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19 octobre 2009 1 19 /10 /octobre /2009 21:33

Rue89 vient d’annoncer il y a peu la naissance d’un site qu’ils ont aidé à réaliser, dirigé par Jennifer Schenker, ancienne correspondante de Business Week en Europe, qui a décidé de « se lancer dans l’aventure du journalisme en ligne. »


Présentation par Rue89

Ce site a été baptisé Informilo...

Or, informilo est un mot espéranto, composé de la racine inform- et du suffixe -il désignant un outil, un instrument, avec la finale -o des substantifs. L’ensemble signifiant "bulletin d’information".
En outre, La Informilo est également le titre d’un bulletin régional d’information sur l’actualité espérantiste, édité par Espéranto France-Est, association regroupant les départements Meurthe et Moselle, Meuse, Moselle, Bas et Haut-Rhin et Vosges.

Reconnaissons que le choix de ce mot est particulièrement judicieux, car il est très évocateur, euphonique, doux à l’oreille, compréhensible dans de nombreuses langues, latines et germaniques. De plus, il nous change agréablement des innombrables dérivés des « news », tous ceux qu’on aurait pu trouver en se creusant un peu les méninges : News-demain, Futuronews, A-la-pointe-des-news, Supernews, Soir-News, Matin-news, l’Eclate-news, sans oublier toutes les variantes genre teknik-news, car ce magazine anglophone sera consacré à l’actualité des nouvelles technologies.

Reste qu’on s’interroge : pourquoi le titre n’est-il pas en anglais ?

Les charmes de l’anglais seraient-ils épuisés, souffrirait-il d’une certaine désaffection ? On n’ose imaginer qu’il s’agisse de pauvreté lexicale ! Serait-il devenu d’un banal, presque... has been ? La page de lancement ne l’explique pas.

Quoi qu’il en soit, grâce à cet audacieux emprunt à l’espéranto, le site part sur de bonnes bases : originalité et humanisme. Bravo !

Soyons honnêtes : si les langues sont en perpétuelle lutte territoriale, elles ne sont nullement propriétaires de leur vocabulaire, et c’est de bonne grâce que l’espéranto s’offre aux autres.
Pourtant, pourtant, il nous semble que le légendaire « fair play » anglo-saxon aurait pu se manifester à cette occasion par un encadré présentant l’espéranto, ainsi que la problématique de la communication européenne et internationale, un peu comme on présenterait un oncle apprécié ou un parrain.

Rue89, contacté, n’a pour l’instant pas répondu. Malgré cette ingratitude navrante, je crois pouvoir parler au nom de l’espéranto et souhaiter bonne chance à ce nouveau média en ligne « bilingue » !

La modestie de l’espéranto dût-elle en souffrir, il faut reconnaître que, si les médias ignorent régulièrement l’espéranto, ils n’hésitent pas à lui emprunter des mots, de même que le monde du business.

Le Canard enchaîné a une rubrique « Le coin des piqueurs » qui égratigne leurs confrères lorsqu’ils ont « oublié » de mentionner d’où leur venait l’info... Peut-être faudra-t-il bientôt qu’un site espérantiste tienne une rubrique similaire ? En fait, c’est déjà fait ! Un espérantiste a eu la bonne idée d’inciter les sympathisants à collecter autour d’eux des exemples d’emprunts volontaires, ainsi que des effets comiques involontaires comme il s’en produit avec toutes les langues.

Le site se nomme « La Venko » (la victoire), et s’interroge, sur le mode ironique : « Ĉu vi scias, ke Esperanto jam venkis ? » - « Savez-vous que l’espéranto a déjà vaincu ? »

Et sa galerie photo illustrant ces mêmes exemples.

Un exemple d’effet comique : une banque hollandaise qui s’appelle Rabobank, ce qui en Eo voudrait dire "la banque du vol" ! Ça rappelle un peu la marque Hom qui a naguère dû modifier ses publicités en Chine en raison d’un sous-entendu sexuel en mandarin.

SUNO ("soleil" en Eo) est l’acronyme de Southern University of new-Orleans.

Ces homonymies bilingues amusantes, dues au seul hasard, se rencontrent dans toutes les langues.
 
Mais il s’agit parfois de vrais emprunts, comme pour ce portail consacré au commerce, sans aucun lien à ma connaissance avec les mouvements ou association espérantophones, qui a choisi comme adresse Internet : Komerco (prononcer komertso).

"Gusto", un café-restaurant de Moscou. Bien vu !

Esperanto, un grand restaurant de Stockholm, sans lien avec les associations espérantistes, si l’on en croit la surprenante explication sur leur inspiration :
« The name Esperanto was adopted from the book "The Alchemist" by Paulo Coelho, wherein the language Esperanto is described as the language of universe. »

Un autre restau Esperanto, à New-York.

Tento (tentation), un papier-toilette slovaque, ainsi commenté par celui qui l’a remarqué :
« Kiu povas rezisti la tenton de ĉi necesejpapero ? » (Qui peut résister à la tentation de ce papier-toilette ?)

Au vu de ces appellations aux sonorités espérantophones (Suno, Rimarko, Bazaro), on peut se demander si les publicitaires n’étaient pas en manque d’inspiration... Non, en fait, c’est tout simplement la preuve du charme indéniable de l’espéranto et de ses sonorités, de la simplicité de son vocabulaire qui puise aux racines les plus fréquentes de langues très répandues.

Un bon point pour ceux qui mentionnent l’origine du mot :
la société Domegos.com, « The company name originates from the Esperanto word of “domego”, meaning “house”. » (grande maison, avec le suffixe -eg augmentatif)

Ainsi que Konduki, qui explique l’origine du nom, et l’accompagne d’un commentaire pas vraiment agréable, mais l’intention y est :
« konduki is the word for “guide” in esperanto, a language that has enjoyed brief periods of hope from groups of esperanto advocates as an alternative to English as a global, unifying language (never happened !). »

Rendons ainsi à César ce qui est à César, et à l’espéranto ce qui est à l’espéranto... Et merci à tous les samideanoj (partisans de la même idée) qui ont signalé ces emprunts à la langue de l’espoir. (Dankon al ĉiuj samideanoj, kiuj raportis pri tiuj esperant-inklinaj nomoj.)

Ajoutons en guise de conclusion que, contrairement à cet agréable breuvage « Esperanto vin » (illustration au tiers de la page, à droite), l’espéranto est à utiliser sans modération !
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