu de choses, mais un psy doit laisser son patient décharger le fardeau de sa culpabilité et raconter tout ce qui peut soulager sa conscience. De ces confidences, il ressort que la GB quitte parfois le domicile conjugal pour aller faire des choses avec un jeune et puissant cow-boy un peu fruste, mais viril dans ses bottes, et dont le lasso ne lui servirait pas qu’à attacher des bœufs aux hormones, mais aussi des Anglaises et des Anglais... La rumeur dit également que la Catalogne ferait chambre à part avec l’Espagne, que le Portugal fait les yeux doux au Brésil - ils partageraient la même langue... que les Belges sont au bord du divorce, que Norvégiens et Suédois se réchauffent ensemble durant les longs mois d’hiver, et que les Suisses sont coutumiers des parties à quatre langues – cinq avec l’anglais. Heureusement, ces riches dépravés ne sont pas réellement européens.

La France, de son côté, ferait de l’œil au Maghreb pour consommer une Union méditerranéenne... mais qui s’étonnera des galipettes de ces volages Français ? L’Allemagne leur a malgré tout donné un discret avertissement : pour les coucheries, passe encore, mais la bigamie mettrait sérieusement en péril le couple franco-allemand... l’Italie, quant à elle, n’a d’yeux que pour la belle Albion, au point d’avoir rendu l’anglais obligatoire à l’école... En outre, tout le monde a remarqué la jolie courtisane turque qui fait les yeux doux à l’Europe, qui passe et repasse lascivement devant sa porte, laissant présager de belles scènes de jalousie ; espérons que ses soupirants n’iront pas jusqu’au duel, comme l’ont fait tout récemment les Serbes et les Croates pour un motif qu’on serait bien en peine d’expliquer aujourd’hui. Il a fallu faire appel à un mercenaire états-unien pour les calmer. Cette grande famille est bien turbulente.

Assurément, une pareille galerie de symptômes, qui couvre des pans entiers de la psychiatrie, a de quoi inquiéter ses citoyens. D’ailleurs, par contagion, il n’est pas rare qu’eux-mêmes soient fragilisés sur le plan mental :

- Si je ne suis ni mobile ni polyglotte, suis-je un vrai Européen ? Et si mes enfants ne vont pas à Londres dès l’âge de 4 ans, auront-ils droit au passeport européen ? Moi qui n’ai jamais quitté les limites du canton de Trifouillis-les-Oies, docteur, suis-je Européen ou ne le suis-je pas ?

De vous à moi, l’Europe souffrirait en outre d’un syndrome confusionnel que ça ne m’étonnerait pas plus que ça. Ne faut-il pas avoir l’esprit confus pour bâtir une maison sans connaître la surface au sol ? Non plus que la surface habitable, sans savoir au juste le nombre de pièces ? Pour bâtir sans plan ni architecte ? Et quel personnel hétéroclite : un promoteur franco-allemand, un maçon espagnol, un plombier polonais, un électricien suédois, un menuisier hongrois, et un contrôleur anglais des travaux finis qui se pointe quand le plus dur est fait ! Franchement, une baraque pareille, c’est la moins-value assurée en cas de revente. Seule solution : y habiter ad vitam aeternam !

Le diagnostic est sévère, me direz-vous, mais est-ce que ça se soigne ? Oui et non : on peut commencer par une psychothérapie comportementale, grâce à quelques séances de débats parlementaires et de discussions dans les médias, en sachant que le déni et le refus de soins sont très probables.

Malheureusement, chacun sait qu’une psychose aussi grave ne se guérit pas, en l’état actuel de nos connaissances. On peut néanmoins user de ce que le grand public appelle la camisole chimique : abrutir les citoyens par de belles paroles, leur cacher que l’UE est anglophone, prétendre que toutes les cultures sont égales en droit et également respectées, que l’on sait où l’on va, que l’UE est démocratique, que les lobbys sont sous contrôle, que l’avenir est radieux.

Ce ne sont que des pis-aller, mais ces traitements bien connus des politiciens permettront au moins d’attendre d’éventuels progrès scientifiques, seul espoir de guérison pour l’UE...

Dans l’immédiat, faute de pouvoir faire démocratiquement élire un président par ses citoyens, l’UE, qui ne se prend pas pour une vulgaire fédération, va tout bêtement en désigner un, histoire de ne pas être le seul pays au monde sans président. Disons-le tout net, l’Union européenne qui se prend pour un vrai pays, c’est de la mythomanie !

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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 18:09

Ca c’est un titre accrocheur, non ?

C’est plus anecdotique que le récent succès de l’espéranto au Festival des langues à Nankin, mais l’histoire ne manque pas de sel.

Les services de sécurité japonais ont montré un peu de nervosité quand ils se sont aperçus que certains activistes utilisaient l’espéranto pour communiquer, langue qu’ils ne comprennent pas. Le Japon a pris la présidence du G8 le 1er janvier 2008 et organisera le prochain sommet du G8 du 7 au 9 juillet 2008 dans l’île d’Hokkaido. Ils craignent à cette occasion les agissements d’une minorité activiste, mais plus encore une coordination de ces groupes avec ceux de Corée.

Comme le dit l’article (en espéranto) de Libera folio, "L’inquiétude des services d’ordre aura au moins réussi à attirer l’attention de deux grands magazines, anglais et allemand, sur l’espéranto !"

(En anglais dans Newstatesman)

Au-delà de cet aspect minoritaire et marginal de l’espéranto (rappelons qu’il ne s’agit que d’une langue, et que chacun, chaque mouvement, est libre de l’utiliser), cette "révélation" n’a rien d’étonnant pour des espérantistes qui savent depuis longtemps que cette langue est la plus adaptée à la communication internationale, de par ses caractéristiques de facilité, de vitesse d’apprentissage sans commune mesure, sa neutralité et son caractère international.

Rappelons brièvement d’où lui viennent ces caractéristiques : la facilité et la vitesse d’apprentissage (environ d’un facteur 8) s’expliquent par l’absence d’exceptions, le faible nombre d’idiotismes, la simplicité structurelle (qui ne veut pas dire pauvreté linguistique ni limitations) et la dérivation logique des mots à partir des préfixes et suffixes. Cette régularité et cette dérivation logique en font au final une langue beaucoup moins gourmande en mémoire - à vocabulaire égal. Sa neutralité : à l’évidence, ce n’est la langue d’aucun pays et d’aucune religion. Son internationalité : si le vocabulaire est européen, sa grammaire simple et régulière est familière à de nombreuses langues asiatiques.

Ainsi, ces caractéristiques en font la langue la plus adaptée aux ONG, par exemple, pour leur personnel international, bien plus que l’anglais, et un jour ou l’autre ces ONG s’en rendront compte, ainsi que les organismes internationaux ou l’UE, s’ils ne le savent déjà – en fait, ceux-ci le savent, mais les enjeux politiques et économiques entravent toute réflexion sereine.

A noter que les deux magazines qui ont relaté cette histoire ont eu quelque peine à donner une estimation du nombre de locuteurs, pour les mêmes raisons qu’on ne sait pas réellement combien de personnes parlent anglais, faute de définir ce que veut dire "parler" (quel niveau, sur quelle échelle ?), et basé sur une enquête plutôt qu’un sondage bidon. Même si c’est à une tout autre échelle que pour l’anglais, la difficulté est la même lorsqu’il s’agit d’estimer les locuteurs ou ceux qui ont simplement quelques notions, voire les sympathisants.

Peut-être cette anecdote, ancrée dans les problèmes de la mondialisation, est-elle le début d’une prise de conscience de l’efficacité de l’espéranto pour la communication internationale ? Après tout, il a été conçu pour ça : franchir la barrière des langues.

Paradoxalement, si les services de sécurité se mettaient à apprendre l’espéranto, cela constituerait mathématiquement une progression de la langue !

Comme les espérantistes sont des gens pacifiques et prêts à aider leur prochain, nous donnons ici un conseil gratuit à ces agents de l’ombre : la seule façon pour des services secrets de comprendre la langue internationale sans en favoriser la diffusion, c’est d’apprendre l’espéranto, mais en secret.

(En allemand dans Spiegel on line)

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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 18:08

Un récent rapport d’Hervé Bourges confirme que la France ne défend plus la francophonie :

"Pour Hervé Bourges, il faut donc ’décomplexer la francophonie’, rendre plus visible les actions de l’Organisation internationale de la francophonie qui compte 68 Etats et gouvernements, et mener une ’contre-offensive linguistique, en multipliant, comme l’ont fait les Etats-Unis, les dispositions linguistiques en marge des accords commerciaux ou diplomatiques’ pour imposer le français.

Il faut reprendre l’offensive pour développer le français de manière décomplexée, à l’anglaise, parce que la bataille linguistique n’est pas seulement culturelle ou esthétique : c’est la bataille dont les enjeux véritables sont l’influence politique et la croissance économique", écrit-il.

Le principal mérite de ce rapport est de reconnaître l’existence de la guerre des langues, de rappeler son intensité :

"Il souligne que le British Council vient de lancer un programme visant à faire passer le nombre de locuteurs anglophones de 2 à 3 milliards avec un investissement de 150 millions d’euros, alors que les programmes de l’OIF pour l’enseignement et la promotion du français se montent à environ 6 millions."

Cependant, ce rapport oublie de dire qu’il faudrait commencer par balayer devant sa porte : cesser d’imposer l’anglais à l’école primaire (aucun choix, parfois allemand ou langue régionale), ainsi qu’en 6e (là encore, il n’y a souvent aucun choix), fermer French 24 (France 24), cette télévision anglophone financée par les Français, cesser de participer à l’anglicisation des universités genre Erasmus Mundus. A quoi bon ces propositions de fondations et de visa francophone, si dans le même temps nous organisons des cursus en anglais pour les étudiants étrangers, reconnaissance implicite de la domination anglophone dans l’UE ?

D’ailleurs, sur quelle base morale impose-t-on l’apprentissage de telle ou telle langue étrangère ? Libérez les langues et les enfants !

Si nous ne prenons pas ces quelques mesures de simple bon sens, et gratuites, les propositions du rapport ne seront qu’emplâtres sur une jambe de bois.

Sa deuxième faiblesse est qu’il ne voit d’autre chemin que la perpétuation de cette guerre des langues, ici essentiellement le combat de l’anglais contre le français – que beaucoup pensent perdu d’avance, comme c’est clairement apparent au sein de l’UE, dont la Commission roule à fond pour l’anglais lingua franca.

Les chantres de la francophonie oublient souvent que les locuteurs d’autres langues jugent en général que la leur est aussi précise, aussi riche, aussi digne que le français (ou l’anglais), et ne supplient pas à genoux qu’il leur soit accordé le bonheur de l’apprendre ! Quelle que soit la beauté de notre langue ou sa richesse culturelle, il y a quelque chose de paternaliste et de néocolonialiste dans cette attitude.

La seule solution rationnelle pour mettre fin à cette guerre linguistique, qui est également un incroyable gaspillage d’énergies, de ressources humaines et financières, c’est de soutenir l’espéranto comme langue auxiliaire de l’Union européenne. Et ce n’est pas un hasard si les pays les plus réticents à cette idée sont justement les langues autoproclamées "grandes langues", langues de grande diffusion hors de leur propre diaspora. Il faudra un jour choisir entre la guerre des langues ou la raison – c’est-à-dire le choix raisonnable qui provient de la réflexion sur un sujet donné, d’un cahier des charges et des essais qui en découlent, comme lorsque les ingénieurs font face à un problème. Le problème étant ici l’incommunicabilité entre les humains, la barrière des langues.

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